| | les vandalistes | |
| | Auteur | Message |
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buenaventura Langue pendue
Nombre de messages : 2539 Date d'inscription : 17/02/2005
| Sujet: les vandalistes Lun 2 Mai - 22:46 | |
| aux recoins des arts, pillés par la bourgeoisie... n'interviendrons-nous pas???
ici in groupe post-situ, qui crèe les situations des devenirs immédiats, qui reconquiers de ces belles choses, arts, musiques, théatres, textes, lescture...
qui sont au capital, le snobisme d'une contorsion....
Le Déshonneur des poètes [Tract rédigé par René Riesel et l’un de ses camarades enragés]
LUNDI 11 DÉCEMBRE 1967, une troupe de poètes-étudiants « pour la plupart édités » (!) ont présenté dans cette faculté un spectacle intitulé Happ poèmes.
S’agissait-il de happening (quoi qu’il en soit, Jean-Jacques Lebel est un con) ? De toute façon, il finit mal : les gardiens de la paix sur la scène ; dans la salle, les machines et les psychiatres démocrates : démocratie, tilt, spectacles, tilt, poésie, tilt, tilt, tilt et tilt.
La vie est ailleurs.
C’est ce que n’ignoraient pas, et crièrent en conséquence deux mauvais étudiants : « Les flics, les curés de demain seront aussi des poètes ! » Si les professeurs-ordinateurs attendent en général une année entière pour faire la peau de ces mauvais étudiants lors des examens, seule occasion pour eux de faire usage de leur minuscule puissance de petites frappes, les poètes-étudiants, pour leur part, ont choisi de leur casser la gueule sur-le-champ.
Rien là d’étonnant. Une seule chose pourrait encore étonner quelques naïfs : que ces flics se fassent appeler « poètes ». Mais que les naïfs se rassurent : ils n’ont pas affaire à une nouvelle race de poètes ; tout au plus à une nouvelle race de flics.
De toute façon, ces étonnés feraient mieux de s’occuper d’autre chose que de poésie ; qu’ils se mêlent plutôt de nous parler de Nanterre (Hauts-de-Seine), ville-pilote, bidonvilles, foyer des travailleurs nord-africains de la préfecture de police, métro express, mairie stalinienne, future préfecture, future caserne de la garde républicaine. Et qu’ils nous parlent aussi de la faculté de Nanterre, université ghetto en voie de cybernétisation, répression sexuelle, policière, liste noire pour trublions, communauté chrétienne, jeunes bureaucrates de l’U.N.E.F., prêtres et poètes-étudiants, sans compter les bonnes sœurs qui traînent un peu partout, activités culturelles en tout genre…
« Comme on va pouvoir s’ennuyer là-dedans ! » disait déjà Breton en 1932.
L’ENNUI EST CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE !
La lutte contre les flics, les curés, les cybernéticiens, les professeurs et les sociologues de demain commence aujourd’hui.
Pas de quartier pour les professionnels et les apprentis du spectacle.
Contre l’ennui, le jeu.
Contre les « poètes », la vie.
François X, assassin de quinze ans, est avec nous !
Pour en finir avec les maquereaux des bidonvilles et les maquereaux de la culture, cultivons l’ennui général jusqu’à ce qu’ils en crèvent.
« De tout poème authentique s’échappe un souffle de liberté entière et agissante, même si cette liberté n’est pas évoquée sous son aspect politique ou social, et, par là, contribue à la libération effective de l’homme. » (Benjamin Péret.)
La jouissance est notre but :
TRANSFORMER LE MONDE, C’EST AUSSI CHANGER LA VIE.
Nanterre, 13 décembre 1967
* * *
En attendant la cybernétique les flics [Tract des Enragés]
[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]
CAMARADES !
Grappin-la-Matraque ¤ épaulé par son Bouricaud ¤ soutenu par les arguments des Morin & Touraine ¤ a donné la mesure de ce qu’il veut bien « désavouer » en plaçant son ghetto et leurs rackets sous la protection de la gendarmerie ¤
Les Accords du Latran qui régissent ce vieux monde et son Université moderniste avouent leur ultima ratio ¤ leur raison d’État : le recours à la violence policière éclaire les conditions réelles du « dialogue » sur le campus ¤ Abus de confiance à gauche ¤ Abus de pouvoir à droite ¤
« Pour tirer l’esprit du cachot « Soufflons nous-mêmes notre forge, « Battons le fer quand il est chaud
(L’Internationale)
Nanterre ¤ le 29 janvier 1968
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Chant de guerre des Polonais de Nanterre (Sur l’air de La Carmagnole et du Ça ira)
[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]
M’SIEUR GRAPPIN avait résolu (bis) De nous faire tomber sur le cul. (bis) Mais son coup a foiré Malgré ses policiers.
