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 une histoire de la violence...

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buenaventura
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buenaventura


Nombre de messages : 2539
Date d'inscription : 17/02/2005

une histoire de la violence... Empty
MessageSujet: une histoire de la violence...   une histoire de la violence... EmptyMer 10 Déc - 15:55

« Il ne s'agit pas ici de faire l'apologie d'Action directe, mais de dépasser les
considérations « pseudo-psychologiques », qui ne prennent pas en compte la
dimension collective de l'élan contestataire de l'après 68 et, surtout, de montrer
qu'il existe certains tabous dans cette histoire de la violence politique en
France. »

L'histoire de la contestation des années 1970 en question : quand la parole
censurée devient une censure de l'histoire
par Delphine Galonnier, jeudi 4 décembre 2008
Lire l'article en ligne : http://marginales.free.fr/spip.php?article127

« Mes mots, s'ils respirent, ce n'est pas de ramper mais de dire. Et ce que je dis
ne plaît pas à ceux qui voudraient qu'on se taise. Car dans mon cas judiciaire, il
faudrait que j'accepte le livret de la victime expiatoire à la bonne raison de ne
plus rien faire, de ne plus se rebeller ou alors avec des mots sourds et aveugles,
étrangement orphelins de leur musique. »
Jann-Marc Rouillan, Lettre à Jules

Jean-Marc Rouillan est un militant communiste révolutionnaire depuis plus de trente
ans. Jean-Marc Rouillan est un prisonnier politique depuis vingt et un ans.
Jean-Marc Rouillan est devenu un écrivain depuis la parution de Je hais les matins,
en 2001 [1]. Il est aujourd'hui l'auteur de neuf ouvrages dans lesquels il décrit
la condition carcérale ainsi que son expérience individuelle et collective de la
lutte armée. Après avoir bénéficié de la semi-liberté pendant dix mois, Jean-Marc
Rouillan est retourné à plein temps en prison, suite aux propos qu'il a tenus dans
L'Express.

Contrairement à ce qu'on a parfois pu lire ou entendre au cours de l'emballement
médiatique qui a suivi, Jean-Marc Rouillan ne continuait pas de prôner la lutte
armée, mais remettait dans une perspective historique un point de doctrine
marxiste, qui fait partie des références d'un bon nombre de militants et de
sympathisants se réclamant de cette idéologie : « Le processus de lutte armée tel
qu'il est né dans l'après-68, dans ce formidable élan d'émancipation, n'existe
plus. Mais en tant que communiste, je reste convaincu que la lutte armée à un
moment du processus révolutionnaire est nécessaire. » Et plus loin, répondant à la
question du journaliste sur ses éventuels regrets, il commentait son interdiction
de parler des faits pour lesquels il a été condamné en janvier 1989 et pour
lesquels, rappelons-le, il a purgé sa peine de sûreté : « Je n'ai pas le droit de
m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car
il est évident que si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais
m'exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience
de tirer son vrai bilan critique. »

Pourquoi ces deux réponses, qui ne faisaient pourtant que reprendre ce que
Jean-Marc Rouillan n'a jamais cessé de dire, dérangent-elles autant ? Sans doute
parce qu'elles sortent de la bouche d'un homme condamné à la perpétuité pour des «
actes de terrorisme », qui n'a pas renié son engagement – malgré vingt et une
années d'incarcération dont sept et demie à l'isolement total et cinq grèves de la
faim. Et qu'aujourd'hui, cet homme, qui ne s'est pas repenti, souhaite continuer de
militer en intégrant un parti légaliste.

