LES PAYS DE COCAGNE
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 Résistance Mapuches

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buenaventura
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buenaventura


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Date d'inscription : 17/02/2005

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MessageSujet: Résistance Mapuches   Résistance Mapuches EmptySam 22 Sep - 12:25

Le peuple mapuche, son histoire, sa culture, ses luttes, ont été
couverts par un
voile de silence. Le peu de nouvelles qui viennent du sud du Chili sont
presque
toujours liées à la répression ou à des dénonciations de « terrorisme »
de la part
de l’État chilien. En dépit de l’isolement social et politique, réduits
à une
pénible survie dans les zones rurales et aux emplois précaires et mal
payés dans
les villes, ils continuent de résister aux multinationales forestières
et aux
centrales hydroélectriques, ils cherchent à maintenir vivantes leurs
traditions.

« Je suis considéré par l’État chilien comme un délinquant parce que je
défends ma
famille et mes terres », déclare Wajkilaf Cadin Calfunao, 25 ans,
membre de la
communauté Juan Paillalef, dans la IXe Région [1], l’Araucanie, dans
une brève
lettre qu’il nous a fait parvenir de la prison de haute sécurité de
Santiago, où
les gardiens ne nous ont pas permis d’entrer pour des raisons
bureaucratiques. À
peu de choses près, d’autres prisonniers mapuches disent la même chose.
José
Huenchunao, un des fondateurs de la Coordinadora Arauco Malleco (CAM),
incarcéré le
20 mars dernier, a été condamné à dix années de prison pour avoir
participé à
l’incendie de machines forestières.
« Les prisons sont un lieu de châtiment que l’État chilien et ses
exécutants
politiques et judiciaires ont destiné à ceux qui luttent ou
représentent le
peuple-nation mapuche », écrivit Huenchunao le 21 mars de la prison
d’Angol [2].
Hector Llaitul, 37 ans, dirigeant de la CAM, détenu le 21 février sous
les mêmes
charges que Huenchunao, a commencé une grève de la faim pour dénoncer
le montage
politico-judiciaire à son encontre. La majeure partie des plus de 20
prisonniers
mapuches ont eu recours à la grève de la faim pour dénoncer leur
situation ou pour
exiger leur transfert dans des prisons proches de leurs communautés.

Comme presque tous les dirigeants mapuches, Llaitul met l’accent sur le
problème
des entreprises forestières : « La Forestal Mininco est avec
l’entreprise
hydroélectrique ENDESA, un de nos principaux adversaires. Elles ont
changé de
politique. Il ne s’agit plus d’user purement de la violence. Elles sont
en train de
diversifier la répression : elles étudient les zones où elles opèrent
et mettent en
place des plans adaptés à chaque zone (propagande, cours et autres),
souvent
financés par la Banque Interaméricaine de Développement (BID) dans le
but de créer
un cercle de sécurité autour de leurs propriétés. Elles arment les
petits paysans
et les clubs de chasse et de pêche pour qu’ils forment des comités de
surveillance
(légaux au Chili) afin de se défendre des ’mauvais voisins’. Ils
tentent ainsi
d’isoler ceux qui luttent » [3].

« Ma communauté a été fortement réprimée puisque tous les membres de ma
famille
sont en prison (maman, papa, frère, tante, etc.) », signale Calfunao
dans sa
lettre, et il décrit comment les terres de sa communauté ont été «
volées » par les
entreprises forestières et le ministère des Travaux publics, vol
avalisé par les
tribunaux qui ne respectent pas « notre droit consuétudinaire et nos
coutumes
juridiques ». Il est accusé d’enlèvement pour avoir réalisé un barrage
routier, de
désordres sur la voie publique et de la destruction de pneus d’un
camion forestier
qui transportait du bois de la région mapuche. Toute activité que
réalisent les
communautés pour empêcher que les entreprises forestières continuent à
voler leurs
terres, est traitée par l’État chilien au moyen de la législation «
anti-terroriste
» héritée de la dictature d’Augusto Pinochet.

