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 Arditi del popolo (en franç.)

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kamchatk
Invité




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MessageSujet: Arditi del popolo (en franç.)   Arditi del popolo (en franç.) EmptySam 14 Oct - 12:42

Un compagnon de Paris a bien voulu rédiger cet article sur les Arditi
del Popolo
italiens (un mouvement assez peu connu en France) pour « Solidarité »
(N°25, juin
2006). Nous l’en remercions.
On peut s’abonner à « Solidarité », le journal du Syndicat
Intercorporatif
Anarchosyndicaliste de Caen pour 8 euros (4 numéros par an, chèque à
l’ordre du
SIA) à l’adresse suivante : SIA BP 257 14013 Caen cedex.
Toute reproduction/diffusion de cet article est la bienvenue. On vous
demande
simplement d’en indiquer la source. Bonne lecture.

Les Arditi del Popolo
et les premiers mouvements
d’opposition au fascisme en Italie


“ La tradition des opprimés nous enseigne que l’ ' état d’exception '
dans lequel
nous vivons est la règle. Nous devons parvenir à une conception de
l’histoire qui
rende compte de cette situation ”
W. Benjamin

Italie. 1922. Mussolini prend le pouvoir suite à la Marche sur Rome du
28 octobre
1922. La résistance au fascisme, selon la reconstruction habituelle à
tous les
vainqueurs, commencera seulement en 1943, lorsque les nazis
reprendront les
rênes, tandis que les derniers affidés de Mussolini se réfugieront
plus au Nord
en fondant la République de Salo.
L’Histoire avec un grand H n’est jamais intéressante en soi. Elle ne
prend sens
qu’au présent, non pas pour l’accumuler comme une marchandise
culturelle
supplémentaire qui remplacerait pauvrement toute perspective théorique,
mais au
contraire comme un rapport vivant. Une transmission d’expérience dont
l’argument
nous parle toujours, justement parce qu’elle nous donne des armes
supplémentaires
pour affronter ce monde-ci. Et la brève existence des Arditi del
Popolo [“ Hardis
du Peuple ”] italiens de 1921 et 1922 nous enseigne à la fois ce qui
est une
possible résistance à la domination, et les limites intrinsèques à
l’antifascisme.

Face au fort courant pacifiste et antimilitariste d’un côté, et à
l’absence
d’intérêts immédiats à tirer d’un autre côté, l’Italie n’entre en
guerre que le 23
mai 1915 contre l’Empire austro-hongrois. Elle finit dans le camp des
vainqueurs de
cette immense boucherie au prix de 650 000 morts (et récupère par le
Traité de
Versailles le Trentino, l’Alto Adige, la Venezia Giulia, Trieste et
l’Istria). Dans
ces conditions de massacres incessants, les nombreuses
insubordinations et
mutineries de la guerre furent matées par des centaines d’exécutions
tandis que
des grèves insurrectionnelles éclataient dans les villes du nord (500
morts et des
milliers d’emprisonnés à Turin en août 1917). L’agitation continue
après-guerre, et
les élections de novembre 1919 donnent 156 députés au parti
socialiste (contre 48
en 1913) et 100 au Parti populaire, créé au début de l’année par les
catholiques.
Le grand parti qui dominait la vie politique avant-guerre, celui des
libéraux,
perd la majorité absolue. 1919-1920 est défini comme le “ bienno
rosso ”, deux
années d’occupations des usines au Nord avec formation de conseils
ouvriers, de “
gardes rouges ” armés et de grèves insurrectionnelles,
d’occupations de terres au Sud. A partir de septembre 1919, ce sont
500 000
ouvriers qui sont en grève. En mars 1920, face à la multiplication de
grèves (dont
la métallurgie) et la demande de
reconnaissance des conseils d’usine, le patronat s’organise en créant
son propre
syndicat, la Confidustria, qui répondra par des lock-out. Le 29 à
Turin, 120 000
travailleurs sont en grève face à 50 000
soldats et nombre de jaunes. Un accord provisoire est signé le 24
avril. A partir
du 31 août, 500 000 ouvriers occupent à nouveau les usines à Milan,
en Lombardie,
dans le Piémont et la Ligurie. Les gardes rouges tenteront de prendre
d’assaut le
palais d’Agnelli, directeur général de FIAT le 20 septembre. A la fin
du mois,
les usines sont expulsées militairement. Dans le sud, et les Pouilles
notamment, les affrontements avec la police ou les propriétaires
terriens feront
de nombreux morts et blessés. Enfin, 70 000 soldats italiens occupent
toujours
l’Albanie depuis la guerre et les révoltes se multiplient. A Ancône
le 26 juin,
le 11e régiment en partance pour ce pays s’insoumet et fraternise
avec la foule
d’ouvriers venus le soutenir. Une foule en armes saccage casernes et
armureries,
s’affronte avec les carabiniers pendant deux jours, sur fond de grève
générale
dans la région. Ce même mois à Trieste, la manifestation ouvrière
contre le
départ de deux cargos chargés d’armes et de troupes pour l’Albanie
finit par
l’attaque et le désarmement des gradés. Début juillet à Brindisi,
soldats et
ouvriers érigent des barricades et affrontent ensemble les forces de
l’ordre.
L’Italie reconnaîtra l’indépendance de l’Albanie le 4 août 1920.

