A travers ces cinquante ans d’anarcho-syndicalisme, la C.N.T. constitue
un courant
bien spécifique pour l’histoire du syndicalisme et de l’anarchisme.
Cette
spécificité s’exprime par l’organisation de l’anarcho-syndicalisme au
sein d’une
centrale qui se réclame de ce courant. Elle concerne le syndicalisme
dans la mesure
où étant un des plus vieux courants du syndicalisme, son action se
déroule dans le
champ syndical, et dans le même temps elle propose aux anarchistes un
mode
d’organisation pour arriver à leur objectif commun, le communisme
libertaire.
Continuité de la C.G.T.S.R. ou importation du modèle espagnol, la
C.N.T. est la
représentante en France de ce courant déterminé en 1922 avec la
création à Berlin
de l’A.I.T., qui n’est autre qu’une internationale
anarcho-syndicaliste.
La singularité de la C.N.T. se traduit par un rejet strict de toutes
les autres
formes d’organisation politique. Par sa critique systématique à l’égard
des grandes
centrales syndicales et de leurs modes d’action, par son refus du jeu
institutionnel visant selon elle à intégrer les syndicats par
l’association
capital-travail, elle fut rapidement marginalisée du champ syndical
et n’y joue
plus aucun rôle dès 1950. Par ses reproches adressés aux anarchistes
qui préfèrent
adhérer aux grandes centrales, elle se voit isolée au sein du mouvement
libertaire.
Esseulée, sur le déclin et par conséquent de plus en plus sectaire,
elle doit son
salut à la C.N.T. espagnole en exil. Sans cette dernière, la C.N.T.
aurait pu dans
les années soixante se dissoudre et disparaître définitivement. Mais sa
sœur
espagnole lui permet de garder une structure à travers deux journaux,
le Combat
syndicaliste et Espoir. Si ce "sauvetage" ne se traduit pas par un
renouveau des
activités syndicales, il assure néanmoins son existence et ce jusqu’en
1968. A
partir de mai 68, l’arrivée d’une nouvelle génération, trop turbulente
pour les
"anciens", marque une rupture entre les deux générations. La lassitude
pour
certains de ces vieux militants se conclut par leur départ, alors que
dans le
même temps, les jeunes "soixante-huitards" délaissent une organisation
devenue
anéantie et quasi-inexistante. Les lendemains de mai 68
marquent ainsi la fin d’une première C.N.T. née en 1946 et morte en
1973. Seule une
poignée de militants s’obstine à faire revivre leur organisation. Il
s’agit pour la
plupart de jeunes, sans expériences syndicales et de quelques
survivants de la
première C.N.T. tels que Joseph Vincent, Antoine Turmo et Emile Travé.
Cette
reconstruction se fait sur une vingtaine d’années. Le bilan de ce
renouveau est
assez positif si l’on s’en tient aux chiffres : un peu moins d’une
cinquantaine
d’adhérents en 1973 contre un peu plus de cinq-cent en 1993. Malgré
un état qui
reste groupusculaire, il s’agit d’une progression non négligeable. Pour
connaître
cette croissance, la C.N.T. a su profiter de la crise du syndicalisme
et de sa
recomposition qui débute dès la fin des années quatre-vingts. Elle a en
effet
bénéficié de l’arrivée de syndicalistes issus pour la plupart de la
C.F.D.T. : il
s’agit d’adhésions souvent idéologiques, mais aussi de l’adhésion de
travailleurs
qui rejettent tout
simplement le syndicalisme tel qu’ils peuvent le connaître sur leur
lieu de
travail. La C.N.T. s’implante alors dans quelques secteurs du public,
les P.T.T. et
l’éducation, et créé également de solides syndicats dans le privé, à la
C.O.M.A.T.E.C., à la S.P.E.S. et à la Fnac. Cependant ces nouveaux
syndicats
induisent de nouvelles
pratiques qui sont plus syndicalistes qu’anarcho-syndicalistes, dans le
sens où la
dimension idéologique, à savoir l’identité anarchiste de la C.N.T., est
très
souvent écartée. Or l’idéologie et la pratique doivent être intimement
liées. Il
n’existe pas de mouvement social sans idéologie. Ceux qui veulent
désidéologiser le
mouvement social ont tout de même une idéologie qui se rattache à une
famille
politique, et cette tentative de dissimuler l’idéologie cacherait en
réalité un jeu
de politiciens. Ainsi l’affiliation de la C.N.T. à l’anarchisme doit
être
clairement affirmée tout en préservant sa spécificité syndicaliste.
Deux courants
émergent alors à la C.N.T., un qui a pour priorité le développement de
noyaux de
militants conscients, c’est à dire anarcho-syndicalistes, et un autre
qui
privilégie la construction d’une organisation syndicale en excluant la
dimension
anarchiste. Ces deux courants scissionnent en 1993 et donnent naissance
à deux
C.N.T.
Cette scission fera l’objet d’une brochure dans laquelle nous
expliciterons plus en
détail les oppositions et conceptions des deux C.N.T.
*** Sommaire
LA CNT : UNE HISTOIRE À ÉCRIRE
I. UNE COURTE APOGÉE (1945 - ANNÉES 1950)
II. L’ISOLEMENT DE LA C.N.T. (ANNÉES 1950-1973)
III. UNE LONGUE RECONSTRUCTION (1973-DÉBUT DES ANNÉES 90)
[ L'ensemble du texte est à lire sur
http://cnt-ait.info/rubrique.php3?id_rubrique=144 ]