Au sud du fleuve Bío Bío

En arrivant à Concepción, à 500 kilomètres au sud de Santiago, par
l’étroite vallée
entre la cordillère des Andes et le Pacifique, couverte de cultures
fruitières qui
ont fait du Chili un important agro-exportateur, le paysage commence à
se modifier
brusquement. Les cultures forestières enveloppent champs et collines.
Les
autoroutes se transforment en chemins qui montent en serpentant la
montagne et se
perdent entre les pins. A l’improviste, une dense et épaisse fumée
blanche annonce
une usine à papiers, toujours entourée d’immenses et étendues cultures
vertes.

Lucio Cuenca, coordinateur de l’Observatoire Latino-Américain des
Conflits
Environnementaux (OCLA, Observatorio Latinoamericano de Conflitos
Ambientales)
explique que le secteur forestier croît à un rythme annuel supérieur à
6%. « Entre
1975 et 1994 les cultures ont augmenté de 57% », ajoute t-il. Le
secteur forestier
représente plus de 10% des exportations ; pratiquement la moitié va
vers des pays
asiatiques. Plus de deux millions d’hectares de plantations forestières
se
concentrent dans les régions V et X, terres traditionnelles des
mapuches. Le pin
constitue 75% et l’eucalyptus 17%. « Mais presque 60% de la surface
plantée
appartient à trois groupes économiques », affirme Cuenca.

Expliquer une pareille concentration de la propriété nécessite - comme
dans presque
tous les domaines dans ce Chili hyper-privatisé - de porter un regard
sur les
années 70, et tout particulièrement sur le régime de Pinochet. Durant
les années 60
et 70, les gouvernements démocrate-chrétien et socialiste mirent en
oeuvre une
réforme agraire qui rendit des terres aux mapuches et développa la
création de
coopératives paysannes. L’État participa activement à la politique
forestière tant
dans les cultures que dans le développement de l’industrie.

Cuenca explique ce qui est arrivé sous Pinochet : « La dictature
militaire réalisa
ensuite une contre-réforme modifiant tant la propriété que l’usage de
la terre.
Dans la seconde moitié des années 70, entre 1976 et 1979, l’État céda à
des privés
ses six principales entreprises de la zone : Celulosa Arauco, Celulosa
Constitución, Forestal Arauco, Inforsa, Masisa et Compañia
Manufacturera de Papeles
y Cartones, qui furent vendues à des entreprises pour 78% de leur
valeur ».

Le pinochétisme marque la différence : l’industrie forestière au Chili
est aux
mains de deux grands groupes privés nationaux, dirigés par Anacleto
Angelini et
Eleodoro Matte. Dans le reste du continent l’industrie est aux mains de
grandes
multinationales européennes ou états-uniennes. C’est là que la
nationalité des
propriétaires n’a pas la moindre importance. Au Chili, seulement 7,5%
des
plantations forestières sont détenues par de petits propriétaires,
alors que 66%
appartiennent à de grands propriétaires qui possèdent un minimum de
mille hectares
de forêt. Le Groupe Angelini a à lui tout seul 765 000 hectares, alors
que le
groupe Matte dépasse le demi million.

« Les régions où se développe ce lucratif commerce - poursuit Cuenca -
sont
devenues les plus pauvres du pays ». Alors qu’Angelini est un des six
hommes les
plus riches d’Amérique latine, dans les régions VIII et IX la pauvreté
dépasse les
32%, l’indice le plus élevé du pays. « Les bénéfices ne sont pas
redistribués et
rien ne reste dans la région, si ce n’est la surexploitation, la
pollution, la
perte de diversité biologique et culturelle et, bien sûr, la pauvreté
», conclut le
coordinateur de l’OLCA.

