LES PAYS DE COCAGNE
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LES PAYS DE COCAGNE

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 cuba libre

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buenaventura
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buenaventura


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MessageSujet: cuba libre   cuba libre EmptySam 8 Oct - 17:09

Réflexion sur la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone et la
nouvelle
gauche latino-américaine

Le 1er janvier 1994 entrait en vigueur le Traité de libre-échange
conclu
entre les USA, le Canada et le Mexique, mais avec le nouvel an
entrèrent
également en scène "le feu et la parole" des rebelles zapatistes,
surgis
des profondeurs de la lointaine et oubliée forêt Lacandone pour
troubler
la fête des puissants. À l’époque, le monde entier semblait s’acheminer
paisiblement vers une prétendue "fin de l’histoire", quasiment sans
heurts ni contestations énergiques. Il le faisait en empruntant le pas
à
la "mondialisation" et au néolibéralisme, c'est-à-dire – chose que l’on
voudrait nous faire oublier, sous prétexte que ces seuls mots
expliqueraient tout – en maintenant les structures qui existent
actuellement, mais cette fois assumées de façon hégémonique par le
système étatique de quadrillage des peuples et du capitalisme
transnational ne constituant rien d’autre que les méthodes de
domination
et d’exploitation à grande échelle qui prévalent aujourd’hui. Dans un
tel
contexte si peu porté à l’espoir, l’irruption des zapatistes fut une
véritable injection d’air frais apportant en outre la confirmation
tonitruante du fait que l’histoire continuait et que rien n’avait
stoppé
la lutte des peuples – confirmation déjà donnée, naturellement, par
d’innombrables mais moins visibles signes de résistance sur toute la
surface du globe. C’est de la sorte que les regroupements de gauche de
tout poil ont salué dès le début l’insurection zapatiste et c’est ainsi
qu’elle fut accueillie également par le Mouvement libertaire cubain,
qui a
contribué au lancement de plusieurs projets communautaires dans la
forêt
Lacandone, tels que l’École antiautoritaire 1er Mai ou le Campement de
solidarité directe Martyrs de Chicago. Pour nous, aujourd’hui comme
alors, l’émergence et le développement de l’Armée zapatiste de
libération
nationale, ainsi que son activité et ses résultats, doivent être
compris
et doivent accaparer toute notre attention en tant qu’émergence et
constitution d’une nouvelle gauche révolutionnaire latino-américaine.
C’est la composition, le profil et les orientations d’une telle
constellation de groupes et de pratiques rebelles qui constituent
notre
préoccupation première. Et c’est dans ce même cadre que s’inscrit notre
prise de position sur la trajectoire de l’EZLN et la récente Sixième
Déclaration de la forêt Lacandone sur laquelle elle a débouché, au même
titre que leur traitement et leurs conséquences. L’objet de ce texte
est
donc de définir notre position et d’émettre notre opinion, avec toute
la
solidarité et le respect que le mouvement zapatiste s’est acquis par
son
propre mérite, et dont toute proclamation supplémentaire est inutile,
mais
sans faire pour autant l’économie – ce qui serait faire preuve de
démagogie et d’opportunisme – de commentaires critiques qui nous
semblent
des plus opportuns pour contribuer au lent et laborieux travail de
consolidation d’une nouvelle gauche révolutionnaire latino-américaine.


Quelle gauche ? Et où la trouvera-t-on ?

