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| Oaxaca | |
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kamchatk Invité
| Sujet: Oaxaca Sam 7 Oct - 11:48 | |
| La démocratie parlementaire mexicaine est mise à nue. Une énième fraude, commise par la droite avec la complicité de l’ancien parti unique, aurait légèrement forcé la machine lors du scrutin du 2 juillet. En face, une insurrection civile montait déjà en puissance en pleine campagne électorale. À Oaxaca, les gens ne reconnaissent plus les autorités et envisagent de se gouverner eux-mêmes. Mais gare aux ruades du Léviathan !
LE 1er AOÛT, À OAXACA, capitale de l’État du même nom, six mille femmes armées de casseroles ont occupé la radio et la télévision officielles. Pendant trois semaines, à micro ouvert, elles - et leurs maris - vont remplacer les journalistes devant les caméras et présenter les infos sans rougir de leurs tabliers de ménagère. Radio La Ley est rebaptisée Radio Casserole. Voilà maintenant plus de cent jours que Oaxaca, Etat voisin du Chiapas, est entré en zone de turbulences. Ça a commencé le 22 mai, en pleine campagne électorale, avec une grève des maîtres d’école. Leur revendication : une prime de vie chère et des moyens pour les écoles rurales. Le gouverneur Ruiz refusant de négocier, 20 000 d’entre eux occupent le centre de la capitale. Le 14 juin, malgré une campagne de presse calomnieuse et après une intervention policière ultra violente contre leur campement, la population s’insurge en leur faveur. Depuis, l’industrie touristique, les administrations et les tribunaux sont en berne et une Assemblée populaire du peuple de Oaxaca (APPO), réunissant syndicats indépendants, associations et municipalités en rébellion, paralyse la ville en exigeant la démission du gouverneur. "Le 14 juin marque une rupture dans l’histoire de Oaxaca", déclare Aldo González, dirigeant zapotèque de l’Union des Organisations Sociales de la Sierra Juárez. "La population s’est sentie attaquée. Les premiers à réagir ont été les gens des quartiers. Mais dans la Sierra, les gens collectaient déjà des vivres pour les grévistes. Tous ne peuvent pas se déplacer, mais presque tous sont là."
Oaxaca est un fief historique du PRI, l’ancien parti unique qui a cédé le pouvoir fédéral à la droite en 2000, après 70 ans de règne sans partage. Ici, le PRI continuait à faire carton plein à chaque élection, grâce à un système clientéliste musclé. Oaxaca est un état pauvre, à majorité indienne. La source principale de revenus est l’argent envoyé par les émigrés. En 1995, de crainte que le soulèvement zapatiste n’essaime aussi dans ces montagnes-là, le PRI lâche du lest en reconnaissant légalement la démocratie indigène. Le parlement local vote une loi dite "des us et coutumes", avec en arrière-pensée la ferme intention d’intégrer les communautés "autonomes" à sa clientèle électorale. Le gouverneur s’appuie pour cela sur des caciques indigènes, qui imposent aux villages leurs négoces avec des entrepreneurs véreux. De plus en plus de communautés se rebellent contre ces corruptions et, accusées de terrorisme, sont en butte à une répression brutale. Des dizaines de paysans sont assassinés ou moisissent en prison pour avoir osé tenir tête aux notables du PRI. C’est de cette résistance que se nourrit l’actuel mouvement d’insurrection civile.
Parce qu’il y a vu un miroir grossissant de ses propres appétits, l’archaïsme politique du PRI s’est mis depuis quelques années au service d’un projet des plus modernes : le Plan Puebla Panama, méga- entreprise de conquête économique qui lorgne sur toute l’Amérique centrale. Dans ce cadre, l’isthme de Tehuantepec ferait office d’alternative au canal de Panama. Un large couloir d’autoroutes et de voies de chemin de fer relierait la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique. Ce couloir devant attirer une ribambelle d’usines de montage (maquilas), des barrages et des lignes THT sont en passe de fleurir dans toute la région, à Oaxaca, au Chiapas, au Guatemala... Manque de bol, les milliers d’hectares nécessaires à cette entreprise de progrès sont habités par de sombres peuplades arc-boutées sur leurs traditions et leurs lopins de terre. "Le principal soutien à Ruiz vient des investisseurs, explique Bertín Reyes, un porte-parole de l’APPO. Ils sont sur les starting-blocks pour exploiter les matières premières et la biodiversité de Oaxaca. Le gouverneur précédent a déblayé le terrain légal. Maintenant, l’heure était venue d’acheter et de dépouiller les communautés. Voilà la clé de la crise actuelle." En échange de la mort physique et culturelle des villages ? La vague promesse d’un poste de travail sur une chaîne de montage ? Rien de très réjouissant pour des communautés qui vivent en étroite relation avec la terre.
Dans les montagnes revêches où ont été acculés les Indiens, la figure du maître d’école inspire le respect. Il n’en a pas toujours été ainsi, quand l’instituteur, comme le curé, tentait d’imposer une culture jugée étrangère. Mais depuis que certains jeunes sont devenus instits bilingues, les gens apprécient mieux leur abnégation. Mal payés, affectés dans des zones retirées, où ils restent pendant des semaines sans voir leur famille, les maîtres ont appris à se bagarrer pour leurs droits et aussi pour ceux des villages. Un des détonateurs de la grève actuelle a été le viol et l’assassinat de deux jeunes institutrices alors qu’elles se rendaient à pied dans la communauté où elles enseignaient. La colère est telle que la grève et l’occupation ont persisté même pendant les vacances scolaires. Lorsque le 14 juin, le gouverneur lance trois mille flics contre le campement des instits, la population se soulève donc contre lui. Deux heures après l’assaut à balles réelles, tirées parfois depuis des hélicoptères (la rumeur parla de six morts),les instituteurs et leurs alliés reprennent la ville. "Quand il se rend compte de son erreur, le gouverneur propose de négocier", raconte Dolores Villalobos, coordinatrice du Conseil Indigène et Populaire-Flores Magón. "Mais c’est trop tard : en réponse au large soutien qu’ils viennent de recevoir, les instits mettent leurs demandes sectorielles en veilleuse et se font les porte-drapeau de la volonté générale : que Ruiz s’en aille. Il n’y a plus de discussion possible."
"Nous allons provoquer une crise économique en bloquant les routes et en boycottant les grandes enseignes multinationales." La radio des instits a été détruite ? Qu’à cela ne tienne, les étudiants occupent Radio Universidad et la mettent au service du mouvement. Une Assemblée populaire (APPO) réclame la destitution du gouverneur. "Personne n’est l’APPO, nous la représentons tous", affirme Aldo González. "Chacun y participe à sa façon, en expulsant un maire pourri, en occupant une officine gouvernementale, en convoquant une assemblée, en récupérant les traditions, en bloquant les rues et les routes." À chaque sursaut répressif du gouverneur, le mouvement prend de l’ampleur. L’occupation de la radio et télévision officielle vient en réaction au sabotage de Radio Universidad par des nervis. Après vingt jours de télé et radio libres, des paramilitaires délogent en pleine nuit les journalistes improvisés. La même nuit, l’APPO investit douze radios commerciales. Quand la nuit suivante des sicaires montés sur des fourgonnettes circulant à vive allure mitraillent les façades de ces radios, tuant deux occupants, les habitants des quartiers dressent des barricades pour empêcher ce convoi de la mort de circuler. Il y a encore, à l’heure où nous écrivons, plus de mille barrages dans la capitale. Pour les matérialiser, des véhicules de police aux pneus crevés et des bus réquisitionnés. "Nous allons provoquer une crise économique en bloquant les routes et en boycottant les grandes enseignes multinationales", déclare à "La Jornada" Rogelio Mesinas, un porte-parole de l’APPO. "Nous remplacerons les centres commerciaux par des marchés populaires sauvages." La procureur général de l’état accuse l’APPO d’être une guérilla urbaine. "L’APPO n’a aucune relation avec une quelconque guérilla, ni avec la coalition de gauche qui s’est mobilisée au niveau national contre la fraude électorale, bien que nous respections leurs luttes", clarifie Rueda Pacheco, leader des instits. D’abord en marge de la campagne électorale puis, à partir du 2 juillet, en parallèle à la mobilisation antifraude, le mouvement de Oaxaca a dépassé le terrain de la politique institutionnelle : si le départ du gouverneur est une exigence fédératrice, le vide de pouvoir actuel permet de voir surgir au grand jour une pratique démocratique jusqu’à présent souterraine, marginalisée. "L’APPO doit s’inspirer de la vie communale des villages", affirme Lucio López, ancien président municipal de la région mixe.
Les zones rurales, et certains quartiers urbains, ont souvent développé une démocratie parallèle qui contourne l’autoritarisme du PRI. Cette expérience, ancrée dans la culture de résistance indigène, est un outil précieux pour inventer une administration de la chose publique qui n’échappe plus aux gens. « Le peuple de Oaxaca s’est souvenu qu’il est communauté », s’enthousiasme Dolores Villalobos. "On apprend à s’organiser pour manger, pour l’autodéfense, pour les occupations, pour construire un accord, pour nos récoltes... C’est tout bénef, surtout si on dépasse les discours sur la solidarité et le soutien mutuel pour en venir à une pratique qui garantit notre survie." Sacrément utile quand les fonctionnaires ont fui... Alors, pourquoi se contenter de la destitution du cacique en chef et de l’arrivée d’un gouverneur intérimaire qui entérinerait un retour à la normale ? "La mobilisation a été intense, on peut imaginer qu’une fois la chute du gouverneur et la libération des prisonniers obtenues, le calme reviendrait", pense Carlos Beas, de l’Union des Communautés Indigènes de la Zone Nord de l’Isthme, contacté par "CQFD". "Mais la réaction des villages et des quartiers a été impressionnante. Et ils ont bien d’autres motifs d’insatisfaction !" Pourquoi ne pas systématiser cette démocratie vivante ? Pendant que, dans des hôtels déserts, les commis de l’État et les partis de gouvernement négocient une sortie de conflit qui leur soit favorable, que Fox craint un embrasement du reste du pays et que l’armée patrouille et intimide, voilà la question qui court les rues de Oaxaca, la ville aux mille barricades.
Nicolas Arraitz
Article publié dans "CQFD" n° 37, septembre 2006, actuellement en kiosques et librairies. À lire également, les articles sur Oaxaca LE VIEUX RÉGIME EST MORT et CHRONOLOGIE D’UN FEU QUI COURT parus dans le même numéro.
http://www.cequilfautdetruire.org/ http://cspcl.ouvaton.org/article.php3?id_article=347 |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 7 Oct - 12:25 | |
| Les groupes de manifestants ont renforcé leurs barricades de rue et ont préparé des cocktails Molotov dans cette ville du sud du Mexique, au milieu des rumeurs d’incursion de forces du gouvernement, tandis que des hélicoptères d’artillerie survolaient la nuit de samedi à dimanche le centre ville.
Quelques journaux de la capitale méxicaine ont déjà dédié leurs premières pages aux photos de deux hélicoptères de l’armée et d’au moins un avion militaire survolant le centre d’Oaxaca dans la nuit de samedi. Tandis que le journal Reforma disait qu’une guerre était préparée à Oaxaca, El Universal a informé que des hélicoptères, des avions et 15 camions avec soldats se sont concentrés à Huatulco, centre touristique du Pacifique, à grande distance par tyerre de la ville d’Oaxaca. Un seul hélicoptère a été vu dans les environs de la ville dimanche. Un fonctionnaire du Secrétariat de la Défense Nationale dans la ville de Mexico a dit dimanche qu’il n’avait pas de détails sur les vols réalisés le week-end ou sur la concentration de forces. Les manifestants ont répondu aux survols en faisant détonner de puissants pétards qui ont secoué les rues et les édifices historiques en rendant encore plus nerveuse la population. Ils ont également renforcé leurs barricades avec des sacs de ciment et des troncs d’arbres, en jurant de repousser tout policier ou soldat qui avance par la ville. Les rues étaient presque complètement vides dimanche, dans un contraste marqué avec la vie normale dans Oaxaca, une ville coloniale fameuse pour sa cuisine traditionnelle, culture et ruines préhispaniques. En mai, des dizaines de milliers de professeurs en grève ont pris les rues de la capitale en demande de meilleurs salaires. En juin, le gouverneur Ulises Ruiz a envoyé la police pour tenter de récupérer le centre de la ville. Depuis lors, des centaines d’étudiants gauchistes et anarchistes se sont joints aux professeurs en grève, en construisant des barricades, en brûlant des autobus et en prenant des stations de radio et télévision. Ils demandent la démission de Ruiz, en signalant qu’il a fomenté une fraude dans les élections étatiques de 2004 et qu’il utilise des groupes paramilitaires pour combattre des dissidents. Au moins deux personnes sont mortes dans des fusillades intermittentes et des dizaines ont été blessées dans des chocs entre la police et les manifestants. Durant la nuit, les manifestants brûlent des pneus et arrêtent des véhicules à la recherche d’agents en civil, lesquels disent-ils sont employés pour les attaquer.
Associated Press, 01 octobre 2006 (20 h heure francaise). Traduction :Fab, santelmo(a)no-log.org |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 14 Oct - 12:22 | |
| Dans le cadre de la Tournée du CIPO-RFM au Québec et en Ontario, nous sommes heureux de vous présenté une soirée vidéo.
En effet, les membres du Conseil Indigène Populaire de Oaxaca - Ricardo Flores Magon (CIPO-RFM) nous rendrons visite pour la première fois ce lundi 16 octobre afin de nous présenter quelques documentaires sur la situation actuelle des luttes sociales au Mexique.
Depuis déja quelques mois, la population de la ville et de l'état de Oaxaca s'est soulevé dans le but de faire démissionner le gouverneur. En voulant réprimer le mouvement de grève des professeurs au mois de mai, Ulises Ruiz a déclenché un fort mécontentement qui dormait depuis trop longtemps chez la population. Aujourd'hui, l'armée Mexicaine et sa police (PFP) menace de rentrer en grand nombre dans une ville protégé par plusieur barricades, gardés par des gens ordinaire, mais qui sont la preuve vivante qu'une autre société est possible. Depuis la disparition des pouvoirs publiques, les gens ce sont rassemblés pour former l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) dont fait partie le CIPO-RFM.
C'est donc un rendez-vous!
Lundi 16 octobre, 6:30 pm, Café l'Exode, Cégep du Vieux-Montréal 255 Ontario est, métro Berri-Uqam Contribution volontaire
Un évènement organisé par le comité organisateur de la caravane CIPO-RFM
Fédération des Communistes-Libertaires du Nord-Est (NEFAC) Ici la sexta, adhérents à la sixieme déclaration de l'EZLN.