Pour les mapuches, l’expansion forestière signifie leur mort en tant
que peuple.
Chaque année, la frontière forestière progresse de 50 000 hectares. En
plus de se
voir littéralement noyés par les cultures, ils commencent à manquer
d’eau, il y a
des changements dans la flore et la faune, et la forêt primaire
disparaît
rapidement. Un rapport de la Banque centrale assure que dans 25 ans le
Chili sera
sans forêt primaire. Tout indique, néanmoins, que l’expansion
forestière est
impossible à arrêter.

Malgré les dénonciations relatives à la détérioration environnementale
et sociale,
malgré la résistance de dizaines de communautés mapuches mais aussi
maintenant de
pêcheurs et d’agriculteurs, et, au surcroît, malgré les analyses
d’organismes
publics nationaux qui préviennent des dangers de la poursuite du
développement de
l’industrie forestière, la quantité de bois disponible aura doublé en
2018 par
rapport à ce qu’elle était en 1995, selon ce qu’indique la Corporation
du Bois.
Cela conduira inéluctablement à ouvrir de nouvelles usines de
cellulose. Le Chili
externalise une série de coûts (de travail et environnementaux) lui
permettant de
produire la tonne de cellulose à seulement 222 dollars, contre 344 pour
le Canada
et 349 pour la Suède et la Finlande. C’est l’unique argument de poids.

Trois siècles d’indépendance

Il est impossible de comprendre la réalité actuelle du peuple mapuche
sans revenir
sur son histoire. A la différence des autres grands peuples du
continent, les
mapuches parvinrent à imposer leur autonomie et indépendance à la
Couronne
espagnole durant 260 ans. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’ils
durent se
soumettre à l’État indépendant du Chili. Cette notable exception marque
l’histoire
d’un peuple qui, à beaucoup de points de vue, a accumulé suffisamment
de
différences avec les autres peuples indigènes pour empêcher que l’on
généralise
leurs histoires et leurs réalités.

On estime qu’à l’arrivée des Espagnols, il y avait un million de
mapuches,
concentrés surtout en Araucanie (territoire entre Concepción et
Valdivia). C’était
un peuple de pêcheurs, de chasseurs et de cueilleurs, dont
l’alimentation de base
était constituée de pommes de terre et de haricots qu’ils cultivaient
dans des
clairières de forêts, et du pignon de l’araucaria, le gigantesque arbre
qui
dominait la géographie du sud. Bien que sédentaires, ils ne
constituaient pas de
villages ; chaque famille avait son autonomie territoriale. L’abondance
de
ressources sur des terres très riches est ce qui permit l’existence d’«
une
population très supérieure à ce qu’un système pré-agraire aurait pu
approvisionner
», soutient José Bengoa, le principal historien du peuple mapuche [4].

Cette société de chasseurs-guerriers, où la famille était l’unique
institution
sociale permanente regroupée autour de caciques ou loncos [dirigeants],
était bien
différente des sociétés indigènes que trouvèrent les Espagnols en
Amérique. Entre
1546 et 1598, les mapuches résistèrent avec succès aux Espagnols. En
1554, Pedro
Valdivia, capitaine général de la Conquista, fut vaincu par le cacique
Lautaro près
de Cañete, fait prisonnier et tué pour « avoir voulu nous réduire en
esclavage ».

En dépit des épidémies de typhus et de variole, qui emportèrent le
tiers de la
population mapuche, une seconde et une troisième génération de caciques
résistèrent
avec succès aux nouvelles attaques des colonisateurs. En 1598, le cours
de la
guerre changea. La supériorité militaire des mapuches, qui devinrent de
grands
cavaliers et avaient plus de chevaux que les armées espagnoles, poussa
les
conquistadores à se mettre sur la défensive. Ils détruisirent toutes
les villes
espagnoles au sud du fleuve Bío Bío ; parmi lesquelles Valdivia et
Villarica, qui
ne fut refondée que 283 ans plus tard, après la « pacification de
l’Araucanie ».