Un élément nouveau vient pourtant changer la donne en cette période
pré-insurrectionnelle (on compte 1663 grèves en 1919 et 1881 l’année
suivante) où
l’on meurt aussi de faim. Les Fasci di combattimento [Faisceaux de
combat] créés
le 23 mars 1920 à Milan suite à un appel lancé par Mussolini dans son
journal, Il
popolo d’Italia, et leurs squadri d’azione [“ équipes d’action ”] se
mettent
clairement au service des intérêts industriels et agraires. Leurs
expéditions se
multiplient alors à un rythme impressionnant, avec des descentes en
camions dans
les villes et villages, où ils ravagent les locaux de partis de
gauche, les
bourses du travail (1), les coopératives, les sièges de journaux ou
les mairies
tenues par “ les rouges ”. Au cours des six premiers mois de 1921,
726 locaux
d’organisations ouvrières sont détruits, dont 119 Bourses du travail,
107
coopératives, 59 locaux du PCd’I, 83 des ligues paysannes, 141 de
sections
socialistes, 100 cercles culturels, 28 de syndicats ouvriers, 53 de
cercles de
loisirs ouvriers. De nombreux militants et syndicalistes (et certains
députés et
maires) connus localement sont attaqués, blessés ou assassinés.
Jusqu’à la Marche
sur Rome, ces manifestations/ parades suivies de saccages réuniront
jusqu’à
plusieurs milliers de fascistes équipés par l’armée et protégés par
les
carabiniers et la police. Leur montée en puissance est résumée par
ces chiffres
officiels (certainement un peu gonflés) : la force effective des
Fasci est de 31
sections pour 870 adhérents au 31 décembre 1919, 88 sections et plus
de 20 000
adhérents fin 1920 et un millier de
sections locales pour 250 000 adhérents fin 1921. Leur première
action spectaculaire est le saccage de la rédaction du journal
socialiste Avanti ! à Milan le 15 avril 1919 par 200 fascistes armés
de pistolets
et de quelques grenades, après voir attaqué une
manifestation anarchiste en laissant une compagnonne assassinée,
Teresa Galli. Le
22 novembre 1920, l’attaque par 500 fascistes d’une manifestation à
Bologne fera
8 morts et 60 blessés.