Comme on a pu le constater, le débat qui a suivi la parution de ces propos dans
L'Express s'est orienté sur la question de la repentance et sur la crédibilité d'un
nouveau parti, celui d'Olivier Besancenot, lequel allait intégrer dans ses rangs un
« ancien terroriste ». Nulle part, il n'a été question de débattre du choix,
discutable, qu'ont fait certaines personnes qui se sont radicalisées dans la lutte
et qui ont pris les armes au cours des années 1970-80. Et pour cause : pour
débattre de la légitimité ou non d'une telle option, il aurait fallu se replonger
dans l'histoire de ces dernières décennies et remettre Action directe (AD) dans la
perspective des autres organisations armées qui sont nées, en France, après Mai 68.
Or, comme le constatait la chercheuse italienne Luisa Passerini, la connexion entre
l'élan contestataire de Mai et ces organisations est un des problèmes les plus
difficiles à aborder de notre histoire récente [2]. Et bâillonner certains des
acteurs directs de cette histoire en les empêchant de tirer, à l'aide des armes de
la critique, un bilan de leurs actions passées ne nous aidera certainement pas à
comprendre comment l'organisation Action directe a pu, à un moment donné, décider,
au nom de la révolution, d'exécuter un général de l'armement et le patron de la
régie Renault. Il ne s'agit pas ici de faire l'apologie d'AD, mais de dépasser les
considérations « pseudo-psychologiques », qui ne prennent pas en compte la
dimension collective de l'élan contestataire de l'après 68 et, surtout, de montrer
qu'il existe certains tabous dans cette histoire de la violence politique en
France.


Action directe, une génération spontanée ? Retour sur les expériences de lutte
armée après 1968

Quand on se penche sur le contexte des années 1970, en France, on constate que la
réactivation de l’idéologie révolutionnaire après Mai 68 et, notamment,
l’opposition à la guerre menée par les États-Unis au Vietnam, ont conduit à la
formation de plusieurs groupes d’extrême gauche dont l’objectif était de ramener la
classe ouvrière à sa mission historique en lui offrant un autre projet politique
que celui des réformistes. C’est ainsi que se sont créées des organisations, aux
tendances idéologiques souvent antagonistes, comme la JCR (Jeunesse communiste
révolutionnaire, trotskiste) au printemps 1966, l’UJC-ml (Union des jeunesses
Communistes marxistes-Léninistes) en 1966, la GP (Gauche prolétarienne) en février
1969, ou VLR (Vive la Révolution) en septembre 1969. La GP, groupe d’obédience
maoïste qui comptait environ 3500 membres en 1971 [3], est l’un des groupes les
plus emblématiques. Qualifié de groupe « Mao-spontex » pour sa croyance en la
spontanéité des masses, les « gépistes » entendaient dépasser les organisations
ouvrières pour créer un « authentique » parti communiste ouvrier à partir de la
lutte des peuples. Officiellement interdite en 1970, par les lois Marcellin (du nom
du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin), la GP s’autodissout en 1973 après
avoir formé une organisation parallèle armée, la NRP (Nouvelle résistance
populaire), qui se distingue par des actions comme l’enlèvement d’un responsable de
chez Renault. La NRP sera dissoute dès janvier 1974 par ses dirigeants, qui
renoncent à la lutte armée. Tandis que d’anciens militants de la GP vont fonder, en
avril 1973, le quotidien Libération, sous l’égide de Jean-Paul Sartre, certains
rallieront, en 1977, les NAPAP (Noyaux armés pour l’autonomie prolétarienne) qui
ont revendiqué des attentats et des sabotages ainsi que l’exécution, le 24 mars
1977, de Jean-Antoine Tramoni, le vigile de Renault, responsable, en février 1972,
de la mort du syndicaliste et militant de la GP, Pierre Overnay. D’anciens «
gépistes » vont également participer, en 1977, à la coordination CARLOS
(Coordination autonome des révoltés en lutte ouverte contre la société), composée
d’autonomes, d’anarchistes et de communistes révolutionnaires, engagés dans la
lutte anticapitaliste et antinucléaire [4].