Refrain Valsons la Grappignole C’est la misère ou la colère. Valsons la Grappignole C’est la colère À Nanterre.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira Morin, Lefebvre, on les emmerde. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira Et le Touraine on s’le paiera.
Et si on s’le paie pas On lui cass’ra la gueule. Et si on s’le paie pas Sa gueule on lui cass’ra. (Air connu)
Bourricaud s’il fait des dégâts (bis) Ce n’est pas avec ses gros bras. (bis) C’est la sociologie Qui pète quand il chie.
Au refrain
Ricœur n’crach’ pas sur les bonnes sœurs (bis) Mais il préfère les pasteurs. (bis) C’est tous les jours dimanche, Et le Bon Dieu dans la manche.
Au refrain
Maisonneuve écrit dans L’Aurore (bis) C’n’est pas un singe, c’est un porc. (bis) Doazan n’aime pas Fourier C’est qu’il est constipé.
Au refrain
Les staliniens de l’U.E.C. (bis) Voudraient baiser les ouvriers. (bis) Ils n’ont qu’leurs permanents À se fout’ sous la dent.
Au refrain
Les étudiants sont des pantins (bis) Moi, j’en chie vingt tous les matins. (bis) Déjà leurs lendemains Chantent comme des catins.
Final Valsons la Grappignole Flics en civil, murs de béton. Valsons la Grappignole Profils d’étude, programmation.
Cette chanson vous est offerte par les ENRAGÉS DE NANTERRE. Si vous voulez en savoir plus long sur l’Université et sa misère, attendez avec impatience notre catalogue illustré.
Nanterre, le 13 février 1968
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Courant d’air sur le pommier du Japon [Le tract comportait au verso une reproduction du tableau de Marcel Duchamp Courant d’air sur le pommier du Japon (1914)]
[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]
MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS,
Henri Lefebvre, un des plus célèbres agents de la Récupération de ce demi-siècle (on sait comment les situationnistes l’ont fort proprement mouché — lui, et tout le gang d’Arguments — dans leur tract Aux poubelles de l’histoire !) se propose d’ajouter Zengakuren à son tableau de chasse. Le C.N.R.S. a ses émissaires, la PRAXIS a ses chargés de recherches.
Le métaphilosophe Lefebvre est moins bête que le pataphilosophe Morin. Mais le métastalinien devrait avoir l’élégance de s’écraser — quand il s’agit de luttes de classes.
À bon entendeur, salut.
Nanterre, le 19 mars 1968 LES ENRAGÉS
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La Rage au ventre !
[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]
CAMARADES,
En dépit de la collusion avérée des staliniens de l’U.E.C. et des réactionnaires, les magnifiques bagarres de vendredi dernier prouvent que les étudiants, dans la lutte, commencent à accéder à une conscience qu’ils n’avaient pas jusqu’alors : où commence la violence, commence de finir le réformisme.
Le Conseil de l’Université qui s’est réuni ce matin aura beau faire : cette forme désuète de la répression ne peut rien contre la violence dans la rue. L’exclusion pour cinq ans de toutes les Universités de France de notre camarade Gérard Bigorgne — passée sous silence par toute la presse, tous les groupuscules, et associations étudiantes —, celle qui menace aujourd’hui notre camarade René Riesel et 6 autres étudiants de Nanterre sont tout de même pour l’autorité universitaire une manière de les livrer à la police.
Face à la répression, la lutte qui s’annonce devra conserver ses méthodes d’action violente, pour l’heure sa seule force. Mais elle devra surtout susciter une réflexion parmi les étudiants qui la mèneront. Car il n’y a pas que les flics : il y a aussi les mensonges des divers groupuscules trotskistes (J.C.R., F.E.R., V.O.), prochinois (U.J.C.M.L., C.V. base), anarchistes-à-la-Cohn-Bendit. Réglons nos affaires nous-mêmes !
L’exemple donné par les camarades arrêtés vendredi à la Sorbonne, qui se mutinèrent dans le car où ils étaient emmenés, est un exemple à suivre. Tant qu’il n’y aura que trois flics par panier à salade, nous saurons quoi faire. Le précédent du brigadier Brunet, trépané hier, fera jurisprudence : mort aux vaches !
Déjà la violence ferme la gueule des petits chefs des groupuscules ; la seule contestation de l’Université bourgeoise est insignifiante quand c’est toute cette société qui est à détruire.