Surveillez www.nefac.net pour les dates de la tournée au Québec info: bernie(a)nefac.net |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 14 Oct - 16:48 | |
| Article Mondialisation.ca
URL de cet article: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=20061013&articleId=3476
www.Mondialisation.ca
Action urgente: Militarisation croissante de la ville de Oaxaca
Le 13 octobre 2006 SolidaRed
Dans les dernières semaines, la situation à Oaxaca a frôlé la guerre civile. Les citoyens mobilisés contre les injustices et la persécution du gouvernement d’Ulises Ruiz Ortiz, gouverneur de Oaxaca, se sont regroupés sous l’APPO (Assemblée Populaire du Peuple de Oaxaca) un collectif abritant des professeurs, groupes syndicalistes, et des centaines de regroupements sociaux (dont le CIPO-RFM), demandant la démission du gouverneur Ruiz Ortiz. Leurs manifestations et dénonciations contre les politiques autoritaires de Ruiz Ortiz se voient cependant fortement réprimés par les forces armées ou groupes paramilitaires, mandatés par le gouverneur afin de déloger les barricades ou supprimer des grèves, ce qui s’est souvent soldé par des morts et des dizaines de blessés et de disparus.
Dernièrement, la présence militaire s’est renforcée dans la ville de Oaxaca, avec des patrouilles quotidiennes de chars d’assaut, des survols d’hélicoptères et avions militaires et des provocations physiques d’agents policiers déguisés en civils. Ces incessantes intimidations et provocations créent un climat de violence engendrant les conditions favorables à une intervention répressive de la Police Fédérale Préventive (PFP), une menace qui risque à tout moment d’éclater.
Cette atmosphère de constante vigilance militaire se poursuit, paradoxalement, au moment où le gouvernement de Oaxaca propose une issue «pacifique» au conflit à travers la tenue d’une «Table de discussion». À cette Table on invitait les organismes de la société civile présents à signer une entente qui assurerait le retour de la gouvernabilité à l’État de Oaxaca, sans pour autant destituer le gouverneur Ruiz Ortiz. L’APPO a bien sûr refusé d’y participer, considérant cette concertation comme une stratégie du gouverneur pour démobiliser et délégitimer les mouvements sociaux de Oaxaca ainsi que leur lutte, dévier les pourparlers de l’enjeu crucial : la démission du gouverneur, et justifier officiellement la répression militaire et policière à leur encontre.
Cliquez ici pour voir l’action urgente complète et endosser la lettre de pression.
http://www.ccdhal.koumbit.org/ |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Ven 20 Oct - 19:50 | |
| L’ASSEMBLÉE POPULAIRE DES PEUPLES D’OAXACA DÉCLARE L’ALERTE MAXIMALE
Hier soir, 18 octobre, un instituteur indigène qui sortait d’une réunion a été abattu par trois balles tirées depuis une voiture sans plaques. D’autres militants ont reçu par téléphone des menaces de mort. L’APPO a déclaré l’alerte maximale pour renforcer les occupations et les barricades. La Section 22 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation est en train de réaliser une consultation des 70.000 enseignants de l’Etat pour savoir s’ils veulent reprendre les cours ou continuer la grève. Celle-ci devient de plus en plus difficile à poursuivre en raison de la suspension du paiement des traitements depuis deux mois. Quelle que soit la décision des participants, la section a cependant annoncé qu’elle ne renoncerait en aucune façon à réclamer la destitution du gouverneur Ulises Ruiz, qui n’est, dit-elle, pas négociable. Des militants et des parents ont déjà manifesté leur désir de poursuivre la grève en proclamant : "Un enseignant conscient ne se rend ni ne se vend" et "Enseignant, tu as commencé, tu dois terminer ! Ulises n’est pas parti, tu dois le chasser !".
Le Sénat a déclaré que l’État n’était pas en rupture de pouvoir (ce qui empêche d’organiser des élections) mais qu’il y avait ingouvernabilité de fait et persistance des procédés "de caciques". Au grand scepticisme de tout le monde, le président Vicente Fox a assuré que le problème serait résolu par la négociation avant la fin de son mandat.
Sur place, en effet, on est loin des discours lénifiants. Tandis que le parti au pouvoir (PRI) commence à préparer l’opération de récupération du centre-ville (le gouvernement a notamment commencé à réaménager une prison en prévision d’une arrestation massive d’enseignants et de militants), les brigades mobiles de l’APPO ont repris l’occupation de bâtiments publics, en commençant par le siège du gouvernement, dans lequel ils se sont contentés de laisser des graffitis, et en terminant par le bâtiment du Journal officiel.
En l’absence des forces de police dans le centre-ville occupé, les infractions se multiplient, et une justice populaire s’installe, qui ne fait pas toujours dans la dentelle : un homme qui s’est introduit par deux fois dans une école maternelle pour voler et pour tenter de violer une institutrice, a été tabassé par la foule avant d’être remis aux autorités judiciaires. Sa photo, le visage ensanglanté, et portant une pancarte sur laquelle on a écrit "Je suis un rat et un violeur", fait le tour de la presse, alimentant la campagne de dénigrement du mouvement.
Des actions spectaculaires pour se faire entendre
A Mexico se poursuit l’occupation des délégués de l’APPO devant le Sénat fédéral, ainsi que la grève de la faim d’une partie d’entre eux. Une vingtaine de manifestants se sont prélevé une seringue de sang pour écrire avec leur propre sang des slogans pour la liberté et contre le gouverneur Ruiz. Cette action spectaculaire est, selon une militante du Front populaire révolutionnaire, "le seul moyen qui nous reste de nous exprimer". S’adressant à la presse, les délégués dénoncent ce besoin de spectaculaire : "Voyons si maintenant vous nous prêtez attention. C’est ça que vous voulez ? Eh bien vous l’avez !"
[ information diffusée par la mailing liste [cspcl] - http://ouvaton.org/cspcl ] |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Dim 29 Oct - 22:00 | |
| Bien le bonjour d’Oaxaca, Cette journée d’arrêt de toute activité a été particulièrement meurtrière, quatre morts et un grand nombre de blessés par balles, ou comment se défend la dignité de tout un peuple. Les barricades dans les colonies et sur toutes les voies d’accès au centre ville ont bien tenu malgré les escadrons de la mort et surtout les troupes de choc de policiers municipaux en civil fortement armés face à des gens qui les affrontaient avec des pierres. Ce sont les municipalités des environs, encore contrôlées par le PRI, le parti révolutionnaire institutionnel d’Ulises Ruiz, qui ont recruté et armés ces tueurs et qui sont directement responsables des violences et des assassinats. La municipalité de Santa Lucía del Camino où un jeune journaliste nord américain d’Indymédia a trouvé la mort, et la municipalité de Santa María Coyotepec où il y eut deux morts et dix huit blessés ont joué un rôle déterminant dans cet affrontement contre les membres de l’Assemblée populaire. L’ambassadeur des États-Unis ment en parlant d’un échange de coups de feu. Rueda Pacheco, dirigeant du syndicat enseignant, ment en parlant de groupes violents et en se gardant bien de dire d’où viennent les tueurs. L’État a désormais le prétexte qu’il attendait pour rétablir l’ordre et l’État de droit comme il dit si bien. Ulises Ruiz joue-t-il son va tout dans une ultime confrontation meurtrière ou a-t-il l’aval de l’État pour provoquer des morts en vue de l’intervention de l’armée et de la police préventive fédérale ?
L’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca n’a pas jusqu’à présent répondu à la provocation en s’armant, ce qui justifierait l’envoi des troupes, et c’est les mains nues qu’elle garde les barricades et qu’elle fait face, avec une vaillance admirable, aux escadrons de la mort et aux sbires du PRI. Les familles ou les amis restent auprès des blessés et veillent à ce qu’ils soient soignés par des médecins et transportés par les ambulances rouges de l’APPO, les ambulances de la protection civile sont fliquées et l’hôpital n’est pas sûr. La croix rouge, nous dit-on, refuse d’intervenir sur ordre du gouverneur déchu. Les disparitions sont nombreuses, la personne qui avait été enlevée ce matin a été retrouvée en prison. Heureusement la radio université fonctionne, ce qui permet de coordonner les mouvements, de renforcer une barricade qui montre des signes de faiblesse par exemple, de prévenir de la venue des troupes de choc, ainsi s’est organisé tout un réseau d’entraides, les habitants de Saachila, une commune en résistance, se sont regroupés pour envoyer des équipes afin de prêter main forte aux habitants d’Oaxaca, à San Bartolo Coyotepec les habitants se sont retrouvés pour venir en aide à leurs voisins de Santa María Coyotepec.
La nouvelle s’est répandue rapidement et la capitale réagit, des barricades ont été élevées à proximité de l’hémicycle Benito Juárez, nous dit-on. Le bruit court que le ministère de l’intérieur est occupé par ceux qui se trouvaient devant le Sénat. C’est le matin, j’apprends qu’Abascal, le ministre de l’intérieur, vient de donner l’ordre à la troupe d’intervenir. La complicité entre le gouverneur tueur et le gouvernement fédéral est donc bien une complicité objective, l’assassin avait l’aval de l’État pour lancer ses troupes de choc contre les habitants. La ville est bien décidée à résister et toutes les voies d’accès sont hermétiquement fermées par des barricades.
Oaxaca, le 28 octobre 2006.
[ information reprise du site du Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte : http://cspcl.ouvaton.org/ |
| | | catastrofe Langue pendue
Nombre de messages : 1338 Age : 57 Date d'inscription : 20/02/2006
| Sujet: Re: Oaxaca Lun 30 Oct - 11:49 | |
| Appel urgent à la mobilisation en soutien à l’APPO
Des tueurs d’Ulises Ruiz tirent contre les barricades de l’APPO, assassinent plusieurs compañeros et laissent une vingtaine de blessés.
Aujourd’hui, 27 octobre, des tueurs de l’assassin Ulises Ruiz, ont tiré sur les barricades de l’APPO dans l’avenue de Ferrocarriles, de Santa Lucía del Camino et dans l’agence municipale de Coyotepec, dans la banlieue d’Oaxaca. Au cours d’un de ces affrontements, ils assassinèrent Bradley Will, journaliste membre d’Indymedia, citoyen des États-Unis et blessèrent plus de 6 compañeros. L’APPO informe également, à travers Radio Universidad, de la mort d’un autre enseignant et de près de 20 blessés par balle ou arme blanche.
Ces lâches agressions armées contre le peuple d’Oaxaca ne laissent aucun doute que l’assassin Ulises Ruiz doit immédiatement abandonner son poste, il n’y a pas d’autre solution ni de discours qui vaille.
La Commission Sexta de l’Armée zapatiste de libération nationale lance un appel à tous les adhérents et les sympathisants de l’Autre Campagne et de la Zezta Internationale pour qu’ils se manifestent par tous les moyens et sous toutes les formes, partout où ils se trouvent, afin d’exiger le renvoi immédiat de l’assassin Ulises Ruiz, son châtiment et celui de ses complices et en soutien de l’APPO.
http://enlacezapatista.ezln.org.mx/la-otra-campana/528/
http://www.narconews.com/Issue43/article_fr2226.html | |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Mer 1 Nov - 12:09 | |
| TERREUR ET REPRESSION A OAXACA (Mexique) : appel à solidarité avec l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO). Plus de 20 000 effectifs de l’armée et de la police assiègent la ville de Oaxaca. Depuis plusieurs mois le Syndicat National des Travailleurs de l’Education et l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) réalisent des manifestations, des grèves, des barricades et l’occupation du centre-ville pour exiger l’amélioration des conditions de travail dans l’enseignement et la destitiution du gouverneur priiste Ulises Ruiz, auteur d’une répression systématique et meurtrière depuis le début du mouvement. Depuis samedi dernier, la guerre a été déclarée au peuple de Oaxaca en résistance. Provoquant d’abord des attaques paramilitaires ayant fait 4 morts, l’Etat fédéral a ensuite envoyé plus de 20000 effectifs de l’armée et de la police fédérale préventive qui livrent actuellement un combat contre tous les points de résistance de l’APPO. Au Mexique, en dépit des discours officiels sur la " transition démocratique ", les forces conservatrices et la répression se généralisent. Quelques mois à peine après l’attaque armée contre le Front des Peuples en Défense de la Terre de la ville d’Atenco, c’est aujourd’hui l’Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) et la section locale du Syndicat des Travailleurs/euses de l’Education Nationale (SNTE) qui sont assiégées par les forces militaires, policières et paramilitaires. Depuis la mi-mai de cette année, la section 22 du Syndicat National des Travailleurs/euses de l’Education a entamé un mouvement de grève pour exiger l’indexation des salaires face à la hausse du coût de la vie, et pour l’amélioration des conditions-cadre de leur travail. En effet, comme au Chiapas ou dans d’autres régions à forte population rurale-indienne, les conditions de travail des travailleurs/euses de l’éducation se heurtent à une structure sociale oligarchique et raciste, au manque d’infrastructure et d’encadrement pour les élèves, à la précarité de l’emploi et des salaires pour les enseignant-e-s, etc. De manière générale, la province de Oaxaca présente une forte polarisation sociale qui ne date pas d’hier : plus de 60% de la population est indienne, fortement ségréguée et subissant les plus hauts indices de misère et d’analphabétisme. Elle est aussi l’une des régions les plus rebelles, et cela depuis l’époque coloniale. Depuis le mois de juin, le mouvement syndical subit une répression systématique, visant à casser le mouvement et à le discréditer aux yeux de l’opinion publique. En juin, des manifestations furent massivement réprimées par la Police Fédérale préventive (PFP), générant l’extension du mouvement à divers secteurs populaires, paysans et indiens ainsi qu’aux partisans du candidat de centre-gauche aux élections présidentielles Manuel Lopez Obrador, évincé du pouvoir malgré les preuves de fraude électorale. S’est alors formée l’assemblée des peuples de Oaxaca (APPO), regroupant près de 350 organisations, qui exige la destitution du gouverneur Ulises Ruiz par la grève générale dans l’enseignement, par l’occupation permanente du centre-ville, par le maintien de barricades pour résister aux diverses attaques de milices priistes (du parti PRI), paramilitaires et policières. Le mouvement exige également la libération des prisonniers politiques et l’annulation des mandats d’arrêts contre les membres de l’APPO et du syndicat des enseignant-e-s. Depuis septembre, le gouvernement fédéral assiège progressivement la ville en envoyant à ses abords, des forces de l’armée nationale, de la marine, de la police fédérale préventive, ainsi que de l’agence fédérale d’investigation (AFI) (police politique). Depuis près de deux mois, le mouvement vit dans l’angoisse d’une attaque frontale. A la mi-octobre, la répression avait déjà provoqué dix morts, principalement le fait de milices partisanes et de la police fédérale préventive. Depuis samedi 28 octobre, la guerre a été déclarée au peuple oaxaquénien. Dans deux quartiers à forte résistance organisée (Santa Lucía et La Experimental) des miliciens du PRI et des paramilitaires ont attaqué les barricades en plusieurs endroits. Quatre personnes ont été abattues par balles : une enseignante et un enseignant, un membre de l’APPO et un caméraman étasunien du réseau de médias alternatifs Indymedia. Des dizaines de personnes ont également été blessées et une cinquantaine sont portées " disparues ". Cette attaque armée - volontairement " non officielle " - est aujourd’hui le prétexte à une intervention massive et officielle de l’armée et de la police, dans le but de " rétablir " l’ordre dans la ville. Hier 29 octobre, 10000 militaires sont entrées au centre-ville et attaquent les barricades de l’APPO au canon à eau. Derrière eux arrivent 3500 policiers grenadiers, 3000 militaires munis d’armes à feu et 5000 forces militaires supplémentaires qui surveillent les abords de la ville, tandis que les groupes de paramilitaires continuent de harceler les points de résistance. Des tanks sont également entrés dans la ville, ainsi que des voitures banalisée de l’AFI, tandis que des hélicoptère et des avions de l’armée la survolent. En solidarité, des dizaines de milliers de personnes ont " pris " spontanément les routes aux abords de Oaxaca pour tenter de stopper pacifiquement l’entrée des troupes dans la ville. Un massacre est en route contre un mouvement populaire qui se dresse depuis des mois contre le modèle de société néolibéral, raciste, sexiste et autoritaire. La répression exercée à son encontre, loin d’être isolée, s’inscrit dans une logique d’agression contre diverses organisations populaires, syndicales, paysannes, féministes et indiennes dans cette province. Toute organisation remettant en question le pouvoir des " caciques " locaux (notables et propriétaires terriens) priistes subit la loi de leurs gardes blanches (paramilitaires) et la répression de l’Etat. Malgré de nombreuses dénonciations internationales, l’impunité règne encore au Mexique et la répression que vit aujourd’hui Oaxaca confirme l’intensification de l’offensive conservatrice dans l’ensemble du pays. Communiqué du groupe de solidarité avec le Chiapas Ya Basta-Lausanne, 29 octobre 2006 Contact : lunadebrujas@yahoo.fr |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Jeu 2 Nov - 18:49 | |
| http://meeting.senonevero.net/article.php3?id_article=122 |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Ven 3 Nov - 14:18 | |
| Bien le bonjour, Je vais répondre à tes questions, cela m’a paru intéressant de faire un petit topo sur le fonctionnement interne de l’Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO), je ne vais pas rentrer dans les détails, du moins je vais essayer de trouver un juste équilibre.