Par ailleurs, alors que, en Espagne, des mouvements de grèves voient le jour à la
fin des années 1960, des militants ouvriers, des étudiants s’organisent dans la
contestation. Des étudiants catalans en exil à Toulouse établissent des contacts
avec des militants français, ce qui conduit à la formation, en 1971, du MIL
(Mouvement ibérique de libération). Cette organisation rassemble une vingtaine de
membres français et espagnols, qui font le choix des armes et de la clandestinité.
Conçu comme un groupe de soutien aux mouvements ouvriers en grève en Espagne, le
MIL a pratiqué des « expropriations » (des braquages) de 1971 à 1973,
essentiellement sur le territoire espagnol, ainsi que des vols d’imprimerie à
Toulouse. L’objectif du MIL était aussi d’élaborer une « bibliothèque socialiste »,
une maison d’édition chargée de diffuser leurs idées et leurs références théoriques
d’obédience anarchiste, marxiste, conseilliste, voire situationniste. Le groupe
s’autodissout en août 1973. En septembre 1973, plusieurs membres de l’ex-MIL sont
arrêtés et font l’objet d’une sévère répression de la part des autorités
franquistes. Salvador Puig Antich est condamné à mort en janvier 1974. Une campagne
de soutien s’active en Europe. Dès janvier 1974, une coordination de plusieurs
personnes – dont des militants de l’ex-MIL, des anarchistes français et espagnols –
s’organise sous le sigle de GAI (Groupes autonomes d’intervention) qui deviendra
rapidement les GARI (Groupes d’action révolutionnaire internationalistes). Leur
action vise à soutenir leurs camarades emprisonnés en Espagne et à demander leur
libération. Le 2 mars 1974, Salvador Puig Antich est garrotté. Les GARI vont alors
se radicaliser en pratiquant des sabotages sur les voies ferrées et des braquages,
puis en kidnappant, à Paris, Baltasar Suarez, le directeur de la Banco Bilbao (mai
1974) ou en déposant des explosifs visant des bâtiments officiels de l’État
franquiste, comme le Consulat d’Espagne (juillet 1974). Ils bloquent également le
Tour de France en juillet 1974, lors de son passage dans les Pyrénées, et mettent
le feu à des bus de pèlerins en partance pour Lourdes. Les GARI se sont autodissout
fin août 1974 [5].
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buenaventura
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buenaventura


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MessageSujet: ..   une histoire de la violence... EmptyMer 10 Déc - 15:55

En cette année de commémoration des quarante ans de Mai 68, si la GP a très souvent
été citée, on ne peut pas en dire autant du MIL ou des GARI. Et quand le nom
d’Action directe a surgi, ce ne fut pas toujours pour rappeler une filiation entre
cette organisation et les discours et les pratiques de l’époque, mais parfois pour
vanter notre « exception française » : la culture des urnes contre celle de la rue
[6]. S’il est vrai que la France n’a pas connu d’épisodes de violence d’une ampleur
équivalente à ceux de l’Allemagne ou de l’Italie, cette vision de l’histoire nous
paraît toutefois révélatrice d’une forme de refoulement ou d’une volonté de
délégitimation d’organisations ayant entrepris, dans les années 1970-80, une
stratégie de guérilla contre la violence étatique. Certains anciens militants
eux-mêmes semblent des fois faire preuve d’amnésie à l’égard de leur passé et de
leurs velléités, à l’époque, de prendre les armes. C’est ce que démontre très bien
la politologue Isabelle Sommier dans son travail de recherche sur la forclusion de
la violence politique en France et en Italie [7]. Elle constate une prise de
distance de la part d’un grand nombre de ces militants vis-à-vis de ceux qui ont
suivi jusqu’au bout leur combat. Et comme elle le fait remarquer, « les rares
ouvrages écrits a posteriori par les acteurs directs surprennent par leur côté
souvent anecdotique, voire apologétique, d’un Mai 68 qui semble n’avoir été qu’une
gigantesque fête à la limite de la farce. De violence, il est peu question, sauf
sous un jour ludique (les barricades) ou pour évoquer la répression. Les années
suivantes sont, quant à elles, frappées par un black-out quasi-total : en France,
elles ont surtout donné lieu à des diatribes acerbes de la part d’ex-militants [8]
». Pour donner une idée du refoulement concernant le recours à la violence d’une
partie de l’extrême gauche ou de la filiation entre Mai 68 et les expériences de
lutte armée, il suffit de se plonger dans l’historiographie de la lutte armée, en
France, dans les années 1970. Celle-ci n’est pas pléthorique : le sujet est parfois
évoqué dans quelques biographies d’anciens militants ou dans certains travaux de
politologues, de sociologues ou de journalistes, mais il n’a jamais fait l’objet
d’une véritable synthèse historique. Comme le souligne Luisa Passerini, qui a
entrepris une recherche sur « la génération de 68 », « au manque d’enquêtes
s’ajoutent une aversion diffuse à en parler, le poids des préjugés et des rancœurs,
un sentiment de tabou. [9] »


