DIDIER ESTOPPEY
PROJET - Un groupe devrait se constituer le 8 juin pour créer une structure d'observation et d'intervention contre les abus policiers.
«La police est une chose trop importante pour qu'on décide de son rôle dans un bureau, à l'abri de tout regard de la population». Jeune avocat, Pierre Bayenet a pu se forger cette conviction il y a tout juste deux ans, en marge du sommet du G8 à Evian: il avait alors joué un rôle actif dans le groupe «antirépression» constitué dans l'entourage du Forum social lémanique. Mais depuis lors, la polémique née autour des interventions de la police est une quasi constante, et Pierre Bayenet songe à pérenniser l'expérience acquise durant le G8.
Ce week-end encore, Genève a été le théâtre d'un spectaculaire déploiement de forces policières à l'occasion du passage de la «Caravane hors contrôle» et de l'éphémère occupation d'un immeuble de la rue de l'Arquebuse. Trois membres de la caravane ont par ailleurs subi une arrestation musclée jeudi soir lors d'une manifestation devant le centre de détention pour requérants déboutés de Frambois. Libérés samedi et lundi, ils sont inculpés de participation à émeute et de violences contre la police. «C'est tout de même incroyable, constate Michel Caillat. Ces gens ont traversé toute la Suisse sans rencontrer l'ombre d'un problème. Ils arrivent à Genève, et la police donne l'image d'une ville en état de siège...»
Au service de tous
Ce militant genevois sera présent, le 8 juin[1], aux côtés de ceux qui veulent constituer, autour de Pierre Bayenet, une structure d'observation et d'intervention contre les abus policiers, sur le modèle du groupe zurichois «Augenauf». L'idée étant d'agir sur deux axes: le lobbying politique en vue d'une meilleure police et d'une lutte contre l'impunité d'une part, la défense individuelle des victimes de violences policières d'autre part.
Pourquoi constituer un tel groupe aujourd'hui? «Le durcissement de la répression policière est visible, beaucoup de gens s'en inquiètent et nous ont approchés pour nous demander de faire quelque chose, répond Pierre Bayenet. Nous partons donc du principe que ces gens seront prêts à se mobiliser, à retrousser leurs manches à nos côtés».
Le contrôle de plus en plus serré des manifestations ou des milieux de squatters, tout comme les bavures ou les dérapages racistes dont est de plus en plus souvent accusée publiquement la police, sont les problèmes les plus souvent mis en avant par ceux qui la critiquent. «Mais nous ne voulons pas sélectionner les victimes, assure Pierre Bayenet. Il y a beaucoup d'autres cas graves dont on parle moins, et nous aimerions aussi être au service des Genevois sans histoire qui ont parfois maille à partir avec les forces de l'ordre.»
Propositions concrètes
Même si le groupe n'est pas encore constitué, plusieurs idées concrètes circulent déjà pour améliorer le comportement de la police: rendre obligatoire le port du matricule, constituer des commissions parlementaires à chaque allégation de violences policières, remplacer le chef de la police par un conseil de la police auquel serait associée la population... L'interdiction d'armes non létales telles les balles en caoutchouc ou les grenades assourdissantes, qui font de plus en plus de dégâts dans les manifestations, devrait aussi figurer au nombre des objectifs du groupe.
«Mais il faudra alors qu'on trouve des alternatives à ces armes, admet Pierre Bayenet. Formuler des propositions concrètes devra aussi faire partie de notre travail. Nous voulons aussi nouer des contacts avec la police, mieux comprendre son point de vue, comment elle vit les difficultés qu'elle rencontre sur le terrain. Car nous n'avons rien contre la police, il est évident qu'on ne peut s'en passer. Nous voulons simplement qu'elle soit l'objet d'un meilleur contrôle démocratique.»
Paru dans Le Courrier du 1.06.05
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