Commençons par le commencement en répondant à la première des questions
qui vient à l’esprit : qu’est donc cette nouvelle gauche
révolutionnaire
latino-américaine dont nous parlons ? Tout indique qu’il s’agit que de
cette gauche qui, loin d’avoir renoncé dans les mots comme dans les
faits
à l’utopie, trouve en elle, en dépit de tout, son principe moteur.
Utopie
que l’on peut définir à grands traits comme un tissu de relations de
coexistence entre individus libres, égaux et solidaires, une utopie
capable de renouer avec ses lointains et vénérables précédents
authentiques et de les exalter de nouveau sans omettre leurs
nécessaires
révision et mise à jour. C’est une gauche qui s’alimente non seulement
de
la plénitude à laquelle elle aspire, mais aussi du vide extérieur, et
qui
germe sur le vaste terrain vague et lieu de désespoir ouvert par les
échecs retentissants du "socialisme réel" et de la défection de
l’anti-utopie néolibérale qui l’accompagne. Une gauche qui a appris à
débusquer les sentiers étriqués et caducs – et à s’en défier – propres
autant de l’avant-gardisme guérillero entraînant la création d’un parti
unique fomentant l’exclusion que du populisme civil et militaire et du
réformisme adepte ou s’inspirant de l’idéologie sociale-démocrate. Une
gauche qui ne se sent représentée par aucune autorité "révolutionnaire"
et
remet en question le concept même de "représentation", une gauche qui
cherche sa voie entre les clameurs du "¡Que se vayan todos!" argentin
["Qu’ils s’en aillent, tous !"] et le murmure grandissant de qui veut
"changer le monde sans prendre le pouvoir". Une gauche qui prône
l’autonomie indiscutable des mouvements sociaux de base comme matrice
d’un monde nouveau et voit dans l’autogestion et l’action directe ses
raisons d’être les plus authentiques. Une gauche dont l’EZLN veut
sûrement
faire partie et en qui, inversement, cette gauche a trouvé une de ses
expressions la plus visible.

Cela dit, ni cette nouvelle gauche ni l'EZLN ne sont des édifices
achevés
qui répondraient à un plan de construction mûri et rigoureux Ils
doivent
au contraire être compris comme des travaux en cours, interrompus ici
et
là par des moments de doutes inévitables et parsemés d’inventions
reposant sur les besoins d’une pratique rageusement antagoniste. Par
exemple, l’EZLN ne peut se comprendre que si elle est conçue comme un
mouvement de guérilla de transition. Ses origines sont dans une
certaine
mesure empreintes des constantes propres aux guérillas
latino-américaines
des années 60 et 70, où l’on retrouve la "libération nationale" comme
principe fondateur, l’orgueil de se nommer et de se vivre comme une
"armée", la mystique des "commandances", certaines réminiscences
symboliques, etc. – constantes qui n’ont pas précisément été
couronnées
de succès et que l’EZLN ne semble pas encore avoir critiquées en
profondeur. Cependant, le contexte même d’intervention de l’EZLN l’a
conduite à adopter un profil qui ne répond plus désormais à l’ancien
modèle, et ce, pas seulement parce que sa "guerre de libération", au
sens
classique du terme, n’a pas duré plus de douze jours, mais parce que
deux
ans plus tard, dès le 1er janvier 1996, dans la Quatrième Déclaration,
l’EZLN nous donnait l’agréable surprise d’appeler à la formation d’une
"force politique qui ne soit pas un parti politique" et de stipuler
clairement qu’elle n’aspirait pas à prendre le pouvoir. Pour le dire
dans
notre propre terminologie, ce n’est ni le vieil avant-gardisme
guérillero
ni le réformisme social-démocrate et – encore moins, bien entendu –
les
mânes d’un populisme salvateur, que l’on imagine mal survivre dans
l’anonyme quotidien de la forêt Lacandone.

Il se trouve que ce qui commençait en 1996 à acquérir la plus haute
importance pour les zapatistes est précisément ce que nous voulons
relever tout particulièrement, ce qui est pour nous la pierre milliaire
de
la nouvelle gauche latino-américaine : l’autonomie des mouvements
sociaux
de base ; autonomie constituée, au niveau du rayon d’action de l’EZLN
au
Chiapas, par les communautés des peuples autochtones.


Marches et contre-marches du zapatisme
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buenaventura
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buenaventura


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MessageSujet: .   cuba libre EmptySam 8 Oct - 17:10