Du MIL à AD : le parcours de Jean-Marc Rouillan

En mars 2005, un collectif éphémère publiait, aux éditions du CRAS [10], une
brochure, Retour sur les années de braise, les groupes autonomes et l’organisation
Action directe, qui faisait état de l’absence d’étude objective sur AD. «
Actuellement, constatait ce collectif, sur Action directe, nous n’avons
connaissance que de la situation pénale, des conditions de détention et de l’état
de santé des membres incarcérés ». En 2008, nous n’en savons guère plus. Il existe
toutefois le texte émanant d’Action directe, paru dans Cahier Front nº 6, que les
auteurs de la brochure du CRAS reproduisent et datent de la fin des années 1990. On
peut lire la version des prisonniers d’AD sur la genèse du groupe auquel ils ont
appartenu. On y apprend notamment que « l’année 1977 est marquée par l’émergence du
mouvement autonome européen et par sa liaison avec les offensives de la guérilla en
Allemagne et en Italie. En France, des militants révolutionnaires issus de
nombreuses et diverses expériences françaises et étrangères, depuis 1968, initient
un processus de convergence. Et ils établissent une coordination
politico-militaire, interne au mouvement autonome ». Ainsi « se retrouvent
d’anciens membres de groupes armés [...] du MIL et GARI [...], des NAPAP [...].
Durant près de deux ans, cette coordination mènera de nombreuses actions de
sabotages et de préparation à la lutte armée ». Si le collectif éphémère du CRAS
préfère employer le terme de « réseau » plutôt que de coordination, et évalue la
durée de ce dernier à un an plutôt qu’à deux, il n’en reste pas moins, comme il le
souligne, qu’« il y avait plusieurs ex-MIL et ex-GARI ». Selon le CRAS, ce n’est
pas, à proprement parler, cette coordination qui décide de créer AD, mais certains
groupes et individus qui la constituent. Le collectif éphémère avance ensuite
l’éventualité de la participation de membres des BI (Brigades Internationales) [11]
à la création d’AD. Mais comme le déclare le CRAS, « c’est à eux d’en parler ».

Toujours est-il que, contrairement à ce qu’on a parfois pu lire dans la presse ou
entendre sur les ondes, AD ne paraît pas avoir surgi, tel un météore, dans le «
climat pacifié » de la France du début des années 1980. À ce jour, nous n’avons pas
suffisamment d’informations pour discuter plus précisément de la filiation d’Action
directe avec tel ou tel groupe en particulier. Ce que nous voulons simplement
tenter de dire ici, c’est que cette organisation s’enracine dans les expériences
armées amorcées dans les années 1970. En ce sens, le point de vue des réalisateurs
Pierre Carles et Georges Minangoy, dans leur film Ni vieux, ni traîtres (2004), est
intéressant. Ce documentaire tente de revenir sur l’engagement, dans le MIL ou les
GARI, de certains membres d’Action directe, en particulier Jean-Marc Rouillan.
Certains pourront critiquer le manque de didactisme du film, son aspect trop
anecdotique. D’autres pourront contester la filiation entre AD et les MIL-GARI.
Nous ne souhaitons pas ici entrer dans ces polémiques, mais simplement souligner
l’intérêt de l’entreprise de Pierre Carles et de Georges Minangoy : dans ce climat
d’amnésie, ce documentaire aura au moins permis à quelques militants, ayant pour la
plupart fait de la prison, de revenir sur cette période de leur vie.