VIVE LA ZENGAKUREN ! VIVE LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC DES VANDALISTES (Bordeaux) ! VIVENT LES ENRAGÉS ! VIVE L’I.S. ! VIVE LA RÉVOLUTION SOCIALE !
Paris, 6 mai 1968 LES ENRAGÉS
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Le château brûle ! Adresse au Conseil de l’Université de Paris
[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]
VESTIGES,
Votre ignorance crasse de la vie ne vous autorise à rien. En voulez-vous la preuve ? Si vous pouvez siéger aujourd’hui, c’est avec un cordon de police derrière vous. De fait, personne ne vous respecte plus. Pleurez donc sur votre vieille Sorbonne.
Que certaines ganaches modernisantes se soient piquées de me défendre, s’imaginant — à tort — qu’après leur avoir craché dessus, je pourrais redevenir assez présentable pour qu’ils me protègent, me fait seulement rire. Malgré leur persévérance dans le masochisme, ces arrivistes ne sauraient même pas replâtrer l’Université. Monsieur Lefebvre, je vous dis merde.
Ils seront de plus en plus nombreux, ceux qui prendront dans le système des études ce qu’il a de meilleur : les bourses. Vous me l’avez refusée, je n’ai rien eu à cacher, j’ai tout à mordre.
Le procès d’aujourd’hui est bien sûr une fable dérisoire. Le véritable procès s’est déroulé dans la rue, lundi, et la justice temporelle a déjà retenu une trentaine d’émeutiers. Pour mes camarades, ce qui importe c’est la libération inconditionnelle de tous les condamnés (y compris les étudiants).
La liberté est le crime qui contient tous les crimes. Gare à la justice seigneuriale quand le château brûle !
Paris, 10 mai 1968 RENÉ RIESEL | |
| | | buenaventura Langue pendue
Nombre de messages : 2539 Date d'inscription : 17/02/2005
| Sujet: ... Mer 2 Nov - 13:53 | |
| toute actions solaires, éversive, subversive, portenet leurs justifications en elles mêmes, independament de l'état de fait qui les détermines...(Breton)
Bonjour,
Hier, pour la venue de susan georges à montpellier, des individu-es sont venus troubler la messe.
Tout d'abord en proposant gratuitement dans un infokiosque spécialement sélectionné des brochures contre le citoyennisme et sur les contre-sommets du point de vue de celleux qui ne se répandent pas dans les médias pour dire que la violence c'est mal.
Et puis il y avait aussi un tract (A4 plié en deux) édité pour l'occasion (j'en reproduit le contenu à la fin du message et je joins le document imprimable au message)
Et puis quand la messe a commençé, le speech georgien agaçait profondément les contestataires qui le faisaient remarquer de plus en plus bruyamment. La dame pinaillait sur les détails des accords discutés à l'OMC en disant que ce serait mieux si les pays pauvres étaient moins dominés...
A force de grognements, d'exclamations et d'interpellations venues du fond de la salle des courageux se sont levés pour prier les emmerdeureuses de sortir. C'est alors qu'un petit fumigène artisanal fut lancé dans l'hilarité des un-es et la surprise des autres.
Le groupe, avant de partir, lance tout de même à l'attention de susan qu'elle nous emmerde à présenter l'OMC comme le lieu d'un rapport de force entre des états qui, fondamentalement, sont d'accord pour être là, pour faire plus de commerce, faire plus de profits...
Alors que les joyeuxes perturbateurices sont sortis, c'est l'alarme incendie qui se déclenche...
Voili voilou.
Après, le reste des brochures fut donné sur une place de la ville où se retrouvent les jeunes et les paumé-es jusque tard dans la nuit, lesquels ont apprécié particulièrement "actions, mode d'emploi".
Ptet que d'autres gens s'amuseront à l'avenir à troubler les messes d'attac. Ce serait bien, parce que celleux d'hier ils sont maintenant grillé-es...
(A bas le) PS: Comme promis, le texte du tract (à lire en n'oubliant pas qu'il s'adressait à des gens particuliers et que donc il se veut plutôt diplomate):
Contre l’élitisme dans le mouvement social
(Texte écrit à l’occasion de la venue de Susan Georges à Montpellier en octobre 2005. Il aurait pu en être pareillement pour la venue de n’importe quel leader médiatique autoproclamé porte-parole du mouvement altermondialiste : Bernard Cassen, José Bové, Antonio Negri, Olivier Besancenot, Bernard Thibault… Il est fortement recommandé de distribuer ce tract avant ou après l’entartage…)
Il n’était pas possible de laisser Susan Georges venir tranquillement dire ce qu’il faut penser de la situation politico-économique actuelle sans rappeler que de nombreuses personnes contestent l’hégémonie de quelques intellectuel-les (dont elle fait partie) sur l’ensemble du mouvement de contestation de l’ordre capitaliste. Le mouvement altermondialiste se divise, est divisé, reproduisant encore une fois l’erreur historique faite au XIXe siècle.