C’est face à cette offensive sans précédent qui portera à la domination
des
fascistes sur l’Italie pendant 25 ans et dont les fruits amers se
paient encore
aujourd’hui, que va survenir fin juin 1921 la résistance des Arditi
del Popolo
sous l’impulsion d’Argo Secondari, sympathisant anarchiste.
N’oublions pas non
plus avant eux les groupes anarchistes Figli di Nessuno à Gênes,
Abasso la legge
à Carrare ou les équipes mixtes anarchistes/communistes Squadre
d’azione
antifascista à Livourne, Gruppi rivoluzionari d’azione à Turin ou
encore
parallèlement à eux les Arditi ferrovieri à Milan et Bologne, les
Arditi rossi à
Trieste ou les Guardie rosse volanti à Crema. Les Arditi sont un
corps spécial de
l’armée italienne constitué à l’été 1917 pour frapper le camp d’en face
derrière
ses lignes, ou prendre d’assaut les forteresses inexpugnables. Unités
d’élite
équipées de grenades et de longs couteaux pour le corps à corps,
elles compteront
jusqu’à 24 000 membres répartis en une quarantaine de groupes.
Démobilisés
après-guerre, ces spécialistes de “ la mort belle et vindicative ”,
déçus de “
l’ingratitude de la Mère Patrie ”, se fédèrent dans leur propre
association
d’anciens combattants, teintée de dégoût contre les institutions, les “
embusqués
”, les “ défaitistes ” (soit les socialistes) et les politiciens repus
et
profiteurs de guerre. L’Associazione fra gli Arditi d’Italia,
influencée par les
futuristes, est fondée en janvier 1919 à Rome. Sa deuxième grande
section, à
Milan, rejoint les
fascistes l’année suivante, tandis que la section romaine se perd en
luttes
internes entre différentes tendances. En novembre 1920 est relancée,
à Milan, par
une nouvelle section, l’Associazione Nazionale fra gli Arditi
d’Italia (ANAI),
qui tient son congrès en mars 1921, toujours dominée par l’influence
fasciste.

Une partie de la section de Rome décide alors de s’autonomiser et
fonde les
Arditi del Popolo, le 27 juin 1921. La première grande réunion réunit
400 Arditi
et pose des bases clairement
anticapitalistes et antifascistes. Le 2 juillet, l’assemblée générale
destinée à
construire les premiers bataillons de combat et les noyaux régionaux
réunit 300
personnes, au-delà des Arditi (cheminots,
ouvriers des Postes, anciens combattants) et doit se tenir sur une
place
publique. Son organisateur, Argo Secondari, précise dans un entretien
: “ Que les
mercenaires de la garde blanche sachent qu’est finie pour eux l’ère
des saccages,
des incendies et des expéditions punitives. Les Arditi del Popolo
lancent
aujourd’hui leur cri pour la défense armée des travailleurs et des
bourses du
travail. D’où qu’il vienne, tout acte d’abus contre les travailleurs
et les
subversifs sera considéré comme une provocation pour les Arditi del
Popolo et la
réaction sera implacable et immédiate ”. Le 6 juillet, ils font leur
première
apparition publique à 2 000 en armes, défilant dans les rues de la
capitale à
l’occasion d’une grande manifestation antifasciste de 15 000
personnes à l’Orto
Botanico.
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kamchatk
Invité




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MessageSujet: ...   Arditi del popolo (en franç.) EmptySam 14 Oct - 12:43