Les livres de Jean-Marc Rouillan peuvent également nous donner des pistes sur la
genèse d’AD, ou plus précisément, sur son propre parcours dans la lutte armée après
Mai 68. Si ses textes sont davantage des tentatives de restitution du climat
insurrectionnel de « ces années de braise » qu’un retour critique sur cette période
de sa vie, ils demeurent néanmoins un matériel utile à l’historien. Le parti pris «
littéraire » d’un ouvrage comme De Mémoire 1 [12] nous est précieux pour
comprendre, de l’intérieur, comment un jeune homme révolté est passé du gauchisme à
la lutte armée au cours de l’automne 1971, à Toulouse. Après avoir fait partie un
temps des CAL (Comités d’action lycéens) en 1968, Jean-Marc Rouillan s’est engagé
au sein du GAL (Groupe autonome libertaire), avec ses copains du pavillon de la rue
d’Aquitaine. Ce qui semblait l’intéresser avant tout, c’étaient ces moments-clé de
l’histoire politique et sociale que sont les insurrections et les révolutions.
Ainsi, le premier groupe constitué avec ses copains de lycée s’appelle-t-il Vive la
Commune-GAL, en référence à la Commune de Paris. Il ne s’agissait pas d’une
organisation bien structurée, produisant des textes, mais plus d’une manière de
vivre contre l’ordre social. Dans De Mémoire 1, on découvre donc que Rouillan a
grandi et acquis une conscience politique dans le bouillonnement intellectuel et
contestataire de cette époque mais aussi, ce qui n’est pas négligeable dans son
parcours, dans une ville du sud-ouest comportant une importante communauté d’exilés
espagnols. C’est dans son quartier des Minimes et du Raisin qu’il a rencontré les
guérilleros anarchistes et les compagnons de lutte de Durruti, qui l’ont décidé à
prendre les armes.

Si la suite des « Mémoires » de Jean-Marc Rouillan n’est pas encore publiée, on
sait néanmoins que ses premiers combats ont lieu dans l’Espagne franquiste, au sein
du MIL et que cette expérience décisive revient, par flash, dans la plupart de ses
ouvrages déjà parus. Dès Je hais les matins, Jean-Marc Rouillan évoque le MIL ; au
fil d’un texte comme « Le voyage extraordinaire des enfants de l’Extérieur » [13]
surgissent des instantanés de sa vie clandestine ; certains de ses romans portent
la trace écrite de son engagement dans le MIL : Le Roman du Gluck [14], Paul des
Epinettes [15] ou bien encore La Part des loups [16] dont certains passages
pourraient être lus comme une métaphore de son engagement en Espagne, au début des
années 1970.

L’exécution de son compagnon de lutte, Salvador Puig Antich, est, semble-t-il, un
événement clé dans le processus de radicalisation de Jean-Marc Rouillan, engagé à
ce moment-là dans les GARI et connu, dans la clandestinité, sous le pseudonyme de «
Sebas ». Arrêté en décembre 1974 pour port d’armes, à Paris, il est incarcéré à la
prison de la Santé et libéré en mai 1977 par une amnistie de Valéry Giscard
d’Estaing, sans avoir été jugé. Sa participation à Action directe s’inscrit dans un
processus de radicalisation extrême avec l’exécution du général Audran, le 25
janvier 1985 et celle de Georges Besse, le 17 novembre 1986. Quoi qu’on puisse
penser de ces méthodes, rappelons que le nom du commando d’AD, qui a exécuté le
patron de la régie Renault de l’époque, porte aussi la trace d’un événement qui a
fortement marqué l’ensemble de l’extrême gauche dans les années 1970 : la mort de
Pierre Overnay.