La trajectoire accidentée de l’EZLN a donc vu dès le départ cohabiter
ombres et lumières. Voulant se donner de l’air, ce qui se comprend, et
cherchant à étendre les répercussions de sa lutte à l’ensemble de
l’État
mexicain, l’EZLN a alterné ou fait cohabiter appels du pied et regards
chargés d’une relative confiance envers les institutions dominantes,
avec
la consolidation et l’expansion du développement régional de son
autonomie. Les lumières n’ont débouché que sur une reconnaissance
médiatique, sur des accords qui ne furent pas respectés, sur des
ajournements, des atermoiements et des échecs ; les ombres, au
contraire,
ont consolidé son implantation dans sa sphère d’influence directe.
Ainsi,
tandis que les feux de la rampe ont conduit à la formation épisodique
de
grandes superstructures politiques qui allaient être volontairement ou
involontairement livrées à la dynamique de l’État ou à son
environnement
implicite d’intervention, puis furent piégées dans les mailles de ses
filets d’acier (la Convention nationale démocratique, le Mouvement de
libération nationale, la Commission de concorde et de pacification,
etc.), le travail souterrain, lui, allait accorder à partir du mois
d’août
2003 un plus grand rôle aux communautés zapatistes et permettre une
redéfinition de l’EZLN fort probablement salutaire – l’EZLN cherchant
depuis lors à se cantonner (quoique jamais complètement ni en
fournissant
des efforts suffisamment convaincants dans ce sens) dans le rôle d’un
deuxième piano plutôt que dans celui du premier violon. C’est cette
souplesse dans sa façon de penser la politique et cette dernière ligne
d’action qui a permis la formation de cinq régions autonomes au
Chiapas
et des dénommés (pas d’une manière très heureuse) Conseils de bon
gouvernement. Une nouvelle répartition des rôles qui est loin d’être
résolue et qui a énormément à voir avec les débats et les problèmes de
la
nouvelle gauche révolutionnaire latino-américaine. Ombres et lumières
donc, avec lesquelles l’EZLN a mis en évidence la fusion, sans idée
préconçue, de vieux et de nouveaux éléments, en combinant – chose bien
propre d’un mouvement de transition, comme nous l’avons qualifié –
quelques-unes des pratiques d’une armée de guérilla conventionnelle
avec
les indispensables audaces que réclament les organisations de base dans
l’autoconstruction de leur autonomie. Un jeu d’ombre et lumière qui
n’estpas sans influencer profondément la Sixième Déclaration et
"l’autre
campagne", qu’il convient d’aborder sans plus attendre.

Commençons sur la même longueur d’onde en manifestant notre accord :
s’il
y a bien une chose que l’EZLN ait énoncée en toute clarté dans sa
Sixième
Déclaration de la forêt Lacandone, c’est qu’elle se sent trahie et que
les principaux responsables du fiasco actuel sont les partis politiques
institutionnels, et en premier lieu leurs dirigeants. Les phrases
allant
dans ce sens laissent peu de place à l’exégèse interminable et
emberlificotée : "[…] les hommes politiques ont montré clairement
qu’ils
n’ont pas un gramme de décence et que ce sont des crapules qui ne
pensent
qu’à gagner de l’argent malhonnête, en mauvais gouvernants qu’ils
sont.
Il ne faudra surtout pas l’oublier, parce que vous verrez qu’ils seront
capables de dire qu’ils vont reconnaître les droits indigènes, mais ce
n’est qu’un mensonge qu’ils emploieront pour que l’on vote pour eux,
parce qu’ils ont déjà eu leur chance et qu’ils n’ont pas tenu parole."
Opportunisme et trahison qui sont partout la marque de fabrique et
l’empreinte de la démocratie "représentative", pour parler tout aussi
clairement, et qui ont leur place gravée en relief dans une éventuelle
histoire universelle de l’infamie. Dans une telle situation, il est bon
que l’EZLN cesse une fois pour toutes d’attendre quelque chose du
système
de parti d’État et qu’elle veuille tracer une ligne de démarcation bien
nette et orienter son message dans une autre direction : "[…] un
nouveau
pas en avant dans la lutte indigène n’est possible que si les indigènes
s’unissent aux ouvriers, aux paysans, aux étudiants, aux professeurs,
aux
employés, c'est-à-dire aux travailleurs des villes et des campagnes".
Ou,
pour le dire autrement, en allant encore plus loin et en élargissant
l’éventail des mouvements de résistance : "Dans cette mondialisation
de
la rébellion, il n’y a pas que les travailleurs de la campagne et des
villes, mais il y aussi d’autres gens, femmes et hommes, qui sont très
souvent persécutés et méprisés parce qu’ils ne se laissent pas non plus
dominer : les femmes, les jeunes, les indigènes, les homosexuels, les
lesbiennes, les transsexuels, les migrants et beaucoup d’autres que
nous
ne verrons pas tant qu’ils n’auront pas hurlé que ça suffit qu’on les
méprise et tant qu’ils ne se seront pas révoltés. Et alors nous les
verrons, nous les entendrons et nous apprendrons à les connaître." Un
réseau d’opprimés, d’exclus et de victimes du malheur semble donc être
au
centre des préoccupations et des aspirations de l'EZLN et on ne peut
que
sentir la forêt Lacandone elle-même palpiter derrière de tels mots, des
mots délibérément simples qui ne cessent pas pour autant d’avoir une
signification à la fois proche et profonde.