Une paix tendue s’installa à la « frontière ». Le 6 janvier 1641,
Espagnols et
mapuches se réunirent pour la première fois au Parlement de Quilín : la
frontière
sur le Bío Bío et l’indépendance mapuche furent reconnues, mais les
mapuches
devaient laisser prêcher les missionnaires et libérer les prisonniers.
Le Parlement
de Negrete, en 1726, régula le commerce qui était source de conflits et
les
mapuches s’engagèrent à défendre la Couronne espagnole contre les
créoles.

Comment expliquer cette particularité mapuche ? Divers historiens et
anthropologues, dont Bengoa, s’accordent à dire que « à la différence
des Incas et
des Mexicains, qui possédaient des gouvernements centralisés et des
divisions
politiques internes, les Mapuches possédaient une structure sociale non
hiérarchisée. Dans la situation mexicaine et andine, le conquérant
frappa le centre
du pouvoir politique, et en le conquérant, s’assura le contrôle de
l’Empire. Dans
le cas mapuche, ce n’était pas possible, étant donné que sa soumission
passait par
celle de chacune des milliers de familles indépendantes » [5]. Au
passage, il
faudrait ajouter que la prédominance de cette culture explique aussi
l’énorme
difficulté que rencontre le mouvement mapuche pour construire des
organisation
unitaires et représentatives.
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MessageSujet: ...   Résistance Mapuches EmptySam 22 Sep - 12:25

Vers le 18e siècle, influencée par la Colonie qui avait répandu
l’élevage extensif,
la société mapuche se transforma en une économie d’élevage commercial
qui
contrôlait un des territoires les plus étendus possédé par un groupe
ethnique en
Amérique du Sud : ils étaient étendus jusque dans les pampas et
atteignaient ce qui
est aujourd’hui la province de Buenos Aires. Cette nouvelle économie
renforça le
rôle des loncos (caciques) et créa des relations de subordination
sociale que les
mapuches n’avaient pas connu. « La grande concentration du bétail au
profit de
quelques loncos et la nécessité de compter sur des dirigeants pour
négocier avec le
pouvoir colonial, intensifia la hiérarchisation sociale et la
centralisation du
pouvoir politique », explique l’historien Gabriel Salazar.

L’économie minière de la nouvelle République indépendante nécessita, à
la suite de
la crise de 1857, d’étendre la production agricole. Jusqu’en 1881, date
à laquelle
les mapuches furent définitivement vaincus, se déchaîna une guerre
d’extermination.
Après la défaite, les mapuches furent confinés dans des reducciones :
les terres
qu’ils contrôlaient passèrent de 10 millions d’hectares à un demi
million, le reste
de leurs terres étant adjugé par l’État à des particuliers. Ils
devinrent ainsi des
agriculteurs pauvres, forcés de changer leurs coutumes, leurs formes de
production
et leurs normes juridiques.

Une nouvelle réalité

A environ 100 kilomètres au sud de Concepción, le petit village de
Cañete est un
des noeuds du conflit mapuche : à la Noël 1553, les mapuches
détruisirent le fort
Tucapel construit par Pedro de Valdivia et exécutèrent ce dernier. Cinq
années plus
tard, le grand cacique Caupolican fut envoyé au supplice sur la place
qui porte
aujourd’hui son nom, où s’élèvent d’imposantes figures en bois en
hommage de son
peuple. Sur cette même place, quelque 200 mapuches et étudiants se
rassemblèrent
une matinée pluvieuse d’avril pour demander la liberté de José
Huenchunao,
dirigeant de la Coordination des Communautés en conflit Arauco-Malleco
(CAM),
détenu depuis des semaines, dans le cadre de l’offensive déclenchée par
l’État qui
a conduit en prison les principaux dirigeants de la Coordination, dont
Hector
Llaitul et José Llanquileo.