A partir du moment où l’on est d’accord sur l’ennemi à combattre, qui a raison sur le meilleur moyen de combattre ? Personne. Mais Susan Georges et ses comparses ne l’entendent pas ainsi. Pour elleux, il s’agit de gagner sur le plan des idées afin de convaincre l’opinion publique et le pouvoir politique (ce qui est la même chose). Il n’est demandé à cette opinion publique que de venir aux débats organisés pour cette élite, de répondre aux sondages selon leur point de vue, de voter pour la gauche anti-libérale et de défiler avec les banderoles des organisations qu’illes dirigent. C’est tout.
Dans ce contexte, le pouvoir jugera de l’opportunité de considérer ces intellectuel-les selon leur capacité à contrôler l’opinion pour qu’elle reste réformiste, en position de demande face à lui, ce qui a pour effet sympathique de le conforter dans sa position d’institution indépassable.
C’est ainsi que l’on peut désobéir, mais à visage découvert. C’est ainsi que l’on peut affronter le pouvoir mais sans violence. De manière symbolique.
Parce que ce qui compte c’est l’image médiatique qui sera renvoyée par les médias à l’opinion publique et au pouvoir (c’est la même chose). Ainsi, en 2012, lorsque la gauche arrivera au pouvoir (il ne faut pas rêver pour 2007), Susan Georges et ses ami-es auront de bonnes chances d’obtenir des postes de ministres. Face à l’absence généralisée de protection sociale dans le monde et au nivellement des revenus que n’aura pas manqué de produire la mondialisation néolibérale, la nouvelle élite au pouvoir agira afin d’instituer un revenu mondial minimum permettant d’accéder à ce que furent les services publics, mais cette fois dans le cadre du marché.
Pourquoi pas.
Mais il existe des gens qui pensent différemment. Qui ne veulent pas de reconnaissance de la part du pouvoir. Qui pensent qu’agir à visage découvert c’est faire le jeu du pouvoir, qu’être non-violent face à des forces policières et militaires violentes c’est se tirer une balle dans le pied, que casser la vitrine d’une banque ou saboter les chantiers de construction de prisons c’est porter atteinte concrètement au développement sans fin du contrôle social, de l’aliénation généralisée.
Pourquoi pas ?
C’est alors que Susan Georges et ses ami-es se répandent dans les médias pour se désolidariser de cette seconde manière de voir les choses. Cela décrédibiliserait le mouvement. En réalité, c’est seulement leur position d’interlocuteur-trices qui est décrédibilisée. En effet, le pouvoir ne discute qu’avec des gens raisonnables, c’est-à-dire qui ne remettent pas fondamentalement en cause leur position, mais seulement la manière dont ils occupent cette position. Susan Georges et ses ami-es sont raisonnables. Illes partagent avec le pouvoir le point de vue élitiste, méritocratique. Après tout, si Susan Georges et autres intellectuel-les de la gauche sont reconnu-es par les médias et l’opinion, c’est qu’illes le méritent, parce qu’illes ont de bonnes idées, qu’illes sont plus intelligent-es, qu’il faut les écouter.
Partant de là, il leur est impossible d’accepter une contestation anti-élitiste, une contestation qui ne présente pas de leader, qui n’en veut pas, pour la seule et simple raison que cette contestation reconnaît dans l’élitisme les mêmes dominations qu’entre patron-ne et employé-e, propriétaire et locataire, dirigeant-e et dirigé-e, homme et femme… Certain-es pensent que pour combattre ces dominations il ne faut pas renverser ces rapports de force mais qu’il faut en sortir. Se faire chomeureuses, squatteureuses, autogéré-es, dégenré-es… Partant de là, la question de la violence est une diversion. Il s’agit d’adopter le point de vue des médias (qui n’est autre que celui du pouvoir) en considérant qu’il s’agit de celui de l’opinion publique. La propagande sur les dispositifs policiers achève d’entretenir le sentiment d’impuissance. Pourtant, ce dernier n’est pas infaillible, il a toujours été mis en danger par la minorité qui ne se laissait pas impressionner par le spectacle de la peur. Il faut savoir que les manifestant-es sont en général des dizaines de fois plus nombreuxes que les effectifs policiers, le déficit en équipement pouvant se combler par la mobilité, l’ingéniosité, la détermination, le nombre.