On peut aussi être presque entièrement d’accord sur ce qui y est
envisagé
pour l’immédiat : une articulation plus ou moins stable de ces
mouvementsde résistance à l’aune d’un programme de gauche de lutte et
le
lancement, collectivement, d’une "campagne nationale pour la
construction
d’une autre manière de faire la politique". Une autre manière de faire
la
politique qui devrait donc être conçue comme radicalement différente de
celle poursuivie de façon insolente et opiniâtre par les partis
parlementaires, toujours embarqués dans une succession rythmée et
spasmodique de promesses séduisantes, d’amnésies inqualifiables et de
justifications surréalistes.

Citons une autre attaque à boulets rouges des zapatistes : "Et les
partis
politiques officiels non seulement ne la défendent pas [la patrie
mexicaine], mais ils sont les premiers à se mettre au service de
l’étranger, principalement des États-Unis. Ce sont eux qui se chargent
de
nous tromper et de nous faire regarder ailleurs pendant qu’ils vendent
tout et gardent la paye pour eux." Un jugement lapidaire et sans appel
que la Sixième Déclaration semble bien étendre avec certaines nuances
au
syndicalisme bureaucratique voué à se vendre : "Et si des travailleurs
étaient dans un syndicat pour revendiquer légalement leurs droits,
c’est
fini, le syndicat lui-même leur dit qu’il faut retrousser ses manches
et
accepter de baisser les salaires ou de diminuer la journée de travail
ou
de perdre la protection sociale parce que, sinon, l’entreprise va
fermer
et va partir s’installer dans un autre pays." Une autre manière de
faire
la politique, donc, sur laquelle les zapatistes ne s’étendent pas trop
mais qui doit certainement être comprise comme le choix de la
démocratiedirecte plutôt que la "représentation" hiérarchisée et
enkystées
; le choix d’une participation active des individus avec leurs
compétences
en jeu plutôt que l’exclusion systématique qui bénéficie toujours aux
technocrates et aux "éminences grises" ; le choix de la sincérité, du
dialogue entre égaux et de l’élaboration partagée de ces rêves qui
devront devenir commun plutôt que cette insensible et absurde foire des
vanités où le simulacre et le mensonge règnent en maître. La Sixième
Déclaration ne le dit pas explicitement, mais on est en droit de le
voir
comme sous-entendu car de telles orientations semblent bien être le
véritable chemin de formation et de développement des communautés
indigènes zapatistes, les traits essentiels de leur existence et de
leur
consolidation.


Changement constitutionnel : une issue ne menant nulle part

Le fait que la Sixième Déclaration ne contienne pas de définitions
outre
mesure ou de programme détaillé et étouffant auquel souscrire est
plutôt
salutaire, étant donné que leur présence constituerait plus une
invitation à l’adhésion pure et simple qu’au dialogue et que les
mouvements sociaux de base de la société mexicaine seraient alors
considérés plus comme un auditoire ou un récipient sans contenu que
comme
un tissu vivant et actif capable de produire ses propres paroles et
ses
propres feux. Il existe cependant un seul élément programmatique que
l’EZLN semble considérer hors de discussion et tacitement consensuel,
un
élément pouvant prêter à l’erreur d’appréciation et à de nombreuses
divergences stratégiques : "une nouvelle Constitution". Sommes-nous
devant une manière elliptique de se référer aux bases constitutives
d’une
nouvelle société mexicaine et, partant, devant une manière d’envisager
les
choses fondée sur la conviction qu’il est nécessaire ni plus ni moins
qu’une subversion radicale des rapports de pouvoir existants ? Ou bien
s’agit-il de rallier les mouvements sociaux autonomes pour une simple
réforme de la Constitution dont les étapes et la règle du jeu sont
d’ores
et déjà prévus dans la réglementation en vigueur, et donc d’emblée
soumises à ces mêmes relations de pouvoir ? L’EZLN semble soudain
soutenir une vision nostalgique de la Constitution mexicaine qui ne
résiste pas à une analyse en profondeur. Voyons un peu : "La
Constitution
est complètement manipulée et changée. Ce n’est plus celle où il y
avait
les droits et les libertés du peuple travailleur, c’est celle des
droits
et des libertés des néolibéralistes pour faire tous leurs profits. Les
juges sont là uniquement pour servir ces néolibéralistes, parce qu’ils
terminent toujours par trancher en leur faveur et que ceux qui ne sont
pas
riches n’ont droit qu’à l’injustice, à la prison et au cimetière."
Soit.
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MessageSujet: .   cuba libre EmptySam 8 Oct - 17:11