Quand la marche s’est dissoute, après avoir parcouru cinq pâtés de
maisons,
entourée d’un important dispositif anti-émeutes, les loncos Jorge et
Fernando nous
ont emmenés jusqu’à leur communauté. Près de l’un des villages de la
zone, dans une
espèce de clairière entre les pins, une poignée de maisons précaires
forment la
communauté Pablo Quintriqueo, « un indigène hispanisé qui vivait dans
cette région
vers 1800 », explique Mari, assistante sociale mapuche qui vit à
Concepción. A la
surprise de ceux qui ont visité des communautés andines ou mayas, elle
ne comprend
que sept familles et s’est formée il y a seulement huit ans ; le petit
potager
derrière les maisons ne peut ravitailler plus de 30 personnes.

Faisant circuler un maté, ils expliquent. Les familles avaient émigré à
Concepción
et laissé les terrains de leurs ancêtres sur lesquels ils étaient nés
et avaient
vécu jusqu’à il y a une décennie. Mari s’est mariée avec un huinka
(blanc), elle a
deux enfants et un bon emploi. Beaucoup de jeunes, comme Hector
Llaitul,
aujourd’hui emprisonné à Angol, se sont diplômés à l’Université de
Concepción et
ont ensuite créé des organisations en défense de leurs terres et
communautés. Quand
les forestiers empiétèrent sur leurs terres, ils y retournèrent pour
les défendre.
« Ce sont au total 1 600 hectares qui sont l’objet du conflit rien que
dans cette
communauté », assurent-ils.

Il n’est pas simple de comprendre la réalité mapuche. Le lonco Jorge,
35 ans, un
des plus jeunes du groupe, donne une piste en signalant que « le projet
de
restructuration du peuple mapuche passe par la récupération du
territoire ». De là
on peut déduire que les mapuches vivent une période que d’autres
peuples indigènes
du continent ont connu il y a un demi-siècle, quand ils s’assurèrent la
récupération et le contrôle de terres et de territoires qui leur
appartenaient
depuis des temps immémoriaux. En second lieu, tout indique que la
défaite mapuche
est encore trop proche (à peine un siècle) comparée aux trois ou cinq
siècles
passés depuis l’irruption des Espagnols ou la défaite de Tupac Amaru,
selon la
chronologie que l’on préfère. La mémoire de la perte de l’indépendance
mapuche est
encore très fraîche, et cela est peut-être le motif d’une tendance qui
se répète
dans les conversations : à la différence des aymaras, quechuas et
mayas, les
mapuches se mettent dans une position de victimes qui, bien que juste,
s’avère
incommode.

José Huenchunao affirme que les communautés vivent une nouvelle
situation du fait
du désespoir existant. Et il lance un avertissement qui ne semble pas
démesuré : «
Si cette administration politique, si les acteurs de la société civile
ne prennent
pas en compte notre situation, les conflits qui étaient isolés vont se
reproduire
avec plus de force et de manière plus coordonnée. Cela peut être
beaucoup plus
grave, cela peut avoir un coût beaucoup plus grand pour cette société
que de rendre
une certaine quantité de terres, qui est le minimum que les communautés
réclament.
» [6]

Pour les Chiliens de « tout en bas », il n’est pas évident que la
démocratie
électorale ait amélioré leurs vies. « La stratégie politique de la
Concertación
[Concertation des partis politiques pour la démocratie, ndlr], tout au
long de ses
seize années de gouvernement, a été tournée vers ’le changement
politique et social
minimal’ et vers l’extension et l’approfondissement du capitalisme
néolibéral dans
toutes les sphères de la société. L’administration ‘concertationniste’
a plus
gouverné le marché que la société, accentuant ainsi la très mauvaise
distribution
des revenus, et faisant de la société chilienne - derrière le Brésil -
la société
la plus inégalitaire du continent latino-américain », assure le
politologue Gomez
Leytón [7].