Le 11 juillet, à Viterbo, une révolte menée par les Arditi del Popolo,
repousse les
fascistes. Le 17 juillet à Livourne, des centaines d’Arditi et
d’anarchistes
affrontent avec succès les fascistes arrivés en camions blindés et
armés de fusils.
Le 17 juillet toujours, une expédition fasciste attaque Monzone
Fivizzano et S.
Stefano Magro, où des orateurs anarchistes et communistes doivent tenir
un meeting,
faisant plusieurs morts. Au retour, passant par Sarzana, quelques
fascistes sont
arrêtés. Le 21 juillet, 600 chemises noires se rassemblent à Marina
di Massa pour
rejoindre Sarzana et libérer leurs amis. Les Arditi del Popolo, qui
comptent là
une forte présence anarchiste, et la population préparent un accueil
armé. Des
charges de dynamite sont aussi placées sur des tours, prêtes à les
faire écrouler
au passage des fascistes. Les carabiniers les préviennent et ils font
demi-tour.
Dans la campagne environnante, ils sont réceptionnés par les paysans
et
antifascistes des alentours, et doivent laisser 18 morts et une
trentaine de
blessés sur le terrain.
Les deux principaux partis de gauche prennent rapidement leurs
distances avec les
Arditi. Pour le parti socialiste, tout se résume aux urnes. Face aux
attaques
fascistes, son slogan pour les élections du 15 mai 1921 était par
exemple : “
Ouvriers, paysans, employés ! Votre arme est le vote socialiste ! ”.
L’alliance
entre libéraux et fascistes fait pour la première fois entrer ces
derniers au
Parlement (35 sur 265 députés de ce bloc, contre 123 députés
socialistes, 15
députés communistes, 108 au parti populaire catholique). Le 3 août,
un “ pacte de
pacification ” est signé entre fascistes et socialistes. Il est ratifié
dans le
cabinet du président de
l’Assemblée par des représentants du Conseil national des Fasci di
Combattimento et
du groupe parlementaire fasciste, par la direction du Parti
socialiste, celle de
son groupe parlementaire et le
principal syndicat, la CGL (Confederazione Generale del Lavoro). Le
deuxième
point du pacte engage les deux parties à mettre fin “ à toute menace,
voie de
fait, représailles, punition, vendetta et
violence personnelle ”, tandis que le cinquième point précise “ le
Parti
socialiste affirme qu’il est complètement étranger à l’organisation et
aux actes
des Arditi del Popolo ”.
Suite au premier congrès national des Arditi qui réunit 60 délégués
de section à
Rome le 24 juillet, la direction change en septembre. Elle se compose
du député
socialiste (dissident maximaliste qui
refuse de suivre son parti) Mingrino, du républicain Baldazzi et de
l’anarchiste
Vincenzo di Fazio. Si rares seront les socialistes à rejoindre les
sections
d’Arditi del Popolo, à l’inverse des anarchistes, les communistes qui
parfois les
animent sont sommés de les quitter. A peine constitué lors de sa
scission du
parti
socialiste au 17e congrès national du PSI tenu à Livourne le 21 janvier
1921, le
PCd’I sous l’égide de Gramsci, Bordiga et Terracini voit dans le
phénomène
fasciste le renversement imminent de l’Etat bourgeois, à remplacer
ensuite par la
dictature du prolétariat. Tout doit être inféodé au Parti, et il
n’est pas
question de structures plus larges à contrôler, comme le lui propose
l’Internationale Communiste à Moscou. Le 7 août 1921, l’exécutif
national ordonne à
ses membres de rompre tout rapport avec les Arditi del Popolo et à
rejoindre
les maigres squadre communistes. Terracini ira plus loin en écrivant
que “ la
création des Arditi del Popolo n’a été qu’une manœuvre intéressée de
certains
éléments de la bourgeoisie désireux de détourner à leur profit des
énergies
prolétariennes réveillées par les attentats fascistes ”. Un
irrégulier du
communisme italien, comme Vittorio Ambrosini, qui fondera en
septembre 1920
L’Ardito Rosso, sera de même immanquablement isolé. Les Arditi
continuent
pourtant leur expansion et ses 144 sections sont particulièrement
implantées à
Rome et le Lazio (Civitavecchia, Viterbo), l’Umbria (Terni), la
Toscane (Pise, Livourne), la Ligurie, le Piémont, les Marche (Pesaro,
Ancona),
l’Emilie Romagne (Parme, Forli) et les Pouilles. Isolés par les deux
partis de
gauche, ils sont bien entendu aussi en butte à la répression
(arrestations,
perquisitions, séquestrations d’armes et de matériel). Une nouvelle
circulaire du
gouvernement Bonomi datée du 23 décembre 1921 redemandera le
désarmement de tous
les groupes armés, même si tout le monde comprend que seuls les
Arditi et les
quelques sections du PCd’I seront touchées. Dès la fin de l’été 1921,
les
Arditi comptent pourtant 20 000 inscrits.
En effet, si les chemises noires causent toujours plus de dégâts, les
Arditi,
partout où ils sont organisés, là aussi où les ouvriers communistes ne
respectent
pas les consignes du Parti, se défendent. Le 11 septembre 1921 à
Ravenne, Arditi,
anarchistes et subversifs repoussent 3000 fascistes. Du 9 au 13
novembre à Rome,
à l’occasion du 3e Congrès national des Fasci qui se transforment
alors en Parti
(le PNF), les quartiers populaires montent des barricades sur fond de
grèves.
Les Arditi, dont c’est une des bases géographique, repoussent pendant
tous ces
jours-là les assauts des fascistes destinés à parader dans les
quartiers (2 morts
et 150 blessés). Il faut dire que quelques jours avant, le 3
novembre à Rome,
les descentes de chemises noires sur la ville avaient fait 6 morts et
170
blessés. Le 10 janvier 1922, des affrontements entre anarchistes et
fascistes à
Carrare font 4 morts et 9 blessés. Le 24 avril 1922, à Piombino, les
Arditi et
les anarchistes repoussent une colonne fasciste. Le 24 mai à Rome,
les fascistes
sont une nouvelle fois contraints de fuir, chassés du quartier de S.
Lorenzo.
Malgré ces quelques actes de
courage, la plupart des autres bastions ouvriers tombent un à un :
Gênes, Ancona,
Livourne, Bologne (40 000 fascistes des organisations rurales à
Ferrara le 12 mai
puis le 26 mai à Bologne), Bari, Cremona, (11 juillet), Milan (20 000
chemises
noires le 26 mars), Ravenna (raid fasciste le 26 juillet : 9 morts,
nouveau raid
le 28 juillet : 9 morts).