Mais le Mexique a-t-il possédé un jour une Constitution qui ait
consacré
réellement, sans conditions restrictives et dans l’acception la plus
stricte des termes, "les libertés du peuple travailleur" ? Ce type
d’appréciations pourrait faire penser que l’EZLN a très bien saisi les
rouages du pouvoir qui caractérisent les partis politiques d’État mais
qu’elle n’a pas suffisamment aiguisé sa compréhension de ceux qui
caractérisent l’État lui-même. Il n’y a pourtant là aucun mystère et,
paraphrasant la prose de Marcos, on pourrait l’exprimer avec des mots
très simples : les partis sont comme ils le sont parce que l’État est
ce
qu’il est.

Que l’État soit une structure spécifique de domination, une forme
hiérarchisée et codifiée des relations sociales de pouvoir et un
appareil
conçu pour se perpétuer lui-même, voilà quelque chose qui devrait être
hors de discussion. Cela admis, la description correcte que l’EZLN
fait
du système de partis d’État ne peut reposer uniquement sur la
malveillance, sur le caractère pervers ou sur la vénalité des
dirigeants
des partis mais doit fonder une part substantielle de son explication
dans le fait que de tels partis visent essentiellement à s’emparer des
rênes de l’État. C’est précisément pour cette raison que les partis
adoptent un fonctionnement qui reproduit exactement, à leur niveau, les
mécanismes de l’État. C’est pour cela qu’ils s’érigent en instance de
contrôle et d’encadrement de leurs affiliés ; c’est pour cela qu’ils
assignent des attributions spécifiques à chacun des organes de leur
structure pyramidale ; et c’est pour cela aussi qu’ils estiment que
leur
propre survie, au-delà de toute considération historique et sociale,
devrait être vécue par les "électeurs" – les leurs et ceux des autres –
comme une bénédiction venue du ciel. Nous, les anarchistes, cela fait
plus de cent trente ans que nous le savons. L’histoire n’a fait que
confirmer ces intuitions déjà anciennes et elle l’a fait sans qu’une
seule exception ne se soit présentée depuis à notre regard anxieux et
plein d’attente. C’est plus : si auparavant on disait que "le pouvoir
corrompt", aujourd’hui on peut ajouter que la simple aspiration au
pouvoir
corrompt de même, à l’avance et en profondeur.

Sur ce point, il nous faut être clairs et cohérents. Comment fait
l’EZLN
qui dit, par exemple, "nous, nous nous battons pour être libres, pas
pour
changer de maître tous les six ans", pour se concilier avec l'EZLN qui
parle de (lutter pour) "une nouvelle Constitution" ? Comment une Carta
Magna, nécessairement issue d’un pacte et élaborée avec l’organisation
présente de l’État, au sens traditionnel de l’expression, peut-elle
être
compatible avec le combat pour la liberté ? Il semblerait bien que ce
ne
soit pas le cas, et que la marche à suivre correcte soit exactement le
contraire : le combat pour la liberté commence par la construction
autonome des mouvements sociaux de base et se développe en elle, tandis
que la négociation d’une nouvelle Constitution est condamnée à
s’enliser
dans les méandres tortueux de l’État et de ses revirements incessants.
C’est là une conclusion à laquelle on parvient sans avoir besoin d’un
diplôme d’études d’économie politique, elle découle même de la propre
expérience de l’EZLN en la matière. Son refus essentiel et radical du
système de parti d’État constitue un saut conceptuel fondamental qui
doit
maintenant s’accompagner de son complément indispensable : un refus des
voies étriquées de l’État qui permette d’emprunter sans compromis, sans
attaches ni dérives inutiles, le chemin fertile de l’autonomie. Une
telle
autonomie des mouvements sociaux, chacun enraciné dans le cadre
d’intervention territorial qu’il se sera donné, voilà la condition
libertaire par excellence : une autonomie qui veut s’émanciper de tout
pouvoir omniscient, extérieur et supérieur, afin que tout collectif
puisse se fixer avec la plus grande marge de liberté possible ses
propres
objectifs, ses propres relations de coexistence et ses propres voies
d’action ; sans restrictions ni extorsions, qui se pense par lui-même
et
définit de façon autonome son destin en confiant en ses propres
capacités
plutôt qu’en de quelconques prédéterminations, messianismes,
machinations, conspirations ou éventualités qui – on le sait – n’ont
jamais abouti, n’aboutissent et n’aboutiront jamais à une issue
souhaitable.