A la suite de l’envoi des forces de police le matin du 14 juin contre les enseignants, qui manifestaient depuis le mois de mai, la population de la ville d'Oaxaca prit spontanément le parti des maîtres d’école. C’est en grande partie avec l’aide des habitants du centre que les enseignants purent se remettre de l’attaque surprise des flics et reprendre l’offensive, infligeant aux forces de l’ordre de l’Etat d'Oaxaca une défaite dont ils ne se remettent pas. A la suite de cet affrontement, eurent lieu deux manifestations, qui ont regroupé plusieurs centaines de milliers d’habitants. Peu à peu, les gens ont commencé à s’organiser.
Le 23 juin, les délégués des colonies (les colonies sont des quartiers créés à partir de la concession de terrains par les habitants eux-mêmes), des associations civiles (de développement, de communication, de culture, d’éducation, de santé, de droits humains, de protection de la nature… Il y en a plus de 500 répertoriées dans tout l’Etat d'Oaxaca), des associations indiennes (UNOSJO, Service Mixe, CIPO Ricardo Flores Magon, Conseil des anciens de Yalalag, Service communautaire Ñuu Savi, Union des communautés et peuples indigènes Chontales, Union des femmes Yalatèques…), des représentants des communes de l’Etat (plus de cent communes se sont libérées à cette occasion, de la tutelle du Parti révolutionnaire institutionnel – PRI), des artistes, des représentants du secteur académique (université autonome de Oaxaca - UABJO), des groupes politiques de gauche et d’extrême gauche, des étudiants, des individus sans qualité particulière, des libertaires, des syndicats (de la santé, par exemple) et, bien entendu, la section 22 du syndicat de l’éducation (la section 22 est la section syndicale qui correspond à l’Etat d'Oaxaca) se sont réunis en assemblée pour désigner les membres d’une commission provisoire négociatrice. Cette commission, comme son nom l’indique, est chargée d’entreprendre les négociations avec le gouvernement fédéral (pour l’assemblée, le gouvernement de l’Etat d’Oaxaca n’existe plus), elle doit continuellement rendre compte des négociations à l’assemblée populaire, qui, en retour, lui dicte ses volontés. Théoriquement, les décisions sont prises par l’APPO, par la majorité des présents quand le consensus ne peut être atteint, jusqu’à présent la majorité a toujours été proche du consensus. J’écris "théoriquement" et "jusqu’à présent", car il se dessine une tendance, parmi les dirigeants syndicaux proches des partis, qui cherche à passer outre aux décisions de l’assemblée. La base ne se laisse pas faire mais ces manœuvres sont déplaisantes et à la longue accentuent le divorce entre deux courants (les modérés et les radicaux) et affaiblit par des tensions internes l’assemblée. Le 10, le 11 et le 12 novembre aura lieu le congrès constituant de l’Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca. Une dernière remarque, c’est une assemblée ouverte, tous les habitants peuvent y participer, cependant il existe comme une vigilance interne à travers une chaîne ou réseau de reconnaissances, dans le sens où il est toujours possible de savoir qui est "ce nouveau venu".
Il faut comprendre que la ville n’a pas été ébranlée dans ses fondements par l’absence et le non-fonctionnement des institutions gouvernementales. La vie continue comme avant, elle est même plus passionnante et agréable, c’est une ville touristique et les touristes l’ont désertée, ce qui a entraîné une perte des profits de l’industrie touristique et de ses satellites, mais les marchés sont approvisionnés, les magasins sont ouverts, les transports publics fonctionnent, les restaurants et les cafés sont ouverts, on y dépense son argent, seulement la ville est en alerte, des barricades aux entrées d’Oaxaca obligent à de longs détours et parfois, en alerte maximale, l’entrée de la ville est interdite, ou alors très difficile. Il y a aussi des barricades dans les colonies et dans les endroits stratégiques, elles sont en général ouvertes la journée, sauf celles qui se trouvent dans des endroits à protéger comme la radio communautaire, le zocalo, le siège de l’assemblée, ou des bâtiments publics désoccupés et interdits comme le siège du gouvernement, le tribunal, etc. Ces barricades ont été dressées spontanément par les habitants des colonies pour se protéger des opérations commandos des escadrons de la mort (des policiers municipaux en civil qui tiraient sur les gens, la nuit, à partir de camionnettes). Ces opérations d’assassinat, commanditées par le gouverneur déchu, à partir de commandos et de francs-tireurs continuent à faire des blessés et des morts à proximité des barricades ou dans des rues isolées. Des commissions ont été créées par l’assemblée pour le fonctionnement minimal de la ville, j’en cite quelques-unes de mémoire : commission de la santé, de l’hygiène, des finances, de la logistique, de la presse, de la cuisine et de l’approvisionnement (pour les campements et pour ceux qui viennent de l’extérieur), commissions des brigades mobiles et de la surveillance, de la sécurité.
La commission de sécurité a été constituée sur le modèle des topiles, ou plus précisément de la police communautaire telle qu’elle existe dans le Guerrero ou au Chiapas parmi les zapatistes, ils ont été désignés, ou plutôt acceptés (ce sont pour la plupart des volontaires) par l’assemblée. Les délinquants sont remis à l’APPO, qui, en général, après leur avoir expliqué la situation, les condamnent à un travail d’intérêt collectif comme balayer les rues, actuellement la situation se durcit et les voleurs sont souvent frappés quand ils sont pris par les commerçants. Quand il s’agit d’un assassin, d’un paramilitaire ou d’un franc-tireur, l’assemblée le remet à la justice fédérale, la PGR (Procuraduría General de la República) par l’intermédiaire du syndicat des enseignants.
Les revendications des enseignants et la destitution par l’Etat fédéral d’Ulises Ruiz restent au premier plan des négociations. Les enseignants ont obtenu satisfaction sur l’ensemble de leurs demandes, reste la destitution du gouverneur ou la reconnaissance de la disparition des pouvoirs dans l’Etat d'Oaxaca, qui est la revendication principale de l’Assemblée populaire. C’est là qu’apparaît la fracture entre les dirigeants syndicaux qui ont obtenu satisfaction sur tous les points et l’Assemblée, qui comprend aussi les instits de base, qui ne veut plus d’Ulises Ruiz. C’est la partie qui se joue actuellement. Les dirigeants syndicaux ont l’appui de l’opposition dite de gauche et représentée par le premier parti de l’Etat, le PRD, et avec lui une grande partie de la société civile. L’APPO se trouve face à une union sacrée de l’ensemble des forces politiques capitalistes. Derrière ces objectifs du premier plan se sont dessinés d’autres objectifs plus généraux et plus pratiques à travers une réflexion sur un nouveau pacte social, à laquelle a été conviée la société d’Oaxaca (par l’assemblée). Ce travail de réflexion et de proposition a commencé le 10 octobre et se prolongera par le moyen de tables de discussion et de dialogue, d’assemblées générales et de retour aux tables de discussion, jusqu’au congrès constituant de l’APPO. Environ 1500 personnes de tous horizons (dont les délégués des communes indiennes) participent à ce travail de réflexion sur un nouveau contrat social. Les tables sont les suivantes : 1. Nouvelle démocratie et gouvernabilité à Oaxaca ; 2. Economie sociale et solidaire ; 3. Vers une nouvelle éducation à Oaxaca ; 4. Harmonie, justice et équité sociale ; 5. Patrimoine historique, culturel et naturel d’Oaxaca ; 6. Moyens de communication au service des peuples.
La solidarité envers ce mouvement insurrectionnel s’exprime sur plusieurs plans, il y a d’abord une solidarité proche et quotidienne, des familles des quartiers qui, à 2 heures ou à 3 heures du matin, vont apporter du café chaud à ceux qui se trouvent derrière les barricades, qui apportent des provisions aux campements, des communes (souvent très pauvres) qui font parvenir de l’argent à l’assemblée. La marche sur Mexico a donné l’occasion à cette solidarité populaire de s’exercer avec toute la générosité dont elle est capable ; le campement qui se trouve actuellement dans la capitale reçoit de l’aide, alimentaire ou autre, de la part de la population. Il y a ensuite une solidarité plus militante du fait de certaines organisations syndicales, politiques et sociales qui s’est exprimée au cours du forum national et international qui eut lieu à Oaxaca le 14 octobre au cours duquel diverses propositions de soutiens ont été avancées : mobilisation nationale et internationale un jour déterminé (à préciser), bloquer la circulation en divers points de la capitale du Mexique, création d’une alliance nationale unitaire, manifestation devant la télévision pour exiger un droit de réponse, campements dans tous les Etats de la république pour exiger la libération des prisonniers politiques et de conscience… En fait, la solidarité s’est surtout manifestée par l’intermédiaire de petits comités (étudiants, libertaires, radios libres, associations civiles, groupes d’extrême gauche, l’autre campagne zapatiste) qui se sont constitués à cette fin et qui offrent un appui logistique (au cours de la marche et dans la capitale) et de communication, informer sur ce qui se passe à Oaxaca (face à la désinformation et la calomnie). Il faut savoir qu’au Mexique les principaux syndicats ouvriers et paysans sont aux mains du pouvoir par le biais du Parti révolutionnaire institutionnel, qui a contrôlé le mouvement ouvrier, et plus tard paysan, à partir de 1920. Ce n’est qu’exceptionnellement que certaines sections syndicales ont pu s’émanciper de la tutelle de l’Etat, comme ce fut le cas de la section 22 du syndicat de l’éducation nationale, le syndicat reste dans son ensemble entre les mains de dirigeants "charros", c’est-à-dire des dirigeants qui sont dans le cercle du pouvoir. Dans ce domaine d’une solidarité effective c’est encore le monde indigène, et paysan (70% de la population d’Oaxaca est indienne) qui l’apporte par sa détermination à mettre fin à la domination des caciques, ceux qui, avec l’appui de tout l’appareil de l’Etat, cherchent à s’emparer à leur seul profit des biens collectifs.
Je ne pense pas avoir répondu à toutes les questions que vous vous posez et surtout y avoir répondu avec la clarté et la précision nécessaires à une bonne compréhension de la réalité. J’ajouterai qu’à mon sens le mouvement insurrectionnel d’Oaxaca est essentiellement empirique et pragmatique, les idéologies sont à sa traîne et elles ne cherchent même pas à le contrôler. Il risque d’être marginalisé par la société civile, cette part indéfinissable, mais importante, de la société attachée aux droits de l’homme contre le droit des peuples et des communautés villageoises (ou de quartiers). C’est un mouvement désarmé face à l’infanterie de la marine mexicaine à laquelle s’ajoutent des bataillons de l’armée de terre et les forces de la police préventive fédérale. Sa marge de manœuvre dans ces conditions est très étroite. L’Etat attend sa marginalisation dans la société pour intervenir au nom du rétablissement de l’Etat de droit. A la suite de cette intervention, les leaders dans les communes isolées, qui n’auront pas été emprisonnés sous divers prétextes, seront assassinés par des groupes de choc paramilitaires. D’un autre côté, la société mexicaine n’est pas disposée (du moins, il me semble) à accepter un retour aux bonnes vieilles traditions de la violence étatique, qui avait caractérisé les temps, désormais révolus, du parti unique, dans ces conditions, il appartient à l’assemblée populaire de surmonter les tentatives de division, de trahison et d’isolement instruites par l’Etat et ses partisans. Le prochain congrès, le 10 novembre, pour la mise en place d’une assemblée constituante sera déterminant pour l’avenir de ce mouvement social.
Oaxaca le 18 octobre 2006.
George Lapierre
[ texte diffusé par le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte - http://cspcl.ouvaton.org ] |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 4 Nov - 11:20 | |
| Des membres de l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca (APPO) sont sortis de la Ville Universitaire et avec des étudiants ont récupéré l'avenue Université, tandis que les éléments de la Police Fédérale Préventive (PFP) se replient.
L'avenue l'Université longe le campus universitaire, où des étudiants et des appistes se concentrent et repoussent la progression des éléments fédéraux.