Ne pas se renier

Pour conclure, nous reviendrons sur les propos tenus par Jean-Marc Rouillan dans un
entretien téléphonique accordé à la télévision catalane en février 2002, puis
diffusé dans le documentaire Ni vieux, ni traîtres. Il nous a semblé que ces
mots-là résumaient à eux seuls notre propos : « Je ne sortirai que si j’accepte de
payer, et le paiement de cette rançon, c’est une déclaration, un texte politique
qui condamne mon action dans l’organisation armée, mais bien au-delà, dans toutes
les organisations auxquelles j’ai participé, comme le MIL, les GARI, jusqu’aux
manifestations de l’après 68. Dans leur délire réactionnaire à vouloir tout
édulcorer, l’histoire de la contestation armée dans ce pays n’est pas
définitivement écrite, et cela tant que nous ne l’aurons pas co-signée de notre
repentance. Cette repentance, c’est la rançon. La rançon du chantage. Tant qu’il me
restera un soupçon de lucidité, je refuserai le chantage et je ne me renierai pas.
»

Nous qui voulons comprendre, nous demandons la libération sans conditions de
Jean-Marc Rouillan et de ses camarades encore emprisonnés. Nous souhaitons aussi
qu’ils puissent s’exprimer librement, car leur témoignage est essentiel pour
l’écriture de ce pan d’histoire refoulée.

Delphine Galonnier,
Toulouse, novembre 2008

Delphine Galonnier est l’auteure d’un mémoire de Master 1 d’histoire immédiate,
soutenu en septembre 2008 à l’Université de Toulouse Le Mirail, « Toulouse en noir
et rouge : de la guérilla urbaine de 1971 à 1975. Fragments de l’aventure
toulousaine du MIL et des GARI à travers les écrits de Jean-Marc Rouillan »


Si vous souhaitez signer la pétition pour la libération de Jean-Marc Rouillan,
c’est ici :
http://marginales.free.fr/spip.php?article94#sp94

Notes
[1] Chez Denoël.

[2] Lire Luisa Passerini, Autoritratto di gruppo, Florence, Giunti, 1988.

[3] Ces chiffres sont avancés par Isabelle Sommier, La Violence politique et son
deuil. L’après 68 en France et en Italie, PUR, 1998, p. 238.

[4] Lire Retour sur les années de braise, Collectif éphémère, CRAS, mars 2005, p. 15.

[5] Pour une chronologie plus précise, on pourra se référer à l’article de La
Lanterne noire, n° 2 (décembre 1974-janvier 1975) mis en ligne ici
http://www.la-presse-anarchiste.net/spip/spip.php ?article227.

[6] Nous faisons ici allusion aux propos tenus par Jean-François Sirinelli dans
l’émission « La rumeur du monde », radiodiffusée sur France Culture, le 10 mai
2008.

[7] Isabelle Sommier, La Violence politique et son deuil, op. cit.

[8] Ibidem, p. 25.

[9] Luisa Passerini, Autoritratto di gruppo, op. cit. , p. 188.

[10] CRAS : Centre de recherche sur l’alternative sociale a été fondé en 1979. Il
archive tous types de documents sur les expériences alternatives et les courants de
pensée opposés à l’ordre social (anarchistes, libertaires, autonomes, communistes
anti-autoritaires). Le CRAS se veut indépendant de toute institution et de tout
groupe constitué. BP 51026, 31010 Toulouse, cedex 6.

[11] BI : organisation communiste de tendance marxiste-léniniste, créée en 1973
après le coup d’État au Chili. La plupart de ses membres proviennent de la GP. De
1974 à 1977, les BI vont se concentrer sur la situation internationale et sur la
solidarité en blessant et en exécutant des diplomates étrangers présents en France.

[12] Agone, 2007.

[13] Dans Lettre à Jules, Agone, 2004.

[14] Le Roman du Gluck, Paris, L’esprit frappeur, 2003.

[15] Paul des Epinettes, Montreuil, L’insomniaque-Agnès Vienot, 2002.

[16] La Part des loups, Marseille, Agone, 2005.


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