Pour que nous puissions tous "avancer en questionnant" et "commander en
obéissant"

Beaucoup plus de choses devraient être débattues avec l'EZLN en ce qui
concerne sa Sixième Déclaration, ou, mieux encore, avec toutes les
communautés zapatistes et, en général, en ce qui concerne les manières
de,vivre et les luttes de ces peuples.

Nous aimerions par exemple creuser la question de la "mondialisation"
et
du néolibéralisme, de façon à ce que nous puissions tous ensemble
tracer
une carte du globe qui ne soit pas uniquement faite de noir et de
blanc,
qui montre qu’il y a plus de deux gladiateurs aux prises dans l’arène
du
cirque et qu’il est nécessaire de cerner tout un entrelacs de relations
locales qui interviennent pour des raisons qui leur sont propres et non
par simple soumission aux grands centres du pouvoir mondial. Parce
qu’au
bout du compte le capitalisme a aussi élu nationalité mexicaine et
possède une facette transnationale spécifique, sans qu’il ait besoin de
recourir à un agent extérieur pour lui donner vie, pour l’impulser et
l’étendre. Il y a fort à parier que de telles considérations nous
permettraient de partager la conviction que les politiciens vendus et
leurs manigances corrompues ne sont pas les seuls responsables de la
situation actuelle, mais qu’il y a aussi un éventail de couches
sociales
qui s’échinent à maintenir un tel statu quo. Cela nous amèneraient sans
doute à partager des définitions bien plus nettement anticapitalistes,
anti-étatiques et antibureaucratiques, définitions que l’EZLN a
peut-être
déjà formulées de façon interne mais qu’elle n’a pas encore clairement
énoncé au grand jour.

Nous aimerions aussi questionner fraternellement une phrase de la
Sixième
Déclaration à laquelle nous attribuons une importance particulière et
qui
illustre l’un des traits caractéristiques de l’EZLN depuis son
apparition
: "[…] c'est-à-dire en haut le politico-démocratique qui commande et en
bas le militaire qui obéit. Et peut-être même que c’est encore mieux
rien
en haut et tout bien plat, sans militaire, et c’est pour ça que les
zapatistes s’étaient fait soldats, pour qu’il n’y ait pas de soldats".
Parce que si tout était réellement "tout bien plat", personne ne
commanderait et personne n’obéirait mais chacun agirait en fonction de
ses propres convictions, de ses possibilités et de ses engagements
envers
des accords librement adoptés. Et on peut dire aussi qu’il est
paradoxal
et dangereux d’avancer qu’il y a des soldats pour qu’il n’y ait plus
jamais de soldats parce qu’alors – quel sac de nœuds avec les mots ! –,
il
nous faudrait toujours compter avec des soldats pour qu’il n’y ait
plus
de soldats. Il nous semble en effet bien mieux, bien plus direct et
plus
clair de dire que l’on est antimilitariste, et, ensuite, de s’atteler
réellement, à fond et sans tergiverser, à la dissolution de toutes les
armées.
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MessageSujet: ....   cuba libre EmptySam 8 Oct - 17:11