Malgré le fait que sont arrivés sur le lieu plus d'éléments de la PFP, il est difficile de contrôler les manifestants, qui entourent pratiquement la police fédérale, les
En ce moments les deux groupes échangent des projectiles. L'APPO lancent des pétards et des coctels molotov, tandis que les éléments fédéraux lancent du gaz lacrymogène.
Les projectiles de l'APPO atteignent les éléments fédéraux et quelques reporters, en causant des blessés, parmi lesquels se trouvent Miguel Dimayuga, photographe de la revue Proceso -qui a reçu une pierre-, et David Jaramillo, reporter graphique de El Universal, d'après W Radio. Du côté de l'APPO on rapporte 10 blessés.
De plus en plus de sympathisants et de membres de l'APPO se dirigent à la Ville Universitaire par toutes les avenues qui y confluent.
Dans les entrées de l'avenue Universidad vers la Ville Universitaire il y a au moins quinze camions de transport public en feu, et les gens sortent de leurs domiciles à cause de la chaleur provoquée par le feu.
Les hélicoptères de la PFP survolent le lieu et lancent du gaz lacrymogène, tandis qu'on apercoit des colonnes de fumée, qui indiquent que quelque chose prend feu à l'intérieur.
Le croisement avec Cinco Señores a été libéré des éléments de la PFP et est aussi récupéré par les manifestants de l'APPO.
La Jornada, 02/11/06, 15h01 http://www.jornada.unam.mx:8080/ultimas/se-enfrentan-pfp-y-appo-en- avenida-universidad |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 4 Nov - 18:06 | |
| Samedi matin à Oaxaca, Radio Universidad ne s'écoute plus sur les ondes de Oaxaca. Seule la connexion internet fonctionne. La Secretaría de Vialidades y Transportes (Ministère des transports) a suspendu la transmission illégalement.
Radio Universidad appelle tous les habitants d'Oaxaca qui sont connectés à internet de diffuser la radio avec des porte-voix et des enceintes pour que la population puisse l'écouter. Des tentatives pour reconnecter la radio sur les ondes d'Oaxaca sont en cours. |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: .. Lun 13 Nov - 14:01 | |
| Des dizaines de milliers de personnes ont participé aujourd'hui à la marche convoquée par l'Assemblée populaire des peuples d'Oaxaca (APPO) pour le départ du gouverneur Ulises Ruiz, et durant son parcours depuis la route à Mexico DF jusqu'au centre historique, les contingents ont reçu innombrables démonstrations de soutien de la part des habitants.
La marche a également été convoquée pour répudier la présence de la Police fédérale préventive (PFP). En plus des membres de l'APPO ont participé des familles de détenus et de disparus à partir du commencement du conflit, et spécialement à partir de l'arrivée de la PFP il y a neuf jours.
De la même manière, ont marché maîtres, caravanes de groupes solidaires provenants d'autres parties du pays, membres du Conseil général de grève de la ville de Mexico, des colons d'Atenco et des membres du Front populaire Francisco Villa.
Sur le parcours, de nombreux habitants des zones de Brenamiel et de Santa Rosa ont exprimé leur soutien aux marcheurs de différentes manières.
Les contingents ont commencé leur entrée dans la zone urbaine de la ville, capitale de l'Etat d'Oaxaca, deux heures après le début de la marche, au milieu de nombreuses consignes contre Ulises Ruiz, la PFP et le président Vicente Fox.
A celle déjà connue, "Ulises est déjà tombé, est déjà tombé!", a été ajoutée celle de "Oaxaca n'est pas une caserne, dehors l'armée !",
Durant le parcours, des dizaines de contingents se sont joints à la marche, qui s'est terminée à l'ex-couvent de Santo Domingo.
La Jornada, 5 novembre 2006, 14 h 02 (21 h 02 en Europe).
http://www.jornada.unam.mx:8080/ultimas/tumultuosa-marcha-de-la-appo
Traduit par Cybèle.
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| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Lun 13 Nov - 14:38 | |
| Un résumé des événements de la semaine passée
Vendredi 27 octobre des hommes armés en civil tirent contre les barricades et tuent trois personnes dont un journaliste new-yorkais d’Indymedia. Soi-disant pour rétablir l’ordre, le dimanche 29 octobre, à partir de 14 heures, 4.000 policiers de la PFP (Policia Federal Preventiva) s’avancent vers le centre d’Oaxaca, détruisent les barricades, repoussent les occupants avec camions à eau, gaz lacrimogènes et tirs d’armes à feu. Derrière les barricades, des vieilles femmes ravitaillent en pierres les jeunes qui les lancent sur les policiers. Certains militants avaient d’abord tenté de dialoguer avec ceux-ci : "Puisque vous êtes aussi foutrement baisés que nous, pourquoi vous nous faites ça et vous ne nous débarrassez pas d’Ulises ?" Alors que le zocalo est déjà occupé par la PFP, des centaines d’habitants s’y dirigent en familles et s’y installent comme chaque dimanche. Cette première journée d’assaut cause trois morts civils : un infirmier, un professeur et un enfant.
Durant tout l’après-midi, la direction de l’APPO n’a pas cessé d’essayer de contacter par téléphone la Secretaria de Gobernacion, ministère fédéral responsable de la police, en vain. Ils insistent dans tous leurs communiqués pour que les Mexicains et les citoyens du monde entier comprennent bien que ce n’est pas l’APPO qui a rompu le dialogue. Ils accusent le président Fox d’avoir choisi la répression violente malgré ses déclarations lénifiantes de solution pacifique, et dans la foulée accusent Felipe Calderon (futur président élu frauduleusement) de complicité : "Pauvre petit Calderon. Après ce qu’il a fait aujourd’hui, avant d’être président, il ne va pas poser un pied à Oaxaca durant tout son mandat."
A 19 heures, l’APPO abandonne le centre et se replie dans la cité universitaire. La répression se poursuit pendant la nuit, dans la ville et dans les colonies proches, et une cinquantaine de militants sont arrêtés à leur domicile.
La radio universitaire est la dernière radio qui subsiste aux mains des sympathisants de l’APPO : des étudiants l’occupent depuis six mois avec le consentement tacite du rectorat. Elle sert de moyen de tramission d’urgence : demandes d’envoi de médecins, de renforcement d’une barricade, etc. Entre ces communiqués et les chants révolutionnaires, elle diffuse les messages de solidarité qui affluent du monde entier.
Le recteur de l’Université autonome Benito Juarez d'Oaxaca (UABJO), Francisco Martinez Neri, exprime officiellement son inquiétude quant au risque de violences contre la communauté universitaire et condamne d’avance toute tentative de prise du campus par les policiers. Il appelle à la résolution de conflits par le dialogue et la négociation, selon la tradition démocratique d’un Etat de droit.
Les étudiants et les militants de l’APPO renforcent la défense de l’accès à la radio et préparent leurs armes : pierres et lance-pierres, cocktails Molotov, "basukas" consistant en un tube de PVC rempli de poudre à pétards – "une authentique métaphore de David et Goliath", commente un journaliste de La Jornada.
Le jeudi 2 novembre, la PFP donne l’assaut à l’université, malgré le refus très clair du recteur qui rappelle que la loi mexicaine interdit l’incursion des forces de l’ordre dans les universités autonomes, à moins qu’elles soient appelées par le rectorat. Les résistants sont environ 50.000, tous les habitants du quartier et les étudiants s’étant massés autour du campus pour le défendre. Après sept heures d’affrontements très violents, la PFP doit se retirer sans avoir réussi à atteindre le cœur du campus. Officiellement, ils diront qu’ils "n’ont jamais essayé d’entrer" ! Les résistants déplorent cependant une vingtaine de morts, une centaine de blessés, plus de 120 prisonniers et de nombreux disparus.
Solidarité nationale et internationale
Les marques de soutien et d’appui surgissent de tout le pays ainsi que de nombreux pays d’Amérique et d’Europe. La "Otra Campaña" des zapatistes, qui se trouve dans le Nord, ainsi qu’une multitude d’associations indigènes appellent à bloquer routes, autoroutes et ponts. Ils invitent à organiser une grève nationale le 20 novembre. La communauté "Las Abejas" organisera le 9 novembre une caravane depuis le Chiapas pour apporter vivres et médicaments à Oaxaca. Tous les communiqués montrent la même conscience de lutter contre les mêmes exploiteurs, les mêmes dominateurs voleurs de terres et de ressources naturelles, corrompus et assassins.
Dans l’État d’Oaxaca comme dans les autres États de la République, quand on parle avec les gens dans la rue, tous ont la même indignation vis-à-vis de cet assassin qui se cramponne au pouvoir au prix de dizaines de morts, et beaucoup ont la conviction que les années de soumission sont terminées, que maintenant le peuple ne se laissera plus tromper et abuser.
Dans le monde, des manifestations et occupations ont eu lieu devant les ambassades et consultats du Mexique, notamment à Vancouver, Los Angeles, Boston, Chicago, Lima, Londres, Madrid, Barcelone, Milan et d’autres villes d’Italie.
La situation actuelle
Le samedi 4, une partie des personnes arrêtées ont été libérées ; toutes se plaignent de tortures physiques et psychologiques. L’armée occupe la ville et a même reçu 2.000 effectifs supplémentaires pour assurer son omniprésence. On dégage progressivement les carcasses de véhicules brûlés, les commercent rouvrent timidement, craignant encore des incursions de tireurs "non identifiés". Radio Universidad est toujours gardée par des barricades, l’état d’alerte se maintient (vendredi matin un groupe d’hommes armés a tiré sur les antennes mais sans les endommager suffisamment pour arrêter les émissions).
Hier, dimanche 5 novembre, des dizaines de milliers d’habitants venant de l'État d’Oaxaca et d'autres Etats ont formé une gigantesque marche vers la capitale de l’État pour exiger à la fois la destitution du gouverneur et le retrait des forces de police, au cri de "Oaxaca n’est pas une caserne : dehors l’armée !". Il n’y a pas eu de nouveaux affrontements avec la PFP, qui s’est contenté de suivre la caravane et de l’observer. L’APPO demande à nouveau au président Fox d’installer une table de négociation, au plus tard pour ce mardi.
Avancées politiques
Les choses semblent cependant avancer politiquement : la Procudaria General de la Republica (la plus haute instance de justice) a ordonné une enquête sur les relations entre le PRI local et les groupes paramilitaires ; un haut fonctionnaire a été envoyé à Oaxaca par le secrétaire de gouvernement Carlos Abascal Carranza (l’équivalent du premier ministre) pour favoriser les négociations et pour rencontrer notamment le recteur de l’université. Le fonctionnaire a assuré à celui-ci qu’"il n’a jamais été dans les objectifs de la PFP ni dans les plans de l’opération d’entrer dans aucun espace appartenant à l’Université. Nous devons assurer la préservation de son autonomie." Le gouvernement a assuré qu’il n’interviendrait pas dans la programmation de Radio Universidad, qui jouit de l’autonomie de l’université. D’autre part, il a fait savoir que c’était au PRI de demander à Ulises Ruiz de se retirer. Les députés et sénateurs ont également exhorté le gouverneur Ruiz "à une réflexion sur sa capacité à gouverner". En fait, le PRI est divisé, une partie de ses membres ne voulant plus soutenir le gouverneur.
Complètement en décalage avec la situation, le Syndicat national des enseignants (SNTE), dirigé par la priiste Elba Esther Gordillo, reproche au gouvernement de mener des négociations avec la section 22 qui ne jouit d’aucun statut juridique, au lieu de les mener avec la direction nationale du syndicat.
La double position de l’Eglise
Comme il est bien connu, en Amérique latine, une partie de l’Église est très engagée à gauche tandis qu’une autre, et principalement la hiérarchie, est engagée à droite. On en constate un nouvel exemple avec la confrontation entre le président de la Conférence de l’Episcopat mexicain, qui donna son aval à l’intervention de la PFP, et les nombreux prêtres de l’Etat qui lui ont demandé d’expliquer ou de rectifier cette position. Dans un communiqué, les prêtres l’interpellent ainsi : "Nous ne doutons pas de la sagesse de nos évêques ni de leur capacité à discerner les signes des temps ; c’est pourquoi nous nous demandons : en réalité, ne pouviez-vous prévoir que ce que cherchait le gouvernement fédéral c’était une bénédiction pour la répression ?" De même, la messe de ce dimanche dans la cathédrale de Mexico a été interrompue par des centaines de personnes pour protester contre le soutien que l’archevêque Norberto Rivera avait déclaré en faveur de l’intervention policière.
Attentats à la bombe dans la ville de Mexico
La nuit dernière, peu après minuit, trois explosions de bombes artisanales ont ébranlé la capitale, la première dans une succursale de banque, la deuxième au tribunal électoral, la troisième au siège du PRI. Des précautions avaient été prises pour qu’il n’y ait pas de victimes : un appel téléphonique avait averti la police du secteur et une pancarte "Danger : bombe" avait même été apposée sur la porte d’une autre banque, où se trouvait une quatrième bombe qui n’a pas explosé. Il n’y a jusqu’à présent aucune revendication, mais l’APPO a déjà communiqué qu’elle n’avait rien à voir avec ça.
Annick Stevens Sources : La Jornada, les communiqués de l’APPO et de diverses associations indigènes.
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| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Lun 13 Nov - 17:16 | |
| Considérant que les habitants d'Oaxaca ont le droit de vivre comme ils le veulent dans la ville et dans la région qui sont la leur ;
Considérant qu'ils ont été victimes d'une agression brutale des policiers, des militaires et des escadrons de la mort à la solde d'un gouverneur et d'un gouvernement corrompus dont ils ne reconnaissent plus l'autorité ;
Considérant que le droit de vivre des habitants d'Oaxaca est un droit légitime et que l’illégalité est le fait des forces d’occupation et de répression ;
Considérant que la résistance massive et pacifique de la population d'Oaxaca atteste à la fois sa résolution de ne pas céder à la menace, à la peur, à l'oppression, et sa volonté de ne pas répondre à la violence des policiers et des tueurs paramilitaires par une violence qui justifierait le travail de souffrance et de mort accompli par les ennemis stipendiés de la vie ;
Considérant que la lutte du peuple d'Oaxaca est la lutte de millions d'êtres revendiquant le droit de vivre humainement et non comme des chiens dans un monde où toutes les formes de vie sont menacées par les intérêts financiers, la loi du profit, les mafias affairistes, la transformation en marchandises des ressources naturelles, de l'eau, de la terre, des espèces végétales et animales, de la femme, de l'enfant et de l'homme asservis dans leur corps et dans leur conscience ;
Considérant que la lutte globale entreprise au nom de la vie et contre l'emprise totalitaire de la marchandise est ce qui peut empêcher le peuple d'Oaxaca de céder à ce désespoir qui sert toujours fidèlement le pouvoir parce qu'il paralyse la pensée, ôte la confiance en soi, entrave la faculté d'imaginer et de créer des solutions nouvelles et de nouvelles formes de lutte ;
Considérant que la solidarité internationale se contente trop souvent de rabâchages émotionnels, de discours humanitaires et de déclarations creuses où seule la fatuité de l'orateur trouve un objet de satisfaction ;
Je souhaite qu'un soutien pratique soit apporté aux assemblées populaires d'Oaxaca afin que ce qui n'est pas encore une Commune puisse le devenir. Car ce qui est en train de s'ébaucher se situe dans la lignée de la Commune de Paris et des collectivités andalouses, catalanes et aragonaises de 1936-1938, où l'expérience autogestionnaire jeta les bases d’une société nouvelle.