Un dernier baroud d’honneur se tiendra à Parme. Pour mettre fin à la
grève
générale lancée le 31 juillet 1922 par l’Alleanza del lavoro
(alliance de
syndicats réformistes), 15 000 fascistes venus de
plusieurs régions se dirigent vers la ville. Ils sont décidé à briser
la grève
partout, en faisant les jaunes ou en s’attaquant militairement aux
cités “ rouges ”
qui suivraient la consigne. Le préfet et le commissaire de police
retirent alors
toute la force publique des deux quartiers ouvriers de Parme
(Oltretorrente et
Naviglio). Les 300 Arditi del Popolo, avec à leur tête le communiste
Guido
Picelli, organisent, à l’inverse de la complicité étatique,
immédiatement la
résistance, et prennent le pouvoir de fait. Parme tiendra cinq jours
d’affrontements, sans que les chemises noires ne la prennent. Toute
la population
s’y met, le sous-sol est miné, les tranchées creusées, les barricades
érigées,
les groupes constitués. “ Dans les maisons, on s’attelle à la
fabrication
d’engins explosifs, de poignards faits de limes, de morceaux de fer,
de couteaux,
et à la préparation d’acides. (…) On distribue aux femmes des
récipients
remplis de pétrole et d’essence, parce que la base du plan défensif,
au cas où
les fascistes auraient réussi à pénétrer dans le quartier populaire
de
l’Oltretorrente, était que les combats se déroulent rue par rue,
ruelle par
ruelle, maison par maison, sans épargner de sang, en lançant les
liquides
inflammables contre les chemises noires, jusqu’à l’incendie et la
destruction
complète de toutes les positions ”, raconte Picelli. Les
affrontements les plus
rudes se produisent en défense du quartier de Naviglio, organisée par
l’anarchiste Antonio Cieri. Le 6 août, l’Etat décrète Parme en état
de siège,
confiant le pouvoir aux militaires. Les fascistes se retirent,
abandonnant 30
morts et une centaine de blessés. Parme ne sera pas prise.
Pendant la grève générale, les Arditi et les antifascistes de Bari,
assiégés dans
la vieille ville, résistent aussi pendant cinq jours aux assauts des
fascistes et
des forces de l’ordre. A Gênes, les anarchistes et les Arditi
s’opposent pendant
trois jours aux attaques fascistes, avant que la force publique ne
démantèle les
barricades à coups de véhicules blindés et de mitrailleuses, ouvrant
la voie aux
chemises noires. A Livourne, les barricades sont démantelées par
l’armée suite
aux affrontements avec les fascistes, laissant 10 morts du côté des
subversifs. A
Civitavecchia, les Arditi, les anarchistes et les dockers repoussent
par contre
pour la seconde fois les fascistes qui échouent à prendre la ville. La
grève
générale, peu suivie du fait des manigances socialistes qui n’avaient
pas caché
que leur but réel était de faire pression pour faire entrer des
ministres au
gouvernement, est un échec.