Nous aimerions discuter plus en profondeur avec nos compañeros de la
forêt Lacandone des raisons pour lesquelles nous sommes enthousiastes à
l’idée de réunir les mouvements sociaux mexicains au sein d’un réseau
vaste et non sectaire. Pourtant, tout en approuvant cette initiative,
nous
aimerions manifester respectueusement notre divergence en ce qui
concerne
un procédé qui n’est peur-être pas l’idéal. En effet, nous trouvons
qu’un
réseau ne devrait avoir aucun centre et c’est pourquoi nous pensons que
l’EZLN n’aurait pas dû s’attribuer d’entrée de jeu le rôle de
coordinateur
ni se responsabiliser de l’organisation d’un dialogue sous forme de
table
ronde dont les participants aux débats ont été répartis au préalable
selon ses critères et qui se réunissent en fonction de dates, de lieux
et
d’ordres du jour établis par le CCRI. Il aurait certainement mieux valu
que les dates aient pu surgir d’une large consultation préalable, que
les
lieux choisis aient été à mi-chemin des uns et des autres et que les
thèmes des débats aient été formés du libre cours d’une parole
plurielle
et irréductible. Mais sans doute ne devrait-on pas se méfier des
intentions des zapatistes, cette convocation ne répondant certainement
qu’à une urgente nécessité de démarrer, sans compter que les occasions
ne
manqueront pas pour que les choses se passent différemment à l’avenir.


Cuba : si près du Chiapas et si loin de l’EZLN

Nous aimerions pouvoir nous étendre plus longuement sur ces questions
et
bien d’autres, mais il nous semble plus opportun aujourd’hui de ne
faire
que les aborder et de poser la question. Il y a cependant une chose que
nous ne pouvons esquiver et remettre à plus tard. Une chose qui, en
tant
que Mouvement libertaire cubain, nous intéresse directement et au plus
haut point. Nous trouvons en effet magnifique que l’EZLN manifeste sa
solidarité avec les peuples en lutte d’Amérique latine et du monde et
nous n’hésitons pas à faire nôtres ses déclarations en ce sens. Et
même,
dans la mesure où les luttes des peuples sont partout, nous pensons que
c’est une belle métaphore littéraire que d’affirmer que l’on ne sait
pas
très bien où et à qui remettre les témoignages de solidarité de l’EZLN.
Mais, du coup, ce qui est étonnant, c’est le mécanisme idéologique et
politique qui permet à l’EZLN d’annoncer que les peuples du monde ne
peuvent être "localisables", mais que le peuple cubain, lui, en
revanche,
peut l’être et que son siège, sa résidence naturelle et sa légitime
représentation se trouverait dans l’ambassade du gouvernement cubain
de
la ville de Mexico !

En envisageant les choses de cette façon, c’est comme si l’EZLN faisait
table rase de presque tous ses concepts, toutes ses pratiques et toute
son expérience au moment "d’aborder" Cuba. En effet, quelle sorte de
lien
naturel et cohérent peut bien justifier que l’on ne cesse d’en appeler
au
tissu social de la société mexicaine en la personne de ses mouvements
sociaux de base, mais que, s’agissant de Cuba, on se laisse aller à
supposer que leur équivalent se trouverait tout entier incarné par le
gouvernement de ce dernier pays ? Qui plus est, l’EZLN pense-t-elle
que
le gouvernement cubain incarne le modèle de la nouvelle gauche
révolutionnaire latino-américaine ou qu’il serait disposé à y
participer
de quelque manière que ce soit comme un accompagnateur discret ? L’EZLN
considère-t-elle qu’il faut faire au Mexique la même chose que ce que
le
parti "communiste" a fait à Cuba ? L’EZLN ne pense-t-elle pas qu’il est
pour le moins contradictoire et inconséquent de jumeler solidairement
l’autonomie de ses communautés de base avec un régime centralisateur
qui
prône l’exclusion ? L’EZLN ne trouve-t-elle pas que l’expression du
peuple cubain s’incarnerait plutôt dans les organisations populaires
autonomes que le gouvernement de ce pays se charge méticuleusement et
systématiquement d’empêcher d’exister par le biais d’une répression
préventive ? Quels arguments possède l'EZLN, en définitive, pour
répondre
à des questions d’une telle gravité ?