Dans l’histoire, les soulèvements ont le plus souvent été écrasés parce que leurs forces étaient divisées, parce que les gens faisaient confiance à des élites qui se disputaient la légitimité du pouvoir, voulaient définir des priorités alors qu’il suffisait de laisser chacun-e prendre sa liberté comme ille l’entendait.
Et puis peu importe de discutailler sur l’utilité concrète de la violence ou pas (en manifestation ou en dehors), puisque en définitive on ne le sait pas. Ca n’a jamais marché ? Elle n’a toujours été l’œuvre que d’une minorité. Que savons-nous de ce qu’il adviendrait si elle prenait de l’ampleur ? Rien. Du reste, il faut reconnaître que les mouvements avec violence ont été plus efficaces que ceux qui restaient pacifiques. D’un côté 68, 86, 95 ou l’an passé le mouvement lycéen qui ont tous obtenu le retrait des projets de loi ou des avancées. De l’autre les manifestations contre la guerre, contre la réforme des retraites, contre la réforme du régime des intermittents… tous absolument pacifiques et impuissants. La différence ? A un moment les élites intellectuelles de gauche ne contrôlent plus rien. Le pouvoir a peur. Il recule.
Certes, cette lecture de l’utilité de la violence est biaisée. Mais elle a sa logique. Cette lecture vaut bien celle qui conclut à l’inutilité de la violence, biaisée par l’ambition de celleux qui veulent apparaître comme interlocuteur-trices du pouvoir. Il serait d’ailleurs intéressant de s’attarder sur d’autres points de vue comme, par exemple, celui qui serait à la fois non-élitiste et non-violent. Il s’agirait de refuser de participer à toute institution dominatrice : élections, manifestations (qui, en définitive, qu’elles soit violentes ou non, s’adressent au pouvoir et donc le renforcent dans sa position légitime), école, famille, argent…
Il s’agirait de subvenir nous-même à nos besoins, gratuitement en se passant au quotidien du marché et de l’Etat. Objectif impossible à atteindre ? Il est néanmoins possible de s’en rapprocher, à condition de ne pas perdre son temps à travailler pour un patron, pour de l’argent. Il est possible de faire une guérilla douce à l’Etat en devenant assisté-es, en le ruinant. Cela légitimerait la casse des services publics ? L’argument de l’assistanat est déjà utilisé, il est trop tard pour sauver les services publics. Par contre, il est possible de mettre en place des systèmes d’entraide pour une éducation émancipatrice, des soins non chimiques, une sécurité qui implique tout le monde et non pas un corps spécialisé…
Et là on voit bien que la question de la violence passe au second plan. Est-ce qu’il n’est pas plus violent d’envoyer son enfant à l’école que casser la vitrine d’une multinationale ? Est-ce qu’il n’est pas plus violent de mentir consciemment dans les grands médias à propos d’une frange du mouvement altermondialiste (en accréditant l’amalgame avec des terroristes qui mettent des bombes dans les transports en commun), que faire sauter la ligne à haute tension qui transporte de l’énergie nucléaire ?
En conclusion, personne n’a la vérité. Le prétendre c’est mentir. Dès lors, il faut se satisfaire de toutes les formes de lutte. Que des intellectuel-les diffusent une conscience anti-capitaliste, c’est tant mieux. Que des enragé-es détruisent matériellement les outils du Capital, c’est tant mieux. Que des individualistes se retranchent au quotidien dans des pratiques non marchandes et non-dominatrices, c’est tant mieux. On peut l’illustrer par l’exemple du référendum sur la Constitution européenne. Fallait-il voter oui, non ou s’abstenir ? Les trois démarches pouvaient se justifier d’un point de vue de gauche anti-capitaliste. Voter non pour exprimer le rejet de la politique exprimée par ce Traité. Voter oui pour figer à un certain point l’efficacité des moyens policiers et militaires. S’abstenir parce que voter légitime des institutions mortifères, que le choix proposé était biaisé.
C’est à chacun de se faire sa propre opinion. Le Capitalisme n’est pas immortel. Il tombera plus ou moins tôt ou trop tard selon le nombre des actions qui lui porteront atteinte. Peu importe la nature des actions. Le problème tient plus à leur rareté qu’à leur prétendue inefficacité. Il y a tant de gens qui ne font rien. Il y a tant de militant-es du dimanche qui ont peur de quitter leur travail, de perdre leur confort. Prenons ce temps ! Vivons pauvres mais libres. Nous en serons que plus heureuxes !
-- La révolution c'est possible. La seule chose qui l'empêche, C'est ne pas le croire. | |
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