Le 3 février, Mussolini avait évoqué publiquement “ l’éventualité
d’une dictature
militaire comme unique moyen adéquat de remédier au dégoût que le
régime
parlementaire actuel provoque ”. Fin octobre, c’est la Marche sur
Rome puis le
règne de la dictature fasciste. Le 14 décembre 1922, les Arditi
s’autodissolvent,
acculés par la répression démocratique, isolés de la population qui
acclame son
nouveau maître, et des partis de gauche qui refusent d’organiser la
résistance
armée. Le choix de la bourgeoisie, miser sur les Fasci pour mater le
prolétariat
au bord de l’insurrection, initié quelques années plus tôt triomphe.
Quant à Argo
Secondari, le libertaire rescapé de la guerre et fondateur des Arditi
del Popolo,
il sera attaqué par un groupe de fascistes devant chez lui le 31
octobre 1922.
Grièvement blessé à la tête, il perdra la raison et finira le restant
de ses
jours enfermé dans un asile psychiatrique.

Considérer l’arditisme populaire comme une sorte de Résistance
italienne avant la
lettre, serait une reconstruction déplacée. S’il est vrai que
l’exemple des
Arditi del Popolo a parfois été assumé comme symbole par une partie
de la
Résistance, la signification des deux luttes fut pourtant différents.
L’opposition au squadrisme par les Arditi plonge ses racines dans un
antagonisme
social entre les partis, les ligues paysannes et les associations du
mouvement
ouvrier d’un côté, la classe dominante de l’autre. La Résistance fut
tout
autre. Ce fut une guerre patriotique de libération du territoire
national contre
l’envahisseur allemand (d’où ses débuts en 1943), ce fut une guerre
civile pour
le contrôle des institutions démocrates qui remplaceraient le
fascisme, et ce fut
aussi une guerre de classe certes, mais inféodée au Parti communiste
en vue d’un
nouveau totalitarisme. Alors que l’arditisme populaire avait un
caractère
nettement prolétaire et spontané lié aux luttes des années précédentes,
la
Résistance s’est vite fondue en un vaste mouvement antifasciste au
sein duquel la
bourgeoisie occupait toute sa place, lui permettant de conquérir ou
plutôt de
maintenir son rapport de force après 1945, recyclant très rapidement
les cadres
fascistes.
Les Arditi del Popolo comportaient certes des limites, mais elles
n’auraient pu
être dépassées que dans un plus vaste affrontement de classe, si
justement une
partie d’elle-même -effrayée ou convaincue- n’avait pas choisi la
démagogie, le
populisme et l’ordre contre les possibles de la subversion. Les
Arditi offraient
l’avantage d’être spontanés, en dehors des partis politiques, et sur
des bases
prolétaires. Ils se constituaient certes comme un mouvement d’auto-
défense et non
pas comme un mouvement d’offensive révolutionnaire, mais dans un
contexte (et les
anarchistes l’avaient compris) où ne plus reculer face au fascisme en
s’armant de
façon autonome et sur des bases exclusives de classe signifiait déjà
avancer vers
l’insurrection.

27 juin 2006

(1) Les Bourses du travail (Camere del lavoro) étaient généralement
tenues par
l’USI, à majorité anarcho-syndicaliste.

Biographie :

Marco Rossi, Arditi non gendarmi !, Pise, BFS, 1997
Eros Francescangeli, Arditi del popolo, Rome, Odradek, 2000
Luigi Balsamani, Gli Arditi del popolo, Salerne, Galzerano, 2002
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