En outre, l'EZLN ne peut ignorer ni avoir oublié que pendant quarante
longues années le gouvernement cubain et le gouvernement mexicain
furent
étroitement liés par des rapports charnels dont le meilleur exemple est
certainement le silence complice du gouvernement cubain sur le massacre
de
Tlatelolco, en 1968, et l’envoi d’athlètes cubains pour participer aux
jeux Olympiques qui l’ont immédiatement suivi, en dépit des appels
réitérés au boycott que lançait alors la gauche mexicaine. Une relation
charnelle inter-États parfaitement symbolisée par l’amitié unissant
Fidel
Castro et Salinas de Gortari – un Salinas de Gortari dont une partie
de
la fortune, amassée par la spoliation de travailleurs mexicains, est
aujourd’hui investie sur le territoire cubain. En s’inspirant de tels
précédents et de bien d’autres exemples du même tonneau, l'EZLN ne
devrait pas éprouver trop de difficultés à constater que, pour l’élite
dirigeante cubaine, ce qui dicte les relations internationales de Cuba
ne
repose pas sur les luttes des peuples, mais que ces luttes sont
réinterprétées selon le type de lien que le parti monopolisant le
pouvoir
décide qu’il convient d’établir avec les autres gouvernements, à
condition que ces derniers puissent donner une bouffée d’oxygène à sa
capacité de survie. Comment expliquer autrement que la diplomatie
cubaine
ait soutenu les luttes contre l’apartheid en Afrique du sud et qu’en
même
temps elle se soit solidarisée pratiquement jusqu’à l’extrême onction
avec
le régime de Suharto en Indonésie, qui maintenait une situation
semblable
d’apartheid au Timor-Oriental ? Quelle sorte de cohérence se manifeste
quand on souscrit au droit des peuples africains à choisir librement
leur
destin, mais qu’en même temps on envoie des troupes d’occupation
affronter
les indépendantistes d’Erythrée pour satisfaire aux besoins de
l’échiquier
soviétique ou qu’on envoie, ce qui atteint de véritables sommets
parodiques, ses "conseillers" entraîner les troupes de l’école
militaire
d’Idi Amin Dada ? Comment le gouvernement cubain pourrait-il justifier
l’envoi de son vice-président pour participer au Forum économique de
Davos, dans un premier temps, puis celui du président de l’Assemblée
nationale, ensuite, pour protester à Porto Alegre contre le même Forum
?

Comment peut-on condamner avec une telle emphase le racisme, lors de la
Conférence mondiale que l’ONU a organisé sur ce thème à Durban, pour
ensuite refuser toutes les invitations à analyser les raisons pour
lesquelles les Noirs constituent une large majorité de la population
des
prisons cubaines ? Et ainsi de suite, jusqu’où la curiosité critique de
quiconque voudra bien aller.

Est-il nécessaire, après tout cela, de rappeler à l’EZLN les conditions
de
vie du peuple cubain et l’impossibilité absolue dans laquelle il se
trouve
de s’organiser de manière autonome et même de s’exprimer pour
affronter
une telle situation ? Nous pensons que tout exemple concret n’a pas sa
place ici et nous nous voulons croire que la mention de l’ambassade du
gouvernement cubain à Mexico n’est rien de plus qu’un acte manqué, un
lapsus qui pourra être réparé dès que la première occasion se
présentera.

Et si nous voulons le croire, c’est parce que ce qui est en jeu est
beaucoup plus important, comme nous l’avons avancé dès le début.
Répétons-le et gardons-le présent à l’esprit pour la suite : ce qui
compte, c’est la formation, le profil et les orientations d’une
constellation de regroupements et de pratiques rebelles qui sont
aujourd’hui en mesure de venir alimenter la nouvelle gauche
révolutionnaire latino-américaine. Pour former une telle nouvelle
gauche,aucune négligence, aucune légèreté ou formules de politesse ne
sont
de mise. Pour former une telle nouvelle gauche, le gouvernement cubain
n’a
rien à nous apporter car les seuls messages authentiques qui nous
permettent d’avancer sur le chemin de la liberté ne viendront pas des
officines des bureaucrates de La Havane, mais du tumulte et du tonnerre
qui surgiront de tout en bas et qui, en partant d’en bas, trouveront
les
échos de leurs pairs. C’est dans ce même lieu que se trouvent les
"hors-la-loi" équatoriens, la résistance mapuche [au Chili], les
cultivateurs en lutte pour l’eau de Cochabamba, les usines reprises en
Argentine, les occupations de terres au Brésil et, bien entendu, c’est
aussi dans un tel lieu que s’effectuent les recherches et les
tentatives
qui se déroulent en ce moment-même dans la forêt Lacandone.

Mouvement libertaire cubain (MLC)
Août 2005

Apartado Postal 12-1180
Admon #12, Obrero Mundial
03001 México D.F.
Mexique

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