Mais il y a des symptômes clairs qui montrent que le temps de la
Concertación est
en train de s’épuiser. Il est possible, de plus, que l’appréciation de
Henchunao
soit juste. La longue résistance du peuple mapuche non seulement ne
s’est pas
éteinte, mais elle renaît toujours en dépit de la répression.
Néanmoins, ces
dernières années, au sud du Bío Bío, les mapuches ne sont pas seuls à
résister au
modèle néolibéral sauvage. Les pêcheurs artisanaux de Mehuin et les
agriculteurs
qui voient leurs eaux contaminées ont déjà réalisé diverses
protestations. Début
mai, les carabiniers ont tué un ouvrier forestier, Rodrigo Cisternas,
qui
participait à une grève pour l’augmentation des salaires. [8]

Ce fait représente peut-être le commencement de la fin de la
Concertación. Durant
plus de 40 jours, les ouvriers de Bosques Arauco, propriété du Groupe
Angelini
située dans la région Bío Bío, ont fait une grève à laquelle ont
participé trois
syndicats représentant 6 000 travailleurs. Comme l’entreprise avait
accumulé des
profits de 40%, les ouvriers réclamèrent une augmentation des salaires
du même
pourcentage. Après de longues et inutiles négociations, ils en vinrent
à la grève.
Ils encerclèrent l’usine où l’entreprise s’était repliée avec ses trois
équipes
pour faire échouer la grève. « Voyant que les carabiniers s’amusaient à
détruire
leurs véhicules, les ouvriers se sont défendus en utilisant du gros
outillage,
c’est alors que les carabiniers ont assassiné par balle un des
grévistes et en ont
gravement blessé plusieurs autres », déclare un communiqué du Mouvement
pour
l’Assemblée du Peuple (Movimiento por la Asamblea del Pueblo) [9].
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MessageSujet: ...   Résistance Mapuches EmptySam 22 Sep - 12:26

Dans les derniers mois, le gouvernement de Michelle Bachelet a ouvert
trop de
fronts. Au conflit avec le peuple mapuche s’ajoute la protestation
estudiantine
contre la loi d’éducation qui a provoqué l’année dernière des
manifestations de
centaines de milliers de jeunes. Au début de cette année a éclaté un
conflit non
résolu en raison de la restructuration des transports publics à
Santiago, puisque
la mise en route du Transantiago [10] porte préjudice aux secteurs
populaires.
S’ajoute à cela la mort d’un ouvrier dans une région chaude. Il est
possible que,
comme cela a déjà eu lieu dans d’autres pays de la région, la
population chilienne
ait commencé à tourner la page du néolibéralisme sauvage.

La démocratie contre les mapuches

Un ministre de Pinochet se vantait en disant qu’ « au Chili il n’y a
pas
d’indigènes, il n’y a que des Chiliens ». En conséquence, la dictature
édicta des
décrets pour mettre fin aux exceptions légales en faveur des mapuches
et introduire
le concept de propriété individuelle de leurs terres. Mais « priver le
peuple
mapuche de sa reconnaissance en tant que tel a renforcé l’identité
ethnique »,
signale Gabriel Salazar, récent lauréat du Prix national d’Histoire.

Au début des années 80 on a assisté à une « explosion sociale » du
peuple mapuche
en réponse aux décrets de 1979 qui permirent la division de plus de 460
000
hectares de terres indigènes. « La division - relève Salazar - ne
respecte pas les
espaces qui ont toujours été considérés communs et qui étaient
fondamentaux pour la
reproduction matérielle et culturelle du peuple mapuche, comme les
zones destinées
aux bois, aux pâturages et aux cérémonies religieuses. L’augmentation
de la
population, jointe à la réduction de son territoire, ont contribué à
’vider’ les
communautés de leurs gens et de leur culture ».

