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 antifascisme

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caserio
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caserio


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MessageSujet: antifascisme   antifascisme EmptySam 16 Avr - 11:38

Histoire/article
L'antifascisme du XXIe siècle à construire d'urgence


CHARLES HEIMBERG

Paru le Mardi 25 Janvier 2005



. JOURNÉE DE LA MÉMOIRE - Un travail de mémoire collectif sur la Shoah et tous les crimes contre l'humanité reste nécessaire, notamment en vue d'élaborer un nouvel antifascisme centré sur les droits humains, à l'échelle planétaire.

Quinze ans après la fin de la guerre froide, les démocraties européennes ne parviennent pas à se débarrasser de ces mouvements populistes dont les idées démagogiques renouent en partie avec celles qui ont mené le monde au désastre en plein XXesiècle. Il en est même, comme récemment en Belgique ou dans l'est de l'Allemagne, qui ont encore connu d'inquiétants succès électoraux locaux. En Suisse, la pression xénophobe de l'UDC ne manque pas non plus d'inquiéter. Et l'on observe ces petits groupes de jeunes «identitaires» qui propagent des discours de haine rappelant ceux qui ont caractérisé ces fascismes qui les fascinent. Le Conseil de l'Europe a mis en place, chaque 27 janvier, le jour de l'anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, une Journée de la Mémoire de l'Holocauste et de la prévention des crimes contre l'humanité. Elle est d'autant plus importante en cette année 2005 qu'elle marque les 60 ans de cette libération. Certes, voilà une journée européenne qui s'ajoute à beaucoup d'autres, toutes dédiées à des causes tout à fait justifiées. Mais elle n'est pas vraiment comme les autres.


LA SUISSE CONCERNÉE

La Shoah, ce fut l'extermination systématique, au moyen d'une organisation industrielle, au nom de théories raciales insoutenables, de millions de juifs européens, mais aussi de Tsiganes. Cet événement effroyable a eu lieu au coeur de l'Europe, au XXe siècle, en pleine expansion de la modernité. Qui plus est, il est régulièrement l'objet de tentatives de négation ou de minimisation rendant le devoir d'histoire et le travail de mémoire d'autant plus indispensables.
La Suisse n'a pas participé à ce crime de masse, mais elle s'est retrouvé entourée par ceux qui l'ont perpétré, en contact immédiat avec eux. Le 22 mars 2002, alors qu'il présentait les travaux de la Commission indépendante d'experts qu'il avait présidée, le professeur Jean-François Bergier a fait valoir que quand elles pratiquaient une politique d'accueil des réfugiés trop restrictive, les autorités suisses de l'époque connaissaient le sort réservé aux victimes du national-socialisme. «Elles savaient aussi qu'une attitude plus flexible et généreuse n'eût pas entraîné de conséquences insupportables, ni pour la souveraineté du pays, ni pour le niveau de vie, fût-il précaire, de ses habitants.» C'est dans ce sens, précisait-il, que «la politique de nos autorités a contribué à la réalisation de l'objectif nazi le plus atroce, l'Holocauste».


POPULISMES MENAÇANTS

Cette journée européenne du 27 janvier a beaucoup de sens parce qu'un travail de mémoire collectif sur la Shoah et tous les crimes contre l'humanité reste tout à fait nécessaire. Non pas pour sacraliser des récits mémoriels refermés sur eux-mêmes et peu soucieux de leur valeur universelle. Mais parce que le fait même qu'une telle horreur fût un jour possible nous impose d'interroger constamment nos valeurs et de considérer les droits humains en reliant l'expérience collective du passé, les choix du présent et l'horizon de l'avenir.
Le monde d'aujourd'hui peut-il faire l'économie d'un antifascisme du XXIe siècle centré sur les droits de la personne à une échelle planétaire? L'air du temps n'y est pas forcément favorable et tous les acteurs de la démocratie n'y accordent pas la même importance. Toutefois, l'histoire, loin d'être finie, dialogue avec les mémoires et se construit à partir des questions du présent. Le succès actuel des populismes et de leurs mécanismes de haine – stigmatisation de certains boucs émissaires, replis identitaires, mépris de la culture, etc. – pose de graves problèmes pour notre temps. La démocratie les affronte dans le contexte socialement tendu d'un ultralibéralisme économique. Sans rien négliger du passé, mais sans mettre pour autant tous ses drames et violences sur un même plan, une mise en perspective historique d'ensemble ne peut qu'être utile à l'avenir, en rapport avec l'ici et maintenant.