A cette fin, je fais appel à la créativité de chacun pour aborder des questions qui, sans préjuger de leur pertinence et de leur intérêt, sont de nature à apparaître, à tort ou à raison, dans la constitution d’un gouvernement du peuple par le peuple, c'est-à-dire d'une démocratie directe où les revendications individuelles soient prises en considération, examinées sous l'angle d'une harmonisation possible et dotées d'une accréditation collective qui permette de les satisfaire.
- Si tant est qu'il soit possible et souhaitable que les parents des victimes de la répression et de l'occupation policière se constituent partie civile contre le gouverneur et les instances responsables des assassinats et des violences, comment leur garantir un soutien international ?
- Comment empêcher les emprisonnements, l'action des paramilitaires, le retour de la région entre les mains sanglantes des corrompus ?
- Au-delà du sursaut d'indignation suscité par la barbarie policière et mafieuse, comment aider la population d'Oaxaca à donner des garanties effectives à cette aspiration qu'elle ne cesse d'exprimer : nous ne voulons plus être en proie à aucune violence ?
- Comment agir en sorte qu'aucune oppression ne s'exerce sur le droit de vivre des individus et des collectivités attachées à la défense de ce droit universel ?
- Quel soutien la solidarité internationale peut-elle apporter à la résistance civile d'Oaxaca en sorte que cette résistance civile devienne simplement la légitimité d'un peuple à se gouverner directement lui-même par le recours à la démocratie directe ?
Et dans une perspective de plus longue échéance :
- Si celle-ci le souhaite, comment pouvons-nous aider la Commune d'Oaxaca à collaborer à l’organisation de l'approvisionnement en nourritures et en biens d'utilité individuelle et collective ?
- Comment pouvons-nous aider les associations populaires à assurer elles-mêmes et sans dépendre des pouvoirs "d’en haut" la gestion des transports, des services sanitaires, de la fourniture en eau, en électricité ?
- Quel appoint international peut-il être fourni au projet d'"éducation alternative" qui, après la longue grève des enseignants, s'esquisse en Oaxaca ?
- Ne se trouve-t-il aucune association scientifique qui puisse faciliter le développement d’énergies naturelles et non polluantes dans la région d'Oaxaca ? Le but serait double. D'une part, éviter que celles-ci soient implantées autoritairement au profit de l'Etat et des multinationales – comme cela s'est passé dans l'isthme. D'autre part, rappeler que la préoccupation énergétique et environnementale n’a de sens pour nous que dans sa relation avec l'autogestion. Car, mises au service de communautés autogérées, elles ne permettent pas seulement de se rendre indépendants des mafias pétrolières et technologiques, elles instaurent peu à peu cette gratuité que leur caractère renouvelable et leur source inépuisable garantissent, une fois couverts les frais d'investissement. Et cette idée de gratuité des énergies, qui implique aussi la gratuité des moyens de transport, des soins, de l'éducation, est, plus encore qu'une arme absolue contre la tyrannie marchande, le plus sûr garant de notre richesse humaine.
Chaque fois qu'une révolution a dédaigné de considérer comme son objectif prioritaire le soin d'améliorer la vie quotidienne de tous, elle a donné des armes à sa répression. |
| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Lun 13 Nov - 17:24 | |
| Le gouverneur Ruiz est lâché par le gouvernement fédéral
Le ministre de la politique intérieure, Carlos Abascal, a déclaré dans une conférence de presse que le gouverneur d'Oaxaca, Ulises Ruiz, devait, ou bien parvenir à un pacte de gouvernement avec ses opposants et obtenir une trêve pour montrer qu'il était capable de gouverner, ou bien donner sa démission. Le ministre a refusé d'évoquer un possible chantage du PRI, qui menacerait d'être absent à la cérémonie d'investiture de Felipe Calderon. Il a annoncé que, si le fédéral n'avait pas le droit de destituer un gouverneur d'Etat, en revanche il existait des moyens légaux pour le contrôler : 1. un audit de la gestion des ressources fédérales reçues par l’Etat ; 2. une enquête judiciaire sur la responsabilité du gouverneur dans les violences perpétrées par des paramilitaires. Cependant, il s'est refusé à avancer une date pour le retrait de la police fédérale de la capitale oaxaquénienne, celle-ci étant, selon lui, nécessaire "pour garantir la sécurité des citoyens".
La situation sur place
Ce mercredi, l'APPO doit remettre une proposition au gouvernement fédéral dans laquelle elle demande la destitution de plusieurs hauts mandataires de l'administration Ruiz, comme condition pour entamer des négociations avec le ministre de l'intérieur.
Les étudiants estiments nécessaire de maintenir les barricades qui défendent l'université et la radio. En effet, la situation est toujours dangereusement tendue : des agressions sporadiques de la part de policiers ont encore eu lieu contre des indigènes ou contre des habitations ; la radio du gouvernement, Radio Ciudadana, continue à émettre des appels à la haine contre les professeurs et les militants de l'APPO ; des inconnus cagoulés ont détruit un fast-food à coups de cocktails Molotov. La chambre des députés a refusé au président l'autorisation de partir en voyage officiel au Vietnam et en Australie, estimant que la gravité de la situation requérait sa présence dans le pays. Un député de son propre parti s'est demandé non sans humour : "Pourquoi veut-il aller au Vietnam, puisqu'il a le sien ici ?"
Les actions futures
L'APPO appelle tous les groupes de lutte, formels ou informels, à envoyer des délégués à un congrès constitutif à Oaxaca, du 10 au 12 novembre, qui aura les objectifs suivants :
1. Constituer formellement l'Assemblée populaire des Peuples d'Oaxaca 2. Discuter et approuver les statuts, principes, programme et propositions de l'Assemblée nationale des peuples d'Oaxaca 3. Elire le premier Conseil national des peuples d'Oaxaca, qui sera l’organe de coordination et de représentation de l'APPO 4. Approuver le plan d’action à court, moyen et long terme.
L'organisation souligne à cette occasion que sa lutte ne se limite pas à chasser "le tyran Ruiz" mais a pour objectif de transformer profondément l'organisation politique de l'Etat pour répondre aux demandes des peuples qui l'habitent.
Les attentats à la bombe du DF revendiqués par cinq groupes de guérilla
Les attentats à la bombe qui ont secoué la ville de Mexico la nuit de dimanche à lundi ont été revendiqués en commun par cinq groupes de guérilla : le Mouvement révolutionnaire Lucio Cabanas Barrientos (MR- LCB), la Tendance démocratique révolutionnaire – Armée du peuple (TDR-EP), l'Organisation insurgée 1er Mai, la Brigade de justice 2 décembre et les Brigades populaires de libération. Ces organisations avaient déjà annoncé à la presse le mois dernier qu'elles passeraient à l'action si la police fédérale réprimait violemment la contestation à Oaxaca. Dans leur communiqué, elles reprennent les revendications de l'APPO et dénoncent en outre la fraude électorale et "la violence néolibérale institutionalisée". Malgré cette revendication, les autorités judiciaires n'excluent pas la possibilité que ces groupes ne soient pas les auteurs des attentats mais "profitent de l'opportunité pour se montrer". En tout cas, aucun mandataire judiciaire ou politique n'accuse l'APPO ou le PRD d'en être responsables, comme on l'avait tout de suite craint. Le ministre de la Sécurité publique, Eduardo Molina Mora, a déclaré l'état d'alerte contre la menace d'autres attentats, ce qui consiste à renforcer la surveillance policière et militaire des ports, terminaux aériens et routes fédérales.
Annick Stevens
Sources : La Jornada, les communiqués de l’APPO et de diverses associations indigènes.
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| | | kamchatk Invité
| Sujet: ... Sam 25 Nov - 15:35 | |
| Naissance de l’Assemblée populaire des peuples du Mexique, pour la démocratie directe issue de la tradition indigène.
Ce 20 novembre a été un jour historique au Mexique pour plusieurs raisons. La plus importante pour l’avenir est probablement la constitution officielle de l’Assemblée populaire des peuples du Mexique (APPM), qui regroupe 19 assemblées populaires, dont l’APPO, et 75 organisations sociales et politiques. L’APPM cherche à former un front le plus large possible contre la domination politique et économique de droite ; c’est pourquoi elle invite les zapatistes de l’« Autre Campagne » et le « Front élargi progressiste » (c’est-à-dire le PRD et les petits partis qui lui sont alliés) à se joindre au mouvement ; seuls sont exclus les groupes liés au PRI ou au PAN, dans la mesure où il doit s’agir d’un « processus d’organisation populaire qui veut en finir avec les vieux cercles de pouvoir et où les décisions émanent directement des assemblées, avec une coordination horizontale, sans possibilité d’imposer des décisions depuis des petits cercles de pouvoir ». Parmi les objectifs de l’APPM, en effet, le plus révolutionnaire est sans doute celui de promouvoir la formation d’assemblées à tous les niveaux, depuis le plus local jusqu’au plus fédéral, afin de « retrouver les traditions collectives, communautaires et populaires qui trouvent dans les assemblées l’expression la plus complète et la plus développée de la démocratie directe ».
La première activité de l’APPM sera l’appui au plan d’action de l’APPO, qui comprend, demain mercredi, une mégamarche vers la ville d’Oaxaca, des blocages de routes autour de celle-ci, et des meetings devant une quinzaine d’ambassades dans divers pays du monde.
À Mexico, les promesses du « Président légitime » López Obrador.
La célébration de l’anniversaire de la Révolution dans le centre ville de Mexico, c’est d’abord une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes qui assiste au défilé commémoratif, culturel et sportif, dans une atmosphère joyeuse et bon enfant. Mais cette année c’est surtout l’occasion qu’a choisie le candidat présidentiel, évincé par fraude, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), pour prendre symboliquement ses fonctions de Président légitime, avant que son rival Felipe Calderón ne le fasse officiellement le 1er décembre. Devant la foule accourue de tous les coins de la république, AMLO s’est engagé à protéger les droits du peuple, défendre le patrimoine et la souveraineté nationale et entamer la transformation profonde du pays. À cette fin, il a annoncé un programme en 20 points, parmi lesquels des initiatives légales pour affronter les monopoles économiques liés au pouvoir et pour favoriser l’économie populaire. En préparation du 1er décembre, le Palais législatif où doit se passer la cérémonie d’investiture de Calderón s’est transformé en une véritable place forte, gardée par des centaines de policiers, et dont tous les accès sont désormais scellés, murés, contrôlés. Une exposition consacrée à Pancho Villa, qui devait être inaugurée aujourd’hui, a été interdite par le PAN, au grand dam de tous les autres groupes politiques qui estiment les mesures de prévention démesurées. Qui sait cependant ce qui va se passer ce jour-là ? Une banderole sur le zócalo annonçait clairement : « La démocratie est morte. S’il n’y a pas de solutions, ce sera la révolution ».
Toujours l’état de siège à Oaxaca.
Dans la capitale d’Oaxaca, des affrontements ont eu lieu entre la Police fédérale préventive (PFP) et les quelques 1 500 partisans de l’APPO qui avaient organisé une marche pour commémorer l’anniversaire de la Révolution. Durant tout l’après-midi, les jets de pierres et les pétards ont lutté contre les gaz lacrymogènes et les matraques, avant que la PFP finisse par se retirer de la zone de la manifestation. On compte 53 blessés du côté de l’APPO et au moins 5 du côté des policiers. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et remis aux autorités judiciaires. Plusieurs journalistes et preneurs d’images, y compris appartenant à des agences de presse internationales et à la toute puissante télévision TV Azteca, ont été poursuivis et agressés par des policiers.
La Ligue mexicaine de défense des droits de l’homme dénonce le fait que « La Police fédérale préventive continue à violer les droits de l’homme, outrepasse ses fonctions et, au lieu de rétablir la paix, provoque le contraire » ; elle demande au gouvernement fédéral de retirer la PFP de l’État, vu que « sa présence aiguise le conflit ». Une femme n’ayant aucun lien avec l’APPO a porté plainte pour agression sexuelle de la part de policiers, et l’APPO dénonce un harcèlement continuel vis-à-vis des femmes de la part de la force d’occupation policière qui campe toujours dans le centre ville.
La radio libre sympathisante des insurgés, Radio Universidad, est toujours complètement entourée de barricades et gardée comme une forteresse ; la professeure de médecine Berta Muñoz, qui avait assuré l’antenne durant les sept heures d’assaut policier le 2 novembre, est désormais cantonnée à l’intérieur des locaux de la radio en raison des menaces de mort qu’elle reçoit sur son portable et qui sont diffusées par la radio proche du gouvernement. Elle a confié à une journaliste de « La Jornada » que rien ne serait plus pareil à l’université, qui doit désormais se rapprocher du peuple et lui donner la parole.
Quant au gouverneur de l’État, Ulises Ruiz, comme seule réponse à l’immense mouvement populaire qui réclame sa démission, il a déclaré que « celui qui retire et impose, c’est Dieu ». Cette tranquille assurance de gouverner de droit divin lui a valu le sévère reproche du coordinateur de la commission « Justice et Paix » de l’archidiocèse d’Oaxaca, pour avoir évoqué le nom de Dieu pour « justifier son maintien au pouvoir, qui manifestement est autoritaire, méprisant, despotique et tyrannique. Quand on idolâtre le pouvoir, on tombe dans la fétichisation et on n’écoute plus la voix du peuple. »
Du côté des zapatistes
D’État en État et de communauté en communauté, l’ « Autre Campagne », entamée il y a déjà presque un an, continue de donner la parole à toutes les victimes des confiscations de terres, des assassinats et disparitions, de la misère imposée par les grands propriétaires et leurs milices privées, les caciques et leurs policiers corrompus, les narcotrafiquants et leurs blanchisseurs. Donnant ainsi une voix aux sans voix, elle permet au moins de révéler à quel point la façade de démocratie et d’État de droit qu’affiche le Mexique vis-à-vis de l’extérieur est un leurre et une mascarade.