La démocratie n’a pas non plus été généreuse avec le peuple mapuche. Si
la
dictature voulait en finir avec eux, misant sur la conversion d’indiens
en paysans,
avec le gouvernement de la Concertación (à partir de 1990) de nouvelles
attentes
firent leur apparition. Le président Patricio Aylwin créa des espaces
et donna son
appui à une loi qui fut débattue au Parlement. Néanmoins, à la
différence de ce qui
s’est produit dans d’autres pays du continent, en 1992, le Parlement
rejeta la
convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) [11]
et la
reconnaissance constitutionnelle des mapuches comme peuple, telle que
stipulée par
les Nations unies.

Actuellement, « le monde indigène rural est partie constituante de la
pauvreté
structurelle du Chili », assure Salazar. En 1960, chaque famille
mapuche avait une
moyenne de 9,2 hectares alors que l’État soutenait qu’il fallait 50
hectares pour
vivre « dignement ». Entre 1979 et 1986, on en était à 5,3 hectares,
superficie qui
est aujourd’hui de seulement 3 hectares par famille. Sous la dictature,
les
mapuches ont perdu 200 000 des 300 000 hectares qui leur restaient.
L’avancée des
entreprises forestières et hydro-électriques sur leurs terres a
provoqué une
augmentation exponentielle de la pauvreté et de l’émigration.

Désespérées, beaucoup de communautés envahissent les terres dont se
sont emparées
les entreprises forestières, et pour cela sont accusées de « terrorisme
». La Loi
antiterroriste de la dictature continue à être appliquée contre les
communautés
pour incendie de plantations, blocage de routes et désobéissance aux
carabiniers.
Actuellement il existe des dizaines d’organisations mapuches qui
oscillent entre
collaboration avec les autorités et l’autonomie militante, et il faut
souligner la
naissance de nouveau groupes de caractère urbain, en particulier à
Santiago, où
résident plus de 40% du million de mapuches qui vivent au Chili selon
le
recensement de 1992.


Raúl Zibechi
12 septembre 2007


Ressources bibliographiques :

- José Bengoa, Historia del pueblo mapuche, LOM, Santiago, 2000.

- Juan Carlos Gómez Leytón : “La rebelión de los y las estudiantes
secundarios en
Chile. Protesta social y política en una sociedad neoliberal
triufante", revue
OSAL, n°20, Buenos Aires, mai-août 2006.

- Alvaro Hilario, Entrevista a Héctor Llaitul, 24 avril 2007.

- José Huenchunao, Carta Abierta desde la cárcel de Angol, 21 mars
2007.

- Sergio Maureira, Entrevista a José Huenchunao.

- Gabriel Salazar, Historia contemporánea de Chile, 5 tomes, LOM,
Santiago, 1999.

- Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales (OLCA),
Aproximación
crítica al modelo forestal chileno, Santiago, 1999.

- Revista Perro Muerto


Notes:

[1] [NDLR] La dictature a réorganisé le Chili en 12+1 regiónes, des
sous divisions
administratives. Santiago, la capitale, est une région à part entière :
la región
metropolitana.

[2] Entretien avec Héctor Llaitul.

[3] Lettre de José Huenchunao depuis la prison.

[4] José Bengoa, Historia del pueblo mapuche.

[5] Idem, p. 41.

[6] Entretien avec José Huenchunao.

[7] Juan Carlos Gómez Leytón, ob. cit.

[8] [NDLR] Lire à ce Rodrigo Sáez, Marisol Facuse, Répression du
mouvement social
au Chili : « Arauco tiene una pena », RISAL, 25 mai 2007 :
http://risal.collectifs.net/spip.ph....

[9] Communiqué du 5 mai 2007 sur www.piensachile.com.

[10] [NDLR] Lire à ce sujet Antoine Casgrain, Santiago a le mal des
transports,
RISAL, 18 juin 2007 : http://risal.collectifs.net/spip.ph....