HONORER OU RÉCUSER

«Je pense que ma génération doit assumer une responsabilité prospective bien précise: ne pas laisser l'histoire du XXe siècle se noyer dans une mer d'indistinction. Il serait dérisoire de considérer que le privilège d'être nés après (la Seconde Guerre mondiale, ndlr) nous affranchirait du devoir de décider ce que nous sommes en nous rappelant d'où nous venons. Certes, on ne choisit ni ses parents, ni ses ancêtres: l'histoire nous les assigne irrévocablement. Mais il nous est donné de choisir quels ancêtres honorer ou récuser; et il nous est permis d'assister jusqu'au bout les parents que nous avons des raisons de considérer comme les plus chers.»
Ces propos sont tirés d'un petit livre que l'historien italien Sergio Luzzatto vient de consacrer à la crise de l'antifascisme1. Ils proviennent d'un pays où certains voudraient honorer sans distinction la mémoire des jeunes Italiens qui perdirent la vie dans la bataille d'El-Alamein (en 1942), alors qu'ils étaient engagés dans le camp des fascismes, et celle de ceux qui furent massacrés par les nazis à Céphalonie (en 1943, juste après l'Armistice entre l'Italie et les Alliés) pour ne pas avoir voulu rejoindre les troupes allemandes. L'auteur dénonce ainsi une manipulation de l'histoire qui consiste à réconcilier de force des mémoires antagonistes, et des expériences profondément différentes, dans un discours conformiste prétendument neutre.
Certes, la tradition de l'antifascisme ne devrait surtout pas se réduire à des rituels. Et il lui est arrivé d'être instrumentalisée à l'époque de l'Union soviétique. Comme le souligne Luzzatto, le «socialisme réel» qui prévalait au-delà du Rideau de fer a encaserné les corps et tué les idées. Son bilan est désormais connu. Mais il s'agit aujourd'hui, dans le monde tel qu'il est, de raviver l'actualité de l'antifascisme pour que l'histoire et la mémoire des régimes fascistes, de leurs origines et de leur terrible aboutissement, mais aussi celles de toutes les dérives autoritaires, restent bien présentes dans la conscience collective des démocraties.


ÉVITER L'IMPASSE

Dans leurs perceptions du passé, les Grecs anciens ont eu recours à l'image du labyrinthe et en particulier à la difficulté d'en ressortir. «Retrouver ces traces, remonter le fil d'Ariane, nous dit l'historien des religions Philippe Borgeaud, c'est parcourir un trajet régressif par lequel on tente d'abolir l'oubli, de vaincre le pouvoir du temps». Il ajoute que «cette conscience de l'oubli motive la quête – l'errance – qui durera jusqu'au retour du premier temps: celui de la mémoire»2. Ce serait en effet nous condamner à l'errance que de négliger la nécessité du travail de mémoire de la Shoah et des fascismes, que de ne rien faire pour préparer le temps où leurs témoins directs ne seront plus là. Ce serait mener les démocraties dans une impasse que de ne pas leur faire prendre en compte ces réalités du passé pour préparer un présent et un avenir où ne se répètent plus de telles horreurs. D'où l'intérêt, d'où la nécessité de cette journée du 27 janvier.

Note : 1La crisi dell'antifascismo, Turin, Einaudi, 2004.
2Exercices de mythologie, Genève, Labor et Fides, 2004.
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