Hier, des milliers d’indigènes, « bases d’appui » de l’EZLN, ont bloqué diverses routes du Chiapas pour manifester leur soutien aux revendications de l’APPO.
Annick Stevens, à partir de « La Jornada ».
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| | | buenaventura Langue pendue
Nombre de messages : 2539 Date d'inscription : 17/02/2005
| Sujet: .. Dim 10 Déc - 22:10 | |
| Salut à toutes et tous,
Je vous avais laissés vendredi 1er décembre alors que se déroulait la marche et je vous confiais mes doutes au sujet de la mobilisation. Ce jour-là, malgré la présence évidente de flics en civil dans la manifestation et des patrouilles de la PFP à proximité, cinq mille personnes sont descendues dans la rue, défiant la peur et le gouvernement pour réclamer la libération des détenus, la fin de la répression et l’éviction du satrape Ulises Ruiz. Depuis et jusqu’à aujourd’hui, la situation n’a pas vraiment changé ici par rapport à celle que je vous décrivais.
Même si la PFP a libéré le Zocalo, sa présence dans le centre-ville est pesante et inquiétante et elle occupe toujours le Llano et le "parque", mal nommé pour la circonstance, de l’Amour. Les patrouilles circulent dans toute la ville, dans les quartiers périphériques et dans les municipalités qui sont considérées dangereuses aux yeux de l’autorité. Les arrestations de sympathisants au mouvement se poursuivent jours après jours. Beaucoup d’entre eux se sont planqués et certains sont entrés en clandestinité. Radio "Mapache", qui fait signer des pétitions pour demander sa légalisation, continue d’émettre des appels au lynchage et à la délation. Dans ce climat tendu de persécution et de répression, samedi dernier des inconnus ont mis le feu au palais municipal de Miahuatlan qui était aux mains de sympathisants de l’APPO (ceux-ci l’avaient déserté quelques jours avant devant l’arrivée de la PFP et des polices locales).
Des profs du secteur d’Ocotlan ont décidé de suspendre les cours dans 200 écoles de différents niveaux pour protester contre le harcèlement de la PFP et des corporations policières de l’Etat. Devant les menaces des paramilitaires et des groupes de sicaires payés par le PRI pour enlever et remettre aux autorités les profs impliqués dans le mouvement et pour demander la libération de cinq des leurs détenus à Nayarit, 4 500 maîtres d’école de la région des Cañadas n’ont toujours pas repris les cours. Lundi à Zaachila, des profs ont été détenus. Après l’incursion violente des flics à l’école primaire de San Isidro Zautla, dans la commune de Soledad Etla, des maîtres d’école ont été appréhendés. A Oaxaca, là encore, trois profs de la région de la Mazateca ont été capturés… Le leader de la section 22 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation, Enrique Rueda Pacheco, qui vit planqué de crainte d’être détenu à son tour, ne reconnaît pas la répression et le harcèlement que subissent les profs, et disqualifie la grève que mènent les maîtres de la région de Valles Centrales. Ce qui permet au directeur général de l’Institut de l’Etat de l’éducation publique d'Oaxaca, Abel Trejo Gonzalez, d’affirmer qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de persécution ni d’arrestation arbitraire ni non plus de chasse aux sorcières…
Des membres du centre de droits humains Yax’kin ont été suivis dans leurs déplacements par des flics en civil circulant dans des véhicules sans plaque d’immatriculation, ils ont été encerclés et pris en photos par les flics alors qu’ils sortaient de leur hôtel.
La Commission diocésaine de justice et paix et le Centre des droits humains Bartholomé Carrasco Briceño ont dénoncé le harcèlement et les menaces répétées dont sont victimes le mandataire de l’archevêché, Romualdo Wilfrido Mayrén Pelàez, et le curé de l’église de Siete Principes, Carlos Franco Lopez, pour leur soutien humanitaire aux blessés des manifestations précédentes.
Les familles des détenus se sont organisées en comité et ont manifesté dimanche dernier dans le centre-ville d'Oaxaca pour exiger la libération des prisonniers et le retrait de la PFP d'Oaxaca, puis, certaines d’entre elles se sont déplacées jusqu’à Nayarit, où elles ont renforcé un "planton" (occupation permanente d’un espace public) devant le palais du gouverneur de l’Etat. Les autorités pénitentiaires en charge de l’établissement de moyenne sécurité de Nayarit refusent toujours aux familles et aux avocats d’avoir accès aux détenus pour éviter le scandale sur les méthodes qu’utilise l’Etat pour en finir avec les luttes sociales. Peu à peu nous parviennent des témoignages et nous savons que les détenus ont été cruellement torturés plusieurs d’entre eux ont eu les doigts brisés sous l’effet du supplice, d’autres encore ont subi des violence sexuelles ou ont été menacés d’être tués, de disparaître sans laisser de traces…
Une fois de plus, en totale violation des traités internationaux qu’a signés le Mexique, les autorités pénitentiaires de Nayarit refusent l’attention médicale aux détenus blessés (certains sont dans un état grave et ont besoin d’attention médicale). Parmi les 141 détenus qui ont été déportés jusqu'à Nayarit se trouvent 3 mineurs qui ont été déclarés formellement prisonniers et incarcérés en ce lieu en absolue infraction avec les lois qui les protègent, de même que les 34 femmes détenues dans cette taule qui est un établissement exclusivement masculin. En clair, les autorités se contrefoutent des lois et des règlements qu’elles ont elles-mêmes conçus. Les trois juges du Centre fédéral de réadaptation social de Nayarit ont fixé des cautions jusqu'à 4 millions de pesos pour la libération des prisonniers qui ont été accusés, sans investigation sérieuse sur leur culpabilité, de sédition, d’association de malfaiteurs, incendie, etc., des charges qui peuvent entraîner jusqu’à vingt ans de condamnation...*
La persécution la plus brutale, la torture, la fabrication de délits, l’emprisonnement, les disparitions, les meurtres comme réponses aux expressions de mécontentement, l’impunité et la protection aux répresseurs et aux assassins.
Si on te frappe tend l’autre joue... En début de semaine, à l’initiative de l’artiste bien connu Francisco Toledo, des écrivains, des intellectuels, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des avocats et des représentants de l’Eglise catholique ont créé le Comité de libération 25 Novembre, qui se propose d’aider à la libération des prisonniers qui n’auraient pas commis d’acte de vandalisme, et qui n’auraient pas agressé les forces de l’ordre...
Lundi soir, à Mexico, quelques heures après que l’APPO eut annoncé que se tiendrait le lendemain le premier contact avec le gouvernement de Calderon par l’intermédiaire du tout nouveau secrétariat du gouvernement**, quatre conseillers de l’APPO ont été appréhendés en sortant d’une réunion (Flavio Sosa, son frère Horacio, Ignacio Gracia Maldonado et Marcelino Coache Verano, porte-parole de l’APPO et secrétaire général du syndicat indépendant du conseil municipal d'Oaxaca). Flavio Sosa, que les médias persistent à présenter comme le "dirigeant" ou le "leader" de l’APPO, a déclaré faire parti du PRD (quelques jours auparavant, on pouvait lire, dans une interview qu’il avait donnée, qu’il regrettait d’avoir démissionné de ce parti pour soutenir Fox durant la campagne présidentielle de 2000). Le message que fait passer le gouvernement avec l’arrestation des quatre conseillers de l’APPO qui étaient venus pour négocier est qu’il se sent suffisamment fort et qu’il réglera les problèmes sociaux et les protestations populaires en les criminalisant, en les réprimant, et en persécutant tous ceux qui n’adhéreront pas aux projets néolibéraux du pouvoir.
Le leitmotiv du gouvernement et de ses amphitryons résonne comme une menace : "Rien ni personne au-dessus des lois" (sauf pour eux-mêmes, leurs complices et leurs chiens de garde, bien entendu).
Oaxaca est un laboratoire d’expérimentation répressive dont les résultats pourront être étendus au reste du pays si besoin est.
Bon, et bien voila... je suis bien conscient que je vous ai dressé un bien sombre et déprimant tableau de la situation. Mais il est bien certain que les gens ici ne se sont pas soumis à l’ordre fascistoïde qui s’est imposé impitoyablement ; de plus, les problèmes de fond, sociaux et politiques, ne sont pas résolus et les revendications demeurent.
Dimanche prochain (le 10) une énième mégamarche est prévue pour exiger la destitution du despote, la libération des prisonniers, la réapparition des disparus, l’annulation des ordres d’appréhension et le retrait de la PFP de Oaxaca. On y attend plusieurs centaines de milliers de personnes.
ATENCO, OAXACA, NOUS TOUTES, NOUS TOUS !
A bientôt M, Oaxaca, vendredi 8 décembre 2006
* Aux dernières nouvelles : les autorités pénitentiaires de Nayarit obligent les familles à signer un document dans lequel elles s’engageraient à retourner à Oaxaca après avoir visité leurs proches détenus (138 à ce jour).
** Le nouveau titulaire du poste est l’ancien gouverneur de Jalisco Francisco Ramirez Acuña, qui s’était fait remarquer durant le troisième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine, Caraïbes et Union européenne, à Guadalajara en mai 2004, pour son zèle à réprimer les altermondialistes qui protestaient (détentions arbitraires, tortures, jugements injustes... certains sont encore en taule plus de deux ans après...).
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| | | kamchatka Langue pendue
Nombre de messages : 530 Date d'inscription : 17/12/2006
| Sujet: ... Lun 18 Déc - 12:56 | |
| DE PARIS À OAXACA, FORMONS DES ASSEMBLÉES EN LUTTE !
Depuis cinq mois un soulèvement populaire exigeant la destitution du gouverneur local secoue l’État d’Oaxaca au Mexique. Dans cette région, l’une des plus indiennes et en même temps des plus pauvres du pays, les peuples qui l’habitent ont décidé de dire "basta !" à la corruption, à l’exploitation et aux injustices qu’ils subissent au quotidien, en reprenant le contrôle de la ville à travers des blocages, des barricades, des manifestations afin de chasser les pouvoirs en place. Cependant la répression ne s’est pas fait attendre. La police militaire occupe tout le centre-ville, essayant d’en finir avec la révolte : on compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de morts, des dizaines de personnes disparues et des centaines d’arrestations, dont de nombreux cas d’enlèvement et de torture.
Face à cette situation, il nous semble important de manifester notre soutien aux peuples d’Oaxaca insurgés. N’oublions pas toutefois qu’ici aussi, nous subissons l’arbitraire et l’exploitation. Qu’ici aussi on décide à notre place. Qu’ici aussi il y a des révoltes et que des gens cherchent à reprendre leur destin en main. De Paris à Oaxaca, pour que nos luttes ne finissent pas isolées et réprimées, il est important de nous rencontrer, de nous écouter.
C’est pourquoi nous aimerions vous inviter, dimanche 17 décembre, à une assemblée en lutte afin de faire part aux révoltés d’Oaxaca de notre solidarité, en portant la parole des luttes menées ici.
RENDEZ-VOUS 14 HEURES DIMANCHE 17 DÉCEMBRE AU CENTRE INTERNATIONAL DES CULTURES POPULAIRES (CICP) 21 TER, RUE VOLTAIRE, PARIS XIe, MÉTRO NATION OU RUE-DES-BOULETS
Oaxaca libre !, Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL), Coordination de soutien aux luttes du peuple argentin (CALPA).
RASSEMBLEMENT MARDI 12 DÉCEMBRE À 18 HEURES POUR PROTESTER CONTRE LA VAGUE DE RÉPRESSION ACTUELLE À OAXACA FACE À L’AMBASSADE DU MEXIQUE 9, rue de Longchamp - 75116 Paris - M° Iéna
MOBILISATION INTERNATIONALE LE VENDREDI 22 DÉCEMBRE : MANIFESTATION À PARIS DE BEAUBOURG AU CONSULAT MEXICAIN
-- Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris) 33, rue des Vignoles - 75020 Paris - France réunion (ouverte) le mercredi à partir de 20 h 30 http://cspcl.ouvaton.org cspcl(a)altern.org liste d'information : http://listes.samizdat.net/sympa/info/cspcl_l | |
| | | kamchatka Langue pendue
Nombre de messages : 530 Date d'inscription : 17/12/2006
| Sujet: ... Sam 6 Jan - 16:26 | |
| BULLETIN D’INFORMATION DE LA PREMIÈRE RENCONTRE DES PEUPLES ZAPATISTES ET DES PEUPLES DU MONDE. Bulletin nº 3 Le 31 décembre 2006.
Le deuxième jour de la Rencontre des peuples zapatistes et des peuples du monde, qui rassemblait près de 2 000 compañeras et compañeros de 44 pays différents, a été une journée consacrée au groupe de travail abordant les thèmes "l’Autre Santé", "l’Autre Éducation" et "la Lutte des femmes".
Comme prévu, les autorités autonomes des cinq conseils de bon gouvernement et des Communes autonomes rebelles zapatistes (MAREZ) ont participé aux différents groupes de discussion, où ils ont expliqué la façon dont les communautés et villages organisent l’enseignement dans l’autonomie et dans la résistance.
Les représentants de nos gouvernements autonomes ont fait le compte des écoles construites sur le territoire correspondant : certaines ont bénéficié de fonds issus de la solidarité mais beaucoup plus nombreuses sont celles qui ont été construites grâce aux apports des communautés. Ils ont également mentionné l’importance qu’il y a à former des "promoteurs d’éducation" élus par les assemblées des communautés pour se former et donner les cours dans les villages.
L’éducation zapatiste relie les 13 demandes fondamentales de la lutte zapatiste avec les matières enseignées au sein de quatre blocs de connaissances : vie et environnement, mathématiques, histoire et langues. La véritable éducation est celle qui émane des peuples et non celle qu’imposent les mauvais gouvernements.
Après les autorités zapatistes, ce fut le tour des compañeras et compañeros de nombreux pays du monde. Mixper, une chicana d’origine huichol, membre du collectif APC et du projet éducatif Semillas del Pueblo ("Graines du peuple"), a expliqué qu’aux Etats-Unis les personnes de couleur, les enfants des migrants et des indigènes sont marginalisées, humiliés, traités comme des inférieurs, et se voient dépossédés de leurs rêves dans les établissements publics.
L’école "Academia semillas del pueblo" a été bâtie à partir des nombreux rêves des membres de cette communauté qui voulaient récupérer leur identité et les traditions indigènes et former des élèves qui conservent leur identité indigène.