[11] [NDLR] La Convention 169 de l’Organisation internationale du
travail ou
Convention relative aux peuples indigènes et tribaux est le seul
instrument légal
adopté par la communauté internationale pour protéger les droits des
peuples
indigènes et tribaux. Elle établit des lignes directrices pour
favoriser une
approche participative en matière de prise de décisions, favorisant
ainsi
l’autodétermination de tout peuple indigène, tout en fixant des buts,
des priorités
et des normes minimales.


En cas de reproduction de cet article, veuillez indiquer les
informations ci-dessous:
Source : IRC Programa de las Américas (http://www.ircamericas.org), mai
2007.

Traduction : Gérard Jugant et Fausto Giudice, membres de Tlaxcala
(http://www.tlaxcala.es/), le réseau de traducteurs pour la diversité
linguistique.
Traduction revue par l’équipe du RISAL.


GLOSSAIRE

Aylwin, Patricio
Patricio Aylwin, homme politique chilien, démocrate-chrétien. Il fut
président du
Chili de 1990 à 1994, après la dictature, pour le Concertación.

Banque Interaméricaine de Développement (BID)
Institution financière régionale créée en 1959 pour promouvoir le
développement
économique et social de l’Amérique latine et des Caraïbes. Elle compte
46 membres :
26 d’Amérique latine et des Caraïbes, les Etats-Unis, le Canada et 18
pays
extrarégionaux. Sa plus grande autorité est l’Assemblée de gouverneurs
formée des
ministres des Finances de chaque pays.
Le pouvoir de vote est déterminé par les actions de chacun : l’Amérique
latine et
les Caraïbes, 50 % ; les Etats-Unis, 30 % ; le Canada, 4 % ;
l’Argentine et le
Mexique ont la même quantité d’actions que les Etats-Unis.
Entre 1961 et 2002, la BID a accordé des prêts à hauteur de 18,823
milliards de
dollars : 51 % à des projets énergétiques, 46 % au transport terrestre
et 3 % aux
télécommunications, au transport maritime, fluvial et aérien. Le Brésil
a obtenu 33
% des ressources.

Cacique
Le terme "cacique" désigne, en ce qui nous concerne , le notable, chef,
leader,
détenteur du pouvoir d’un communauté et / ou d’un peuple indien.

Concertation des partis politiques pour la démocratie
La Concertación de Partidos por la Democracia (CPD) est la coalition
démocrate
chrétienne et socialiste qui dirige le Chili depuis la fin de la
dictature. Ladite
CPD, ou Concertación, a d’abord réuni 17 partis autour de Patricio
Aylwin,
démocrate-chrétien, du Partido Demócrata Cristiano (DC), qui remporta
les élections
de 1989. Eduardo Frei, du même parti, lui succéda en 1993, puis ce fut
le tour du
président Ricardo Lagos, Partido Socialista de Chile (PS) et ancien
ministre sous
les précédents mandats, d’accéder à la présidence en 2000. Depuis mars
2006, C’est
Michelle Bachelet qui préside le pays. La CPD est actuellement formée
des
organisations suivantes : le Parti socialiste du Chili, le Parti pour
la démocratie
(PPD), le Parti radical social démocrate, le Parti démocrate-chrétien.

Pampa
La Pampa est une vaste plaine qui s’étend sur une superficie de 650 000
km². Elle
ne présente pas de relief sensible et les eaux de pluie se concentrent
dans de
vastes zones déprimées. Limitée au nord par la région du Chaco, à l’est
par le Rio
Parana, au sud par le Rio Colorado et à l’ouest par les Andes, c’est
une zone où
règne une intense activité agricole et d’élevage. C’est également le
pays des
Gauchos. Sa partie orientale est nommée Pampa humide et sa partie
occidentale Pampa
sèche. Buenos Aires, capitale de l’Argentine, se trouve dans cette
région.

Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine |
http://risal.collectifs.net/spip.php?article2322
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