VALAIS - L'écrivain de Beuson livre un polar inspiré par un fait divers des années 1840. En doyen des anars romands, il continue à malmener les hypocrites de haut vol.
«Elle s'appelait Marie-Thérèse Seppey...»[1]: c'est sous ce titre apparemment anodin que l'auteur anar de Beuson Narcisse Praz raconte une histoire dont lui seul semble avoir le secret dans un Vieux-Pays qui n'en manque pourtant pas. Car cet écrivain valaisan hors norme, en témoin critique de l'histoire de son canton, n'a eu de cesse d'en découdre avec certains us et coutumes de l'époque. De ceux qui vous foudroient, si ce n'est une vie, du moins une innocence, en toute impunité, dans les alcôves feutrées de la noblesse ou du clergé.
Or donc, Narcisse Praz, fondateur dans les années 1970-80 de journaux satiriques comme Le Crétin des Alpes ou La Pilule, livre cette fois une romance policière basée sur des faits divers historiques. Dans ce que l'auteur qualifie lui-même de polar de moeurs, une femme, son amant et leur complice règlent son compte de façon préméditée et sordide au noble mari cocufié, jugé à la fois trop puissant et impuissant par le couple adultérin. Début 1842, le trio infernal fut reconnu coupable de meurtre et guillotiné publiquement sur un échafaud installé «près du pont du Rhône à Sion».
Récits historiques, expériences personnelles et témoignages d'anciens à l'appui, Narcisse Praz, né en 1929, romance donc ici la biographie de Marie-Thérèse Seppey, dite Maïté. «Je ne revendique nullement le roman historique, insiste-t-il, même si je me suis basé sur des faits rigoureusement authentiques pour écrire ce roman».
Narcisse Praz fait donc travailler son imagination pour cimenter la trame de façon la plus plausible qui soit. Ainsi crée-t-il –entre autres– le personnage de l'inspecteur Delasoie, chargé de l'enquête sur ce meurtre. «Il aimait le théâtre, raconte Narcisse, et il s'était fait une réputation du tonnerre de dieu lorsque, déguisé en confesseur itinérant, il obtenait les aveux des criminels, dont ceux de Maïté...» Et l'écrivain d'avouer: «Un personnage voltairien, ce Delasoie, ce en quoi il me ressemble!». Clin d'oeil malicieux à son formidable vécu, lequel le vit notamment à Genève, dans les années 70, se faire déloger par la maréchaussée des parcmètres auxquels il s'était enchaîné plusieurs jours afin de dénoncer l'escroquerie et le despotisme étatiques ambiants.
Au-delà de la cruelle mais banale histoire d'un assassinat de notable, le romancier valaisan dépeint surtout, dans son nouveau livre, les us, coutumes et autres moeurs pratiqués en Valais, en des temps pas si lointains et malgré l'instauration récente de la République en 1815, par les tenants du pouvoir: l'aristocratie et le clergé. Surviennent alors, au détour d'une page, les curieuses méthodes de certains curés qui donnaient à leurs servantes, enceintes de leurs propres oeuvres, la potion abortive magique qui allait effacer toute trace du péché. «Au XIXesiècle, illustre l'auteur, 73 infanticides ont été dénoncés en Valais. Leurs auteurs étaient surtout des notables bourgeois et des ecclésiastiques qui avaient pris de force les pauvres filles qui travaillaient à leur service.»
Raymond Vouillamoz, ancien patron des programmes de la télé romande, va d'ailleurs fêter ses retrouvailles avec la réalisation en adaptant ce roman de Narcisse Praz. Les droits ont été rachetés par la TSR et France2. Le scénario, qui n'a d'ailleurs plus grand-chose à voir avec l'intrigue imaginée par l'écrivain valaisan, ne prévoit plus une fin aussi «tranchante» pour les amants infernaux. «Nous ne pouvions pas raconter en 90 minutes un tel foisonnement d'actions et de personnages étalés sur autant d'années. Et, de toute façon, je me suis tellement attaché à cette femme en avance sur son temps que je ne pouvais décemment pas la laisser exécuter à la fin», s'excuse Raymond Vouillamoz. Le tournage du téléfilm démarrera le 8 août prochain dans les régions de Sierre et d'Evolène.
BERNARD LUISIER
Paru le Samedi 09 Juillet 2005
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