Juan Chávez, du groupe d’étudiants en résistance de l’institut de technologie d’Oaxaca, décrit brièvement un projet d’enseignement alternatif dénommé "Brigade communautaire" qui consiste à fournir gratuitement un soutien en mathématiques et en physique et à enseigner l’histoire que le gouvernement nous cache.
Venu d’Argentine, une compañera du Réseau transhumant rapporte qu’un tel projet est né en 1998, dans une situation difficile dominée par un grand désespoir et fatalisme. Un groupe eut l’idée de parcourir tout le pays pour demander aux gens comment ils se sentaient. À bord d’un camion jaune appelé "Quirquicho", ils ont pris la route avec leurs ateliers de réflexion sur la réalité, utilisant la parole et les interventions artistiques. On l’a appelé transhumant parce que le groupe part en quête des meilleures terres.
Un compañero de l’université de Berkeley, en Californie, membre de la Radio zapatiste, raconte qu’un collectif réunissant des élèves et des professeurs zapatistes est en train de se constituer afin de changer les choses, par exemple en donnant des cours d’espagnol aux enfants de migrants d’Amérique latine afin qu’ils retrouvent leur identité.
Il y a eu aussi des interventions de frères et de sœurs du groupe Mexicains sans frontières ; de compas de "Ya Basta", d’Italie ; du projet Écoles pour le Chiapas, des USA, ainsi que d’une École populaire pour adultes de Prosperidad, de Madrid, Espagne.
En même temps que le groupe de discussion sur "l’Autre Éducation", un autre groupe abordait la question de "l’Autre Santé". Les représentants des autorités autonomes des cinq conseils de bon gouvernement y ont souligné l’importance de réhabiliter la médecine traditionnelle chez les peuples indigènes. Il y a été question de l’organisation de la santé dans la résistance en formant des "promoteurs de santé" et en construisant des petits dispensaires, des microcliniques et des hôpitaux zapatistes.
Les représentants et représentantes des communautés en résistance ont donné leur position en ce qui concerne l’avortement. Ils signalèrent que les avortements ont souvent lieu sans être provoqués, car les fausses couches sont fréquentes, vu les circonstances dans les communautés. "Beaucoup de femmes connaissent ce problème, sans pratiquer ni rechercher l’avortement, c’est dû aux conditions de vie indigènes", expliquent-ils.
Dans le cours du débat qui a suivi les exposés, on a insisté sur l’importance qu’il y a à renforcer l’éducation sexuelle et la "santé reproductive". On a aussi évoqué la question de la santé mentale, l’importance des campagnes de vaccination sans passer par le gouvernement, l’emploi de fourneaux écologiques qui évitent les problèmes dus à l’inhalation de la fumée de feu de bois dont souffrent beaucoup de femmes, ainsi que l’importance de l’éducation en vue d’un planning familial.
Les zapatistes ont expliqué que leur fragile système de santé soigne gratuitement toutes les personnes membres des bases de soutien dans leurs villages et fournit même un service de santé aux indigènes qui ne sont pas zapatistes, car "la santé est un droit qu’il faut appliquer sans distinction, contrairement à ce que fait le mauvais gouvernement".
Après quoi, 20 compañeros et compañeras de différentes parties du monde ont raconté diverses expériences de santé alternative. Le Collectif Brigada Callejera ("Brigade de rue"), du DF, nous a parlé de l’assistance qu’il fournissait aux travailleuses du sexe à Mexico, tandis qu’un autre collectif, de Michoacán, a insisté sur l’importance de la physiothérapie dans la santé : "Le capitalisme rend malade et n’apporte que des solutions partielles en vue de la guérison."
Ximena Castillo, venue du Chili, a parlé de la santé mentale et de son travail dans un centre communautaire de réhabilitation pour schizophrènes. Et Gisela Morales, de Monterrey, a expliqué qu’elle travaillait dans une zone fortement marginalisée où les communautés chassent des reptiles pour se nourrir. "Il faut essayer de ne pas reproduire le système en nous et de trouver un autre modèle. Rappelons-nous que la terre et la nature sont les médecins et les hôpitaux les plus anciens", fit remarquer Gisela.
D’autres voix se sont fait entendre : les membres d’une mission indépendante ; une docteur de Mexico qui travaille avec les médecins des Sœurs aux pieds nus en Chine ; un compa de la Sierra totonaque qui est à l'origine d’un projet de santé communautaire ; un collectif du Yucatán ; une expérience de musicothérapie à Buenos Aires, et l’histoire émouvante d’une indigène du Canada, ainsi que l’intervention de frères et de sœurs d’Amatlán (dans le Morelos), du Costa Rica, du District fédéral et du Guatemala.
LA LUTTE DES FEMMES
Un ensemble de 20 femmes zapatistes ont présenté aujourd’hui de façon claire et nette les défis auxquels s’affrontent la femme indigène, les obstacles qu’elle doit surmonter au sein de la lutte, la participation des femmes zapatistes à l’autonomie, ses petites victoires, ses énormes problèmes, ses perspectives et le long chemin de sa lutte pour l’égalité dans les communautés.
Une à une, les zapatistes choles, mames, tojolabales, tzeltales, tzotziles et zoques ont raconté dans le détail leur vie au sein de peuples où l’on vit et subit le machisme, dans des communautés où leurs compañeros leur refusent toute participation à la vie politique et se moquent d’elles ou de leurs maris quand elles se consacrent à des travaux qui ne sont pas réservés traditionnellement aux femmes.
Elles ont dit et répété l’importance qu’il y a à s’organiser en tant que femmes et à participer dans toutes les tâches de la résistance, elles ont parlé de ce qu’elles considèrent leurs propres limites, comme de ne pas savoir l’espagnol et souvent de ne savoir ni lire ni écrire. "Mais nous apprenons petit à petit et nous sommes de plus en plus conscientes", disent-elles.
Sans crainte, les femmes zapatistes ont répondu à toutes les questions posées par un public avide de connaître leur manière de s’organiser et les difficultés auxquelles elles s’affrontent. Elles ont notamment annoncé qu’elles avaient déjà obtenu le droit de décider ensemble avec leur compagnon combien d’enfants elles voulaient avoir, bien qu’elles aient admis que bien souvent "il y a des maris qui n’obéissent pas".
Elles sont toutes d’accord pour dire qu’"il est nécessaire d’organiser une Rencontre de femmes pour échanger des idées et organiser ensemble la lutte".
Au chapitre de leurs petites et grandes victoires, les femmes de l’EZLN ont signalé qu’il y a maintenant des hommes qui s’occupent de tenir la maison (s’occuper des enfants, se faire à manger, prendre soin des bêtes, etc.) et qu’il y a toujours plus de femmes participant aux tâches de l’autonomie (santé, commerce, éducation, autorités municipales, membres du conseil de bon gouvernement, etc.). Elles ont aussi souligné le fait qu’il y ait des femmes insurgées gradées, sans oublier les miliciennes et les membres du Comité clandestin révolutionnaire indigène.
Lors de l’intervention des participants du Mexique et des autres pays du monde, on a pu entendre un message des femmes du Kurdistan, qui ont formé une brigade portant le nom de la Commandante Ramona ; le collectif Regeneración Cuidado Infantil, de New York ; des compañeros de La Otra de l’Autre Côté et du Réseau de soutien zapatiste de Madrid ; du Mouvement indépendant de femmes, du Chiapas ; du Front des travailleuses de l’IMSS ; du Centre des droits de la femme ; du Collectif mexicain Rompiendo la Noche ("Rompant la nuit"), du Nuevo León, ainsi que du Collectif Lucio Blanco, du Tamaulipas.
Au terme des débats, les femmes zapatistes ont posé une question aux participantes : "Que pensez-vous faire, vous, contre la maltraitance, le viol et les coups dont sont victimes les femmes dans le monde ?" La réponse a été : "Élever la voix, éduquer, dénoncer."
La coordination de ce groupe de discussion a été assurée par la commandante Sandra et par le commandant Moisés, appartenant à la zone de Morelia. Tous deux ont rappelé qu’en ce 31 décembre "nous fêtons l’anniversaire des 13 ans de notre lutte, depuis le jour où nous avons dit ya basta ! à la discrimination et au mépris dont souffrent les femmes indigènes."
La journée s’est achevée par un programme culturel, un bal et des chansons pour dire au revoir à 2006 et souhaiter la bienvenue à la 14e année de la lutte zapatiste.
-- Traduit par Angel Caido. Diffusé par le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris) - 33, rue des Vignoles - 75020 Paris - France réunion (ouverte) le mercredi à partir de 20 h 30 http://cspcl.ouvaton.org | |
| | | kamchatka Langue pendue
Nombre de messages : 530 Date d'inscription : 17/12/2006
| Sujet: ... Sam 13 Jan - 16:44 | |
| Lundi 15 janvier 20h30 Révoltes d'Oaxaca, Rencontres Internationales à Oventic au Chiapas, quelles solidarités ? Débat avec François-Xavier, militant du Comité Chiapas Paris à B 17 (17 rue Paul Bellamy - Tram 2 arrêt 50 otages)
De l'insurrection de 1994 de l'EZLN contre le traité de libre-échange nord-américain (ALENA) à la mise en place des Caracoles (2005) qui édicte une autre façon de gouverner : "Commander en obéissant", de l'Otra Campagne aux rencontres internationales d'Oventic de décembre 2006, les zapatistes continuent d¹ouvrir de nouvelles perspectives pour les luttes contre les dominations et l'émancipation. Ce mouvement au Mexique n'est pas isolé, d'autres forces populaires et sociales se dressent pour faire avancer les revendications de Justice et de Liberté. Cela a été le cas dans la région de Oaxaca.
" Il était une fois, au Mexique, une ville et sa région soumises à la tyrannie meurtrière d'un gouverneur véreux. Les habitants presque unanimes décident un jour de le chasser et de faire leurs affaires eux-mêmes. Ils occupent la rue et les administrations, mettent en déroute les sbires du cacique, créent une assemblée populaire souveraine et, le temps d'un long été, s'adonnent aux plaisirs interdits de la démocratie directe. Ils veulent vivre librement et dignement, c'est-à-dire sans se plier aux diktats de la mondialisation. Les puissants, d'abord pris de court par cette révolte qui menace de faire tache d'huile, mettront près de six mois à reconquérir le terrain perdu par l'économie. Des gens de guerre sont dépêchés par milliers pour envahir et punir la ville insurgée. Ils appliquent de vieilles recettes : mitraille à profusion, sévices systématiques, prison et déportation. La ville est reconquise, la Commune d'Oaxaca est assommée, les séditieux sont traqués : les touristes et les businessmen vont pouvoir revenir. Mais cette révolte si persistante a su entre-temps se faire connaître : un peu partout dans le monde, des gens de coeur ont proclamé leur solidarité avec les barricadiers d'Oaxaca, faisant çà et là quelque tapage afin de gêner la répression. Un peu partout, mais trop peu en France : ici, les médias aux ordres ont passé sous silence ces événements pourtant peu ordinaires. Ici, grandes âmes et beaux esprits n'ont pipé mot pendant qu'on assassinait la liberté à Oaxaca. Par le présent fascicule, nous entendons réparer cet oubli très volontaire. " Extrait de la brochure édité par l'Insomniaque et CQFD).
Quelles solidarités et quelles perspectives politiques novatrices apportent ces mouvements ? Venez en débattre avec François-Xavier, militant du Comité de solidarité avec le Chiapas en lutte (CSPCL).
Soirée organisée par le SCALP/No Pasaran | |
| | | kamchatka Langue pendue
Nombre de messages : 530 Date d'inscription : 17/12/2006
| Sujet: ... Sam 13 Jan - 17:58 | |
| Bien le bonjour, Je rentre de la région mazahua, au nord de la capitale. C’est une région montagneuse oùl’eau, bien précieux pour une capitale de plus de 25 millions d’habitants, abonde ; des retenues y ont été construites qui alimentent en eau une partie du District fédéral et de l’État de Mexico. Une retenue avait cédé et des terres avaient été inondées, les femmes mazahua, vous vous en souvenez sans doute, avaient alors constitué une armée zapatiste pour obtenir des indemnisations et différents ouvrages (comme l’accès à l’eau courante !) que leur avait promis le gouvernement. La lutte continue d’ailleurs et tout dernièrement elles ont dû fermer les vannes d’un barrage (le barrage de Cutzamala) pour que l’État se souvienne de ses promesses. Je suis allé à Pueblo Nuevo : en 1680, suite à la politique de regroupement et de concentration de la population indigène menée par l’Église, le royaume d’Espagne avait reconnu un territoire communal aux Indiens mazahua, d’où le nom du village, Pueblo Nuevo. Ces terres communales sont aujourd’hui remises en cause et les Mazahua de Pueblo Nuevo doivent faire face à un procès interminable tout en cherchant à s’émanciper de la tutelle des partis politiques. Simple délégation ou agence municipale, ils ont réussi à imposer, il y a peu, leurs autorités désignées selon les us et coutumes, mais leur but est de faire reconnaître Pueblo Nuevo comme commune autonome et de ne plus dépendre de San José, le chef-lieu qui leur a été imposé. De là, je suis allé au hameau d’Aguazarca où les femmes mazahua, avec les hommes, tentent de construire, sans l’aide du gouvernement et avec bien des difficultés, vous l’aurez compris, une clinique communautaire, il n’y a que les murs, le soir tombe, nous sommes sans doute à 3 500 mètres d’altitude, la discussion s’engage sur la poursuite ou non de ce projet communautaire et puis elle dévie sur le rôle des nouvelles autorités issues de leurs rangs face à la municipalité. Les femmes sont assises par terre, protégées doublement par leurs châles et par les murs, les hommes restent stoïquement debout pliés comme des arbres sous le vent glacial qui descend du volcan la Nevada de Toluca. Ils vont poursuivre leur projet de clinique et se revoir pour préciser ce qu’ils attendent de leurs nouvelles autorités.
Sur la route du retour, nous passons par Toluca et je me sens soudain projeté dans le premier monde, un monde industrialisé où les voitures filent dans tous les sens sur des avenues à trois voies, avec des grands magasins largement éclairés, nous sommes loin du Mexique rural du Sud-Est, de la montagne mazahua et même d’Oaxaca, une gifle de la modernité, un univers de fiction où se dissout peu à peu le sentiment de notre réalité, le Rio Lerma si limpide quand il traverse Atlapulco est devenu un large égout dans lequel les usines à la façade pimpante déversent leurs déchets. J’ai fait le voyage en compagnie de Juana, qui est la présidente de l’association des femmes mazahua de la capitale. Elle m’a parlé du premier exode vers la capitale à la fin des années quarante, légende, mythe ou anecdote ? Un jeune couple accusé à tort d’assassinat a dû fuir la tribu pour échapper à la police, ils sont descendus de la montagne,marchant la nuit et se cachant le jour pour arriver finalement à Mexico où ils ont trouvé du travail ; elle ne m’a pas dit si la femme vendait des fruits sur une charrette ou si elle travaillait comme bonne dans une maison bourgeoise, mais elle m’a parlé de "la India Maria", la Bécassine mazahua des films à succès des années cinquante, puis de la télévision : bonne fille un peu niaise venue de sa lointaine montagne et qui faisait rire le bon peuple en lui donnant à bon marché, le sentiment d’une supériorité. C’est ce jeune couple qui aurait donné, à travers les relations qu’il avait gardées dans la communauté, l’idée aux Mazahua, surtout aux femmes, d’aller dans la capitale afin de trouver un palliatif à leur appauvrissement. L’exode des campagnes se poursuit et la métropole monstrueuse continue à absorber jusqu’à l’indigestion ces paysans qui fuient des conditions de vie, de survie, de plus en plus aléatoires et compromises.
"Nous, prisonniers politiques arrêtés le 25 novembre 2006, dont les noms et les signatures suivent en bas de cette lettre, nous voulons porter à la connaissance de l’opinion publique que nous n’avons commis aucun délit, c'est dire que nous sommes innocents et que l’on nous accuse de délits préfabriqués, pour cette raison nous ne sommes pas pénalement responsables, en conséquence nous n’avons pas à demander pardon à une quelconque autorité pour obtenir notre libération, nous sommes innocents. Le faire serait comme accepter notre culpabilité et sortir de la prison à genoux, nous demandons notre liberté immédiate et sans condition, sans chantage d’aucun type, notre liberté doit être obtenue le front haut, nous rappelons que nous sommes innocents. Nous demandons aux organismes internationaux des droits humains qu’ils insistent auprès des autorités pour venir prendre les témoignages de nous tous afin que des sanctions soient prises contre les diverses autorités pour leurs agissements contraires aux lois et à notre préjudice." Suivent les noms de trente détenus.
Malgré les menaces des directeurs des prisons, des matons et des policiers, les familles tiennent bon et continuent à occuper les abords des pénitenciers de Tlacolula, à une trentaine de kilomètres d’Oaxaca, et de Miahuatlán de Porfirio Díaz (qui porte bien son nom), à une centaine de kilomètres. A Miahuatlán, la situation est tendue, le directeur a interdit toutes les visites en accusant de cette mesure les familles du planton, du coup les prisonniers de droit commun chauffés par les groupes de pouvoir au sein du milieu pénitencier sont remontés contre les gens de l’APPO et les menacent de représailles. Bonjour l’ambiance ! Aujourd’hui, les familles de Tlacolula ont manifesté sur la route internationale Cristobal Colon qui conduit à Salinas Cruz et à Juchitán, ce n’est pas la première fois qu’elles le font.
Le satrape Ulises Ruiz chante sur tous les tons de la propagande que le calme et la tranquillité sont revenus dans sa bonne ville mais il va jusqu’à craindre une manifestation d’enfants pour le jour des Rois mages et il est amené à prendre des mesures draconiennes pour tenter de s’en protéger, en vain. Les flics ont bien formé un cordon menaçant tout autour des femmes de la Como (Coordinadora de las mujeres de Oaxaca, Primero de Agosto) qui, sur la place Santo Domingo, récupéraient des jouets pour les enfants des prisonniers, des disparus et pour les enfants de la ville, les gens ont passé outre à ce barrage de la flicaille et ont apporté des jouets en grand nombre, neufs et jusqu’à des tricycles. Comment peut-on être touristes dans une telle ville ? Le jour de la distribution des jouets, ce samedi, les flics ont bien interdit l’accès à la place Santo Domingo en barrant par de hautes grilles et par leur présence les rues qui y mènent, la distribution des jouets s’est faite sur une autre place, la place Carmen Alto, et elle a eu un énorme succès. Ulises Ruiz a loué plus de quarante autobus pour faire venir les paysans du CROC, le syndicat maison, et occuper la place de la Danza d’où devait partir la manifestation des enfants, plus de trois cents enfants sont partis de la rue qui se trouve à côté de la place. J’évite le plus souvent le centre-ville, qui sue la haine et la peur, comment peut-on marcher à l’ombre de toute de cette poulaille, dernière image de la ville où règne le tyran Ulises Ruiz ? | |
| | | kamchatka Langue pendue
Nombre de messages : 530 Date d'inscription : 17/12/2006
| Sujet: ... Sam 13 Jan - 17:58 | |
| Les dehors de la ville sont bien gardés aussi, la Sierra Norte est occupée militairement, des barrages, à l’entrée des deux routes qui pénètrent à l’intérieur de la sierra, veillent et se veulent dissuasifs. La guerre continue, plus souterraine, elle risque d’être longue. La population d’Atzompa, municipalité voisine d’Oaxaca, vient de s’opposer aux travaux de restauration de la mairie engagés par l’ex-président. Celui-ci, soutenu par Ulises Ruiz et sa police, pensait pouvoir reprendre pied. La population l’avait destitué pour nommer de nouvelles autorités liées à l’Assemblée populaire. Elle continue à les soutenir. A la frontière avec l’État du Guerrero, 20 des 36 communautés de la région triqui viennent de former, après maintes discussions, la commune autonome de San Juan Copala, qui sera régie selon les us et coutumes et où le conseil des anciens sera une des principales instances de décision, avec l’assemblée. Les nouvelles autorités, qui appartiennent toutes à l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, espèrent arriver un jour à ne plus dépendre de l’État grâce aux ressources naturelles de la région et au travail communautaire.
Quel est le devenir de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca et, plus généralement, quel est le devenir du mouvement social au Mexique ? Loin d’être un homme du passé issu d’un parti d’État archaïque et corrompu, Ulises Ruiz, comme Calderón, est l’homme politique du présent sinon de l’avenir, il représente le nouveau pouvoir, celui d’une oligarchie prédatrice s’appuyant sur les forces réactionnaires d’une société en décomposition (et dont elle précipite par son activité prédatrice la décomposition). Quelles sont ces forces ? La bourgeoisie dans son ensemble, le monde du commerce et de l’entreprise, attaché au gain, à l’immédiateté de l’argent, mais aussi toute cette partie atomisée de la société soumise au pouvoir, dont elle attend un appui dans un monde si impitoyable. La décrépitude du parti d’État ne fait qu’augmenter son angoisse et renforcer son attachement à l’autorité et à la brutalité la plus manifeste de son expression : l’armée dans sa fonction policière, les forces policières, les paramilitaires et les partis d’extrême droite. Calderón, par exemple, a bien compris cet attachement obsessionnel à l’ordre et à la sécurité au point d’en faire le thème unique de sa propagande. Nous le voyons vêtu d’une vareuse militaire vert olive et coiffé d’un képi à cinq étoiles, présider, entouré de généraux médaillés, les grandes manœuvres de la lutte contre la délinquance organisée. Ces manœuvres à grand spectacle aujourd’hui seront dirigées dans un proche avenir, n’en doutons pas, contre les mouvements sociaux, nous passerons alors de la mise en scène à la réalité.
Dans un article récent paru dans La Jornada, Carlos Beas parle de la dérive fasciste du gouverneur Ulises Ruiz : "La stratégie dessinée par le gouverneur Ulises Ruiz pour se maintenir au pouvoir a été le fascisme... En plus de détruire physiquement les opposants, il a cherché à créer un climat de terreur qui paralyse la population et la rend docile et malléable." Ulises Ruiz n’a fait que suivre la stratégie de la droite qui est au pouvoir depuis quelque temps déjà au Mexique et qui est celle des pays d’Amérique latine inféodés aux États-Unis : constitution des groupes paramilitaires au Chiapas aboutissant au massacre d’Acteal ; répression avec un luxe de brutalité et un grand mépris des droits humains des altermondialistes à Guadalajara (Jalisco), le gouverneur de l’État était alors Francisco Ramírez Acuña, aujourd’hui il est le ministre de l’intérieur de Felipe Calderón ; sauvage intervention de la police fédérale préventive à Atenco (État de Mexico), suivie de violences sexuelles, de tortures et d’emprisonnements arbitraires, le secrétaire de la Sécurité publique fédérale était alors Eduardo Medina Mora, Medina Mora est aujourd’hui procureur général de la République. Nous devons reconnaître que la droite ne manque pas d’un certain suivi dans les idées.
L’oligarchie au pouvoir se prépare à l’affrontement. Elle a clairement conscience de la fragilité de sa position sur le plan politique, de son absence de légitimité démocratique. Dans une société inquiète, profondément troublée du fait de sa politique libérale, la droite s’est accrochée au pouvoir contre la volonté de la majorité des électeurs, par un coup de force électoral, qui s’apparente un peu, nous devons en convenir, à un coup d’État. Nous nous trouvons en face d’une situation assez inédite, qu’il serait intéressant de définir, du moins dans ses grandes lignes. Sommes-nous en présence d’un nouveau fascisme comme semble le suggérer quelques auteurs d’opinion ? Le fascisme est le recours à l’État religieux, l’État chrétien du roi de Prusse, quand une crise sociale due à l’activité capitaliste met en péril un des fondements de la société bourgeoise, la division du travail. C’est l’État religieux, totalitaire, opposé à l’argent, qui reprend à son compte l’activité de division du travail, pour un temps du moins, celui de palier le déficit de l’État démocratique. Le Mexique connaît une profonde crise sociale due à l’activité capitaliste et l’État providentiel (dans le sens religieux du terme), qui pouvait freiner cette débâcle sociale, est lui-même remis en cause par les grands marchands, qui le perçoivent comme une entrave à la libre entreprise. Affaiblir l’État providentiel, c’est aussi courir le risque de voir surgir les mouvements sociaux (que l’État providentiel contenait avec plus ou moins de rigueur) mettant en cause, sous différentes formes, l’activité de division du travail du capital, le devenir totalitaire du monde. Le Mexique se trouve à cette croisée des chemins : L’État démocratique de la libre activité marchande des pays du "centre" (de l’œil du cyclone), est bien incapable ici de contrôler l’insatisfaction sociale née de cette même activité, mais l’État providentiel s’avère désormais un frein à la libre activité des marchands et doit en conséquence disparaître : la quadrature du cercle. Comment la résoudre ?
Mettre à la tête de l’État des gens totalement inféodés au monde des affaires qui vont mener une politique libérale à marche forcée (ce qui est le contraire du fascisme), engendrant une profonde crise sociale qu’ils se préparent à affronter en s’appuyant sur les forces réactionnaires issues de cette crise (ce qui se rapproche du fascisme) : les mouvements d’extrême droite, ce qui reste des organismes de contrôle social du parti unique, réseaux du parti d’État qui vont nécessairement se rapprocher des réseaux d’extrême droite pour former cette part de l’ombre, de la police secrète, cette part obscure du contrôle social, où se mêlent dans une grotesque connivence les réseaux mafieux du trafic de la drogue, les forces de police et les organisations politiques : "Vicente Fox et Felipe Calderón ont été plus près des courants les plus arriérés et brutaux du PRI que des secteurs de la population qui sont en train de demander depuis en bas un véritable changement démocratique pour le Mexique", nous dit Carlos Beas. C’est la part peu avouable du maintien de l’ordre, la part visible reste l’armée, symbole de la nation, de l’État souverain, mais, à l’inverse de ce qui se passe dans le fascisme, cette armée n’est pas conquérante, elle n’est qu’un instrument de police dirigé contre les forces vives de la nation.
Toute cette stratégie du pouvoir n’est pas seulement le fait du Mexique, elle vient de plus haut. Nous ne sommes pas dans une crise du capitalisme mais dans une crise sociale aiguë générée par l’activité capitaliste de suppression du travail. Dans les pays de la périphérie où existe encore une vie sociale forte faisant obstacle au devenir totalitaire du monde, la stratégie consiste à s’appuyer sur les forces réactionnaires nées de la désintégration sociale pour combattre les mouvements de résistance à cette désintégration. La périphérie (ou semi-périphérie) du système-monde capitaliste n’est pas seulement géographique, en fonction d’un centre originel et historiquement plus avancé, elle est essentiellement sociale, la périphérie peut être définie par la survivance d’une vie sociale fondée sur la culture de la réciprocité ; cette vie collective reposant sur l’échange réciproque peut être plus au moins autonome et forte comme c’est encore le cas dans certaines tribus africaines, elle peut-être plus ou moins dégradée comme c’est le cas dans les quartiers populaires. L’activité capitaliste, ou devenir totalitaire du monde, se nourrit de la décomposition des cultures, c’est le sens et l’unique visée de l’activité capitaliste : la guerre contre l’humanité. A la puissance du capitalisme nous ne pouvons opposer que la puissance de l’esprit : reconstruire une vie collective fondée sur la reconnaissance mutuelle, sur le sentiment de l’autre. La base de cette reconnaissance ne peut être que l’assemblée, de la communauté ou du quartier. C’est cette pratique ou cette tradition qu’il s’agit de reconnaître, de renforcer et d’étendre, non dans l’isolement mais à l’intérieur de tout un ensemble culturel régi par la règle de la réciprocité et où la fête et le potlatch restent le but de toute l’activité.
Cet après-midi il y a eu une nouvelle manifestation, partie de la place des Sept-Régions sous l’œil des troupes de choc d’Ulises Ruiz, mi-flics mi-commandos, les jaguars, sur des 4×4 flambant neufs, certains sur des motos tout aussi flambantes, la manif s’est dirigée, alerte et déterminée, vers la place de la Danza. Du monde. Le matin nous sommes allés visiter les familles des prisonniers de Miahuatlán. Moins de tensions, le directeur a levé l’interdiction de visite des familles, ce qui a assoupli les rapports dans la prison. Ils sont dix-sept, six femmes, onze hommes, venus de Tepic (Nayarit) plus deux, qui étaient là avant la rafle du 25 novembre. La majorité sont jeunes et poursuivent des études, ils sont dans une même cour et peuvent communiquer, les visites ne sont autorisées que pour les parents très proches. Certains d’entre eux ont été, selon une technique mise au point dans les geôles de l’armée américaine en Irak et poursuivie à Atenco, sexuellement humiliés. Ulises Ruiz n’a pas cherché à frapper, terroriser et humilier les seuls membres de l’APPO, mais bien tous les habitants d’Oaxaca, qui, sans participer activement à l’Assemblée, étaient solidaires de la lutte, tous ceux qui n’étaient pas proche des cercles du pouvoir finalement, et ils sont nombreux.
Oaxaca, le 10 janvier 2007.
George Lapierre
[ texte repris de la mailing liste [cspcl] http://listes.samizdat.net/sympa/info/cspcl